Réf. : Cass. civ. 1, 9 mars 2022, n° 20-21572, FS-B N° Lexbase : A94397PB
Lecture: 3 min
N0762BZA
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Lalaina Chuk Hen Shun, Docteur en droit
le 16 Mars 2022
► L’application du principe compétence-compétence est supplétif en matière d’arbitrage international ; la dérogation au principe doit être expresse et non-équivoque.
Faits et procédures. Une société française passe un contrat de construction navale incluant une clause compromissoire auprès d’une société italienne. Cette dernière fait appel à plusieurs intervenants pour la classification du navire, la fourniture des générateurs, et la mise en place du dispositif anti-incendie. À la suite d’un incendie dans la salle des machines du paquebot, les assureurs, subrogeant le propriétaire du paquebot, assignent le constructeur italien et les autres intervenants devant le tribunal de commerce de Mata’Utu (Wallis-et-Futuna), port d’immatriculation du navire.
Par jugement du 29 mars 2019, le juge polynésien se déclare incompétent et renvoie les parties à l’arbitrage en relevant qu’il n’existe pas d’inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire. L’incompétence de la juridiction étatique est confirmée par la cour d’appel de Nouméa par un arrêt rendu le 10 septembre 2020.
Pourvoi. Les assureurs forment pourvoi contre l’arrêt, et le débat porté devant la Cour de cassation concerne l’application du principe compétence-compétence selon lequel « lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable » (CPC, art 1448 N° Lexbase : L2275IPX, applicable à l’arbitrage international par renvoi opéré par l’article 1506 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2216IPR).
Les demandeurs au pourvoi soutiennent que le principe compétence-compétence est supplétif en matière d’arbitrage international et que les parties auraient manifesté leur volonté d’écarter l’effet négatif du principe compétence-compétence, prévu dans le droit français, en choisissant Londres en tant que siège de l’arbitrage et le droit anglais comme droit applicable.
Réponse de la Cour. La Haute juridiction abonde dans le sens des demandeurs au pourvoi en énonçant que, en vertu de l’article 1506 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2216IPR, les dispositions relatives au principe compétence-compétence ont un caractère simplement supplétif en matière d’arbitrage international. Toutefois, la première chambre civile précise que la dérogation à ce principe doit être expresse et non équivoque. La seule désignation de Londres comme siège de l’arbitrage et du droit anglais, ignorant le principe compétence-compétence, comme loi de la procédure ne satisfait pas à l’exigence de renonciation expresse et non-équivoque. Il appartient ainsi à l’arbitre de statuer sur sa propre compétence en faisant application du droit choisi par les parties.
Solution. La Cour renvoie les assureurs à mieux se pourvoir.
Pour aller plus loin : v. L. Chuk Hen Shun, ÉTUDE : L’arbitrage, Le principe compétence-compétence, in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:480762