Réf. : Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (N° Lexbase : L7926IWH)
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP
le 30 Mai 2013
I - Le couple
Ouverture du mariage aux couples de même sexe. C'est évidemment l'ouverture du mariage aux couples de même sexe qui constitue "le coeur" de la loi du 17 mai 2013. La nouvelle formulation de l'article 143 du Code civil selon lequel "le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe" est restée constante depuis le vote du texte en première lecture à l'Assemblée nationale (5).
Le Conseil constitutionnel a rejeté l'argument des parlementaires -inspiré par certains auteurs (6)- selon lequel cette ouverture du mariage aux couples de même sexe méconnaîtrait un prétendu principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFLR) selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, en expliquant qu'en réalité un tel principe n'existait pas ! La première condition pour qu'existe un PFLR réside, en effet, dans le caractère fondamental du principe invoqué qui doit intéresser un domaine essentiel de la vie de la Nation, comme les droits et libertés fondamentaux, la souveraineté nationale ou l'organisation des pouvoirs publics. Or, selon le Conseil constitutionnel, "si la législation républicaine antérieure à 1946 et les lois postérieures ont, jusqu'à la loi déférée, regardé le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, cette règle qui n'intéresse ni les droits et libertés, ni la souveraineté nationale, ni l'organisation des pouvoirs publics, ne peut constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de 1946 ; qu'en outre, doit en tout état de cause être écarté le grief tiré de ce que le mariage serait naturellement' l'union d'un homme et d'une femme".
Le Conseil constitutionnel précise que les règles relatives au mariage relevant de l'état des personnes, l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) confère au législateur la compétence pour fixer les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage. Autrement dit, si la définition du mariage était jusqu'à présent l'union d'un homme et d'une femme, rien n'interdit au législateur d'en changer... Le Conseil s'en remet ainsi à l'appréciation du législateur à laquelle il ne lui appartient pas de se substituer. De même qu'il avait affirmé, dans sa décision du 28 janvier 2011 (7), qu'il appartenait au seul législateur de définir le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, il considère dans sa décision du 17 mai 2013 que le législateur est libre d'estimer que "la différence entre les couples formés d'un homme et d'une femme et les couples de personnes de même sexe, ne justifiait plus que ces derniers ne puissent accéder au statut et à la protection juridique attachés au mariage".
Mariages antérieurs. Le Conseil constitutionnel précise que l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe ne porte aucune atteinte aux droits acquis nés des mariages antérieurs. Quoique relevant de l'évidence, ce rappel n'est sans doute pas inutile pour certains opposants irréductibles aux mariages homosexuels...
Le texte contient, en outre, dans son article 21, une disposition originale prévoyant que "le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l'entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets à l'égard des époux et des enfants, en France", à condition qu'il satisfasse les conditions de fond du mariage. Le Conseil constitutionnel ne statue pas sur cette question comme s'il était saisi d'une loi de validation. La disposition contestée concerne en réalité les mariages entre personnes de même sexe célébrés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013. En effet, avant cette date, un mariage célébré à l'étranger entre un ressortissant français et un citoyen d'un Etat qui reconnaissait aux couples de même sexe le droit de se marier n'était pas reconnu par le droit français. Le Conseil constitutionnel, en réponse aux requérants qui prétendaient qu'une telle reconnaissance porterait atteinte à la sécurité juridique et n'était pas justifiée par un motif suffisant d'intérêt général, affirme que cette exception à la règle selon laquelle la validité d'un mariage s'apprécie au jour de sa célébration, ne porte atteinte à aucun droit acquis et relevait là encore de la compétence du législateur.
Mariage d'étrangers en France ou de français à l'étranger. Les nouveaux articles 202-1 et 202-2 du Code civil contenus dans l'article 1er de la loi qui permettaient de manière dérogatoire à une personne étrangère ayant sa résidence en France, de se marier sur notre territoire, avec une personne de même sexe, alors que sa loi personnelle interdit un tel mariage, ont subi les foudres des auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel qui invoquaient pêle-mêle l'atteinte à l'égalité, à la sécurité juridique et le risque de voir arriver en France de nombreux couples homosexuels étrangers voulant accéder à un mariage interdit dans leur pays, sans oublier le risque que le mariage homosexuel ne devienne une nouvelle forme de mariage naturalisant. A ce débordement d'arguments, le Conseil constitutionnel oppose la liberté du législateur de traiter différemment des situations différentes et reconnaît la possibilité qui était la sienne d'introduire un dispositif spécifique au profit des couples de même sexe de nationalité étrangère dont la loi personnelle prohibe le mariage. Il précise également, dans une petite leçon sur la séparation des pouvoirs dont les requérants pourraient utilement profiter, que "l'éventualité d'un détournement de la loi ou d'abus lors de son application n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité ; qu'il appartient aux juridictions compétentes, de priver d'effet, et le cas échéant, de réprimer de telles pratiques". Il reste que la possibilité pour les époux de même sexe de déroger à la règle de conflit selon laquelle le mariage est régi par leur loi personnelle risque effectivement de "multiplier les mariages boiteux" qui seront reconnus dans l'Etat où ils ont été célébrés et pas dans l'Etat d'origine des époux (8). Sans doute est-ce le prix à payer pour permettre aux couples de même sexe de profiter des dispositions législatives favorables de leur Etat de résidence. Seront dans une situation similaire les époux, dont un au moins a la nationalité française, qui vivent dans un pays qui n'autorise pas le mariage entre deux personnes du même sexe et qui sont autorisés de manière dérogatoire, par la nouvelle loi, à se marier en France, dans la commune de leur dernière résidence, de celle de leurs parents ou même dans la commune de leur choix (9).
Nom des époux. La dernière version du texte contient, en outre, une disposition nouvelle relative au nom des époux qui n'est cependant que la consécration législative d'une règle coutumière. Le nouvel article 225-1 du Code civil dispose, en effet, que "chacun des époux peut porter, à titre d'usage, le nom de l'autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l'ordre qu'il choisit". Le législateur consacre ainsi pour tous les couples et pour chacun de leur membre, la possibilité déjà utilisée en pratique, surtout par les femmes, de porter à titre d'usage le nom de son conjoint, y compris en l'ajoutant au sien. Cette consécration comporte au moins l'intérêt d'éviter toute discussion sur la possibilité pour les couples de même sexe de bénéficier de la règle coutumière. On rappellera que l'article 264 du Code civil (N° Lexbase : L2829DZS), lui aussi désormais applicable aux couples de même sexe comme aux couples de sexe différent, prévoit qu'en cas de divorce l'époux perd en principe le droit d'utiliser le nom de son conjoint, sauf accord de celui-ci ou autorisation du juge fondée sur l'intérêt particulier que l'époux divorcé aurait à continuer de bénéficier de ce droit.
Dispositions de coordination. L'article 6-1 du Code civil affirme que le mariage emporte les mêmes effets, droits et obligations que les époux soient différents ou de même sexe. Seules quelques dispositions qui distinguaient encore les époux selon leur sexe sont modifiées ; il en va particulièrement ainsi de l'article 75 du Code civil relatifs à la cérémonie du mariage dans lequel l'expression "mari et femme" est remplacée par le mot "époux" (10) et de différents articles du Code de la Sécurité sociale dans lesquels la référence à la femme est remplacée par une référence à l'assuré.
II - L'enfant
La loi du 17 mai 2013 emporte également des conséquences essentielles en matière de filiation. Si l'effet principal du texte est d'ouvrir l'adoption aux couples de même sexe, celui-ci comporte également des modifications importantes quant aux effets de la filiation.
1° L'adoption par un couple de même sexe
L'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, conjuguée avec la règle de l'article 6-1 du Code civil qui confère au mariage les même effets que les époux soient de même sexe ou de sexe différent, aboutit incontestablement à permettre l'adoption par les couples de même sexe ainsi que l'adoption au sein de tels couples. Le Conseil consacre une part importante de sa décision à la question de la constitutionnalité de l'ouverture de l'adoption aux couples de personnes de même sexe. Plusieurs arguments, tous rejetés par le Conseil, étaient en effet présentés par les requérant pour la contester : certains tentaient de démontrer qu'en elle-même la possibilité pour un couple de même sexe d'adopter était contraire aux droits fondamentaux, et d'autres remettaient en question la cohérence de l'ensemble du droit de la filiation tel qu'il résultait de la loi nouvelle.
a. La constitutionnalité de l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe
Compétence du législateur. A propos de l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe aussi, le Conseil constitutionnel rappelle la compétence que le législateur tire de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) au titre des règles relatives à l'état et à la capacité des personnes. Dès lors que celui-ci a estimé que "l'identité de sexe des adoptants ne constituait pas, en elle-même, un obstacle à l'établissement d'un lien de filiation adoptive", il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, pour l'établissement d'un lien de filiation adoptive, de la différence entre les couples de personnes de même sexe et les couples formés d'un homme et d'une femme. Le Conseil reprend le même raisonnement que celui qu'il avait suivi dans sa décision du 6 octobre 2010 (11) dans laquelle il laissait au législateur la responsabilité de décider qu'il ne fallait pas aligner le régime de l'adoption de l'enfant du concubin sur celui de l'adoption de l'enfant du conjoint, mais avec un résultat inverse !
Vie privée. A l'argument, quelque peu inattendu, selon lequel l'adoption d'un enfant par deux personnes de même sexe conduirait nécessairement à révéler l'orientation sexuelle des adoptants et la nature adoptive de la filiation et, partant, porterait atteinte à la protection de la vie privée et à l'égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel répond logiquement "qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose ni que le caractère adoptif de la filiation soit dissimulé ni que les liens de parenté établis par la filiation adoptive imitent ceux de la filiation biologique". Il n'en reste pas moins évident que la loi du 17 mai 2013 emporte un changement notable de perception de l'adoption : désormais, l'adoption ne doit plus "singer la nature", puisqu'elle est le seule moyen d'établir à l'égard d'un enfant deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles. C'est en cela que la loi nouvelle traduit un choix de société avec lequel on peut ne pas être d'accord, mais qui n'est contraire à aucun droit ni aucune liberté fondamentale.
Exclusion d'un droit à l'enfant. Le Conseil constitutionnel affirme solennellement que l'ouverture de l'adoption aux couples de personnes de même sexe n'a "ni pour objet ni pour effet de reconnaître aux couples de personnes de même sexe un droit à l'enfant'" puisque ces derniers seront soumis, comme ceux qui sont formés d'un homme et d'une femme, à une procédure destinée à constater leur capacité à recueillir un enfant en vue de son adoption. On ne voit pas, en effet, en quoi l'adoption pourrait davantage constituer un droit à l'enfant pour les couples de même sexe que pour les couples de sexe différent...
Intérêt de l'enfant. La décision du Conseil constitutionnel a le mérite de conférer, de manière inédite, une valeur constitutionnelle au principe selon lequel l'adoption doit être conforme à l'intérêt de l'enfant, en se fondant sur le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 en vertu duquel "la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement" (12). Le Conseil considère que l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe satisfait ce principe constitutionnel, notamment, grâce à l'article 353 du Code civil (N° Lexbase : L2869ABU) selon lequel l'adoption est prononcée par le tribunal si celle-ci est conforme à l'intérêt de l'enfant ; cette disposition est, en effet, applicable aux couples de même sexe comme aux couples de sexe différent.
Mais le Conseil constitutionnel se montre plus exigeant en vérifiant la conformité à la Constitution des articles L. 225-2 (N° Lexbase : L8971G97) et L. 225-17 (N° Lexbase : L8978G9E) du Code de l'action sociale et des familles relatifs à l'agrément pour adopter. Il justifie cet examen en affirmant que "la conformité d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ; qu'en l'espèce les dispositions contestées affectent le domaine des articles L. 225-2 et L. 225-17 du Code de l'action sociale et des familles". Or, ces dispositions ne prévoient pas que l'agrément lui-même doit être conforme à l'intérêt de l'enfant (13). Le Conseil constitutionnel émet donc une réserve d'interprétation en affirmant que "les dispositions relatives à l'agrément du ou des adoptants, qu'ils soient de sexe différent ou de même sexe, ne sauraient conduire à ce que cet agrément soit délivré sans que l'autorité administrative ait vérifié, dans chaque cas, le respect de l'exigence de conformité de l'adoption à l'intérêt de l'enfant qu'implique le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946". Ce n'est que sous cette réserve que les dispositions relatives à l'agrément sont déclarées conforme à la Constitution.
L'adoption par les couples de même sexe étant soumise aux mêmes conditions que l'adoption par les couples de sexe différent, et particulièrement au principe de conformité à l'intérêt de l'enfant, le Conseil constitutionnel considère que les droits de l'enfant ne sont pas moins protégés lorsqu'il est adopté par des parents de même sexe que lorsqu'il est adopté par des parents de sexe différent.
Droit de l'enfant à une filiation fondée sur l'altérité sexuelle. En ce qui concerne l'admission d'une filiation doublement maternelle ou doublement paternelle que permettra l'ouverture de l'adoption aux couples homosexuels, le Conseil constitutionnel rappelle, comme il l'a fait à propos de la différence de sexe dans le mariage, que "la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit sera contraire à la Constitution qu'autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République". Des différentes lois relatives à la filiation, le Conseil constitutionnel ne déduit aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République qui consacrerait le caractère bilinéaire de la filiation fondé sur l'altérité sexuelle. Il considère, en outre, qu'il n'existe aucun principe constitutionnel garantissant le droit de tout enfant de voir sa filiation concurremment établie à l'égard d'un père et d'une mère. Il refuse toutefois, conformément à sa jurisprudence constante, de se prononcer sur l'existence d'une incompatibilité de la filiation à l'égard de deux personnes de même sexe avec les dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant qui n'entre pas dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution.
b. La cohérence du droit de la filiation résultant de la loi nouvelle
Dans sa décision du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel écarte le grief d'inintelligibilité des textes relatifs à la filiation qui résulterait, selon les requérants, des dispositions de la loi nouvelle relatives à la filiation. De nombreux juristes avaient également dénoncé "l'incohérence d'une réforme qui n'irait pas assez loin pour certains et trop loin pour d'autres" (14). Comme le constate le commentaire de la décision aux Cahiers du Conseil constitutionnel (15), "pour répondre aux griefs, le Conseil s'est livré à une lecture explicative du texte dont il était saisi et de son impact sur le droit civil". Selon la décision du Conseil, le fait que les dispositions relatives à la filiation adoptive et ses effets soient applicables aux parents de même sexe comme aux parents de sexe différent, tandis que les dispositions relatives à la filiation dite "charnelle" ne sont applicables qu'aux couples de sexe différent, ne porte pas atteinte ni à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, ni au principe d'égalité.
Procréation médicalement assistée. Le Conseil précise ainsi que ni cet objectif, ni le principe d'égalité n'imposaient qu'en ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe, le législateur modifie la législation relative à la procréation médicalement assistée, les couples formés d'un homme et d'une femme atteints d'une stérilité pathologique étant, au regard de cette question, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe. Le Conseil affirme, en outre, que "les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier la portée des dispositions de l'article 16-7 du Code civil (N° Lexbase : L1695ABE) aux termes desquelles : toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle'".
Egalité de droits entre les enfants. Sur ce même terrain de l'égalité, le Conseil constitutionnel considère, en outre, que les dispositions de l'article 6-1 du Code civil ne font pas obstacle à l'application de la règle selon laquelle les enfants adoptés, que leurs parents soient de même sexe ou de sexe différent, bénéficieront des mêmes droits que ceux dont la filiation est légalement établie en application du titre VII du livre 1er du Code civil relatif à la filiation charnelle. En effet, la différence de traitement entre filiation adoptive et filiation charnelle porte sur l'établissement et la contestation de la filiation et non sur ses effets. Comme le relève le Conseil constitutionnel, l'exclusion des couples de même sexe du bénéficie du titre VII est justifiée par le fait que les dispositions de ce titre distingue entre filiation maternelle et filiation paternelle, ce qui par hypothèse est impossible pour un couple de même sexe. Ainsi précise-t-il qu'"en particulier au sein du couple de même sexe la filiation ne peut être établie par la présomption [de paternité] de l'article 312 du Code civil".
Cohérence d'ensemble. L'exclusion du titre VII du livre 1er permet finalement de conserver sa cohérence au droit de la famille résultant de la nouvelle loi. En effet, le Conseil constitutionnel constate, dans son considérant 43, que, "à l'exception des dispositions du titre VII du livre 1er du Code civil, les règles de droit civil, notamment celles relatives à l'autorité parentale, au mariage, aux régimes matrimoniaux et aux successions ne prévoient pas de différence entre l'homme et la femme s'agissant des relations du mariage, des conséquences qui en découlent et des conséquences relatives à l'établissement d'un lien de filiation". Il en déduit logiquement "qu'en prévoyant que le mariage ou la filiation emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe, sans supprimer les références qui dans ces textes désignent les père et mère ou le mari et la femme, l'article 6-1du Code civil ne rend pas ces règles inintelligibles". Le choix finalement opéré par le législateur de ne pas supprimer la référence aux père et mère est ainsi validé par le Conseil constitutionnel. En effet, alors que le projet de loi prévoyait de supprimer la différenciation sexuelle du mariage et de la parenté, dans toutes les dispositions du Code civil qui désignaient les parents (comme les époux, cf. supra) par des termes sexués, le texte final ne procède qu'aux coordinations indispensables dans les dispositions relatives aux actes de l'état civil et consacre dans l'article 6-1, une règle générale d'interprétation et d'application. Par ailleurs, l'article 13 de la loi autorise le Gouvernement, dans les conditions de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X) à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires pour adapter l'ensemble des dispositions législatives en vigueur à l'exception de celle du Code civil, afin de tirer les conséquences de l'application aux conjoints et parents de même sexe des dispositions applicables aux conjoints et parents de sexe différent.
Ainsi, la nouvelle physionomie du droit français de la filiation qui admet l'accès des couples de même sexe à la seule filiation adoptive à l'exclusion de la filiation dite "charnelle", qui est sans doute un des choix essentiels et les plus discutés du législateur de 2013, est validée par le Conseil constitutionnel, sans aucun doute à juste titre. Elle permet en effet d'ouvrir la voie de l'homoparenté sans, pour l'instant au moins, bouleverser l'ensemble du droit de la filiation, même si force est de constater que ce choix comporte l'inconvénient de favoriser, de fait, les couples de femmes qui auront plus facilement accès à l'homoparenté par la voie de l'adoption de l'enfant du conjoint.
2° Les dispositions relatives aux effets de la filiation
Le Conseil constitutionnel s'est également prononcé sur la question de l'adoption de l'enfant ayant déjà fait l'objet d'une adoption et sur les dispositions relatives au nom de famille.
a. L'adoption d'un enfant ayant déjà fait l'objet d'une adoption
Adoption de l'enfant adopté. Dès la première lecture à l'Assemblée nationale, il était prévu que l'article 345-1 du Code civil (N° Lexbase : L2854ABC) admette l'adoption plénière de l'enfant du conjoint "lorsque l'enfant a fait l'objet d'une adoption plénière par ce conjoint" ; de même, l'article 360 du Code civil (N° Lexbase : L2878AB9) permet que l'enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière ou d'une adoption simple puisse faire l'objet d'une adoption simple de la part du conjoint de l'adoptant. Cette faveur pour l'adoption de l'enfant du conjoint n'est certes pas réservée aux couples homosexuels ; toutefois, comme le fait remarquer le commentaire de la décision aux Cahiers du Conseil constitutionnel, elle devrait faciliter l'accès à l'établissement d'un double lien de filiation à l'égard d'un enfant pour ces couples qui ne peuvent procréer du fait de l'identité de sexe des conjoints. En réponse aux auteurs de la saisine qui prétendaient que la faveur ainsi faite à l'adoption de l'enfant du conjoint portait atteinte au principe d'égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel considère qu'"en réservant cette possibilité à l'adoption de l'enfant du conjoint, le législateur a pris en compte, comme il lui était loisible de le faire, la différence entre les adoptions au sein du couple et les autres formes d'adoption". Autrement dit, encore une fois, la différence de situation justifie la différence de traitement. La loi du 17 mars 2013 accentue la spécificité de l'adoption de l'enfant du conjoint, ce qui n'est contraire à aucun principe fondamental et qui constitue une reconnaissance de la place du beau-parent, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel.
Exercice de l'autorité parentale dans le cadre de l'adoption de l'enfant du conjoint. L'affirmation de l'exercice conjoint automatique de l'autorité parentale par le parent d'origine et l'adoptant dans le cadre de l'adoption de l'enfant du conjoint, instaurée en première lecture par l'Assemblée nationale, a en revanche été supprimée par la Commission des lois du Sénat, et n'a pas été reprise par la suite. Le principe reste, en vertu de l'article 365 alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L3826IR7), l'exercice unilatéral de l'autorité parentale par le parent d'origine et la possibilité d'un exercice en commun par déclaration conjointe avec l'adoptant au greffe du tribunal de grande instance (qui peut désormais être faite par courrier (16)).
Lien de l'enfant avec le conjoint de son parent. Toujours à propos des liens de l'enfant avec le conjoint ou concubin de son parent, le texte définitif consacre les relations avec l'enfant du tiers qui a résidé, de manière stable, avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et avec lequel il a noué des liens affectifs et stables. Toutefois, alors que dans le texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture cette innovation était contenue dans l'article 373-3, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2906ABA), relatif à l'intervention d'un tiers dans l'autorité parentale, la loi du 17 mai 2013 en a fait une hypothèse particulière de relations entre l'enfant et un tiers dont le juge peut fixer les modalités, et contenue dans l'alinéa 2 de l'article 371-4 (N° Lexbase : L8335HWM), ce qui paraît plus logique (17). La version finale du texte prévoit que le fait de dissimuler au tribunal le maintien des liens entre l'enfant adopté et un tiers, décidé par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l'article 371-4 du Code civil, constitue un dol au sens de l'article 353-2 alinéa 1er du Code civil (N° Lexbase : L2871ABX), ce qui permet la tierce opposition à l'encontre du jugement d'adoption. Il s'agit ainsi de permettre au tiers qui a vécu avec l'enfant et son père d'être consulté en cas d'adoption de l'enfant.
b. Le nom de famille
Désaccord des parents. Le nom de famille fait l'objet dans la loi du 17 mars 2013 d'une disposition appelée à s'appliquer à tous les enfants, quelle que soit la nature, adoptive ou non, de leur filiation. Dès le vote en première lecture par l'Assemblée nationale, la modification des règles d'attribution du nom de l'enfant, à l'origine cantonnée à l'enfant adopté, a, en effet, été généralisée. Désormais, lorsque les parents ne seront pas d'accord sur le nom que doit porter l'enfant, ce désaccord étant signalé par l'un d'eux à l'officier de l'état civil, l'enfant prendra le nom des deux parents accolés selon l'ordre alphabétique. Les auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel ont prétendu que la nouvelle rédaction de l'article 311-21 du Code civil modifie "les règles qui prévalent en matière de dévolution du nom de famille pour tenter de trouver une solution à l'établissement de filiations artificielles [sic.]" et qu'elle conduirait à une multiplication des noms de famille doubles et une disparition des noms patronymiques en fin d'alphabet. Même si ce dernier argument n'est pas totalement dénué de pertinence, les effets de la modification des règles de dévolution ne portent atteinte à aucune exigence constitutionnelle. Et si le régime de dévolution du nom est quelque peu différent selon qu'il s'agit d'une adoption ou d'une filiation "charnelle", le Conseil constitutionnel considère qu'elle est rendue nécessaire par la différence entre les formalités relatives à la dévolution du nom de l'enfant dans l'une et l'autre hypothèse.
Nom de l'adopté simple. Conformément à ce que prévoyait à l'origine le projet de loi, l'article 12 de la loi modifie l'article 363 du Code civil (N° Lexbase : L6482DIW) relatif au nom de l'adopté simple et subordonne l'ajout du nom de l'adoptant au consentement de l'adopté, s'il est majeur. Par ailleurs, dans le cadre de l'adoption de l'enfant du conjoint, l'adoptant pourra demander à ce que l'adopté conserve son nom d'origine.
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