Le Quotidien du 17 mars 2022 :

[Brèves] Devoir de mise en garde de la caution : précision sur la preuve du risque d’endettement né de l’octroi du prêt

Réf. : Cass. com., 9 mars 2022, n° 20-16.277, F-B N° Lexbase : A94287PU

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par Vincent Téchené

le 16 Mars 2022

► La circonstance que la banque a octroyé un prêt sans disposer d'éléments comptables sur l'activité prévisionnelle de l'emprunteur ne dispense pas la caution non avertie qui soutient que la banque était tenue à son égard d'un devoir de mise en garde, d'établir qu'à la date à laquelle son engagement a été souscrit, il existait un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, lequel résultait de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Faits et procédure. Une banque a consenti un prêt à une société. Le président et associé majoritaire de la société s'est rendu caution du remboursement de ce prêt. La société ayant été mise en liquidation judiciaire le 15 mai 2016, avec une date de cessation des paiements fixée au 29 février 2016, la banque a assigné en paiement la caution qui lui a opposé d'avoir manqué à son devoir de mise en garde à son égard.

La cour d’appel (CA Versailles, 14 janvier 2020, n° 18/05771 N° Lexbase : A96383A9) a débouté la caution de ses demandes et l’a, en conséquence, condamnée à payer un certain montant à la banque. La caution a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle rappelle que pour établir que le banquier dispensateur de crédit était tenu, à son égard, d'un devoir de mise en garde, la caution non avertie doit établir qu'à la date à laquelle son engagement a été souscrit, celui-ci n'était pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, lequel résultait de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur. Or, selon elle, la circonstance que la banque a octroyé le prêt sans disposer d'éléments comptables sur l'activité prévisionnelle de l'emprunteur ne dispense pas la caution d'établir l'inadaptation de ce prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

La Haute juridiction constate alors que l'arrêt d’appel a relevé que la caution ne produit aucun document comptable relatif à la société débitrice lors du démarrage de son activité et que, selon la déclaration de créance du 30 mars 2016, les échéances du prêt cautionné avaient été payées jusqu'à la date de l'ouverture de la procédure collective. En outre, l’arrêt d’appel a retenu que le patrimoine déclaré à la banque à la date du cautionnement s'évalue, après déduction des emprunts encore en cours, à la somme totale de 301 243,93 euros et que, sans même tenir compte de ses revenus déclarés, il ne peut davantage être considéré que son engagement n'était pas adapté à ses capacités financières.

Dès lors, il en résulte que la caution n'apportait pas la preuve lui incombant que le prêt litigieux était inadapté aux capacités financières de la société ou à ses propres capacités financières. Par conséquent,  la cour d'appel a pu retenir qu'il ne pouvait être reproché à la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde.

Observations. On sait que le devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie est une création purement prétorienne (v. par ex. Cass. com., 20 octobre 2009, n° 08-20.274, FS-P+B+I N° Lexbase : A2384EMA). La réforme du droit des sûretés issue de l’ordonnance du 15 septembre 2021 a consacré cette solution jurisprudentielle. Le nouvel article 2299 du Code civil N° Lexbase : L0173L8W, qui est désormais le siège de l’obligation de mise en garde, contient trois nouveautés (v. not., G. Piette, Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : formation et étendue du cautionnement, Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8978BY8). D’abord, la mise en garde ne porte plus que sur les capacités financières du débiteur principal. Ensuite, la sanction est modifiée. Il ne s’agit plus de la responsabilité du créancier, mais d’une déchéance : à défaut de mise en garde, le créancier est déchu de son droit contre la caution, à hauteur du préjudice subi par celle-ci. Enfin, et c’est l’innovation majeure, le devoir de mise en garde profite à toute caution, dès lors qu’elle est une personne physique.

Dans l’arrêt rapporté, la Cour de cassation applique (en y apportant une précision) une solution classique : pour invoquer le manquement d'un établissement de crédit à son obligation de mise en garde envers elle, une caution, fût-elle non avertie, doit rapporter la preuve que son engagement n'est pas adapté à ses capacités financières personnelles ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur débiteur principal (Cass. com., 15 novembre 2017, n° 16-16.790, FS-P+B+I N° Lexbase : A0222WZA – Cass. com., 21 octobre 2020, n° 18-25.205, F-P+B N° Lexbase : A88853YQ).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, La responsabilité du créancier à l'égard de la caution pour non-respect de son obligation de mise en garde, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E3566E4T.

 

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