Réf. : Cass. civ. 1, 2 février 2022, n° 20-19.728, F-B N° Lexbase : A14077LP
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)
le 15 Février 2022
► Le gérant d’affaires qui a agi en son propre nom, sans révéler l’identité du maître de l’affaire, demeure tenu personnellement de l’exécution des obligations, même après la révélation de l’identité du maître de l’affaire ; cette exécution lui ouvre un recours en remboursement contre ce dernier.
Faits et procédure. Après avoir précisé les conditions de la gestion d’affaires il y a quelques mois (Cass. civ. 1, 18 novembre 2020, n° 19-10.965, F-P+B N° Lexbase : A508537H), la Cour de cassation précise aujourd’hui les effets de ce quasi-contrat aujourd’hui régi par les articles 1301 N° Lexbase : L0951KZA à 1301-5 N° Lexbase : L0641KZR du Code civil.
En l’espèce, le syndic d’un immeuble avait accepté un devis et avait par la suite demandé au co-contractant que la facture soit établie au nom du bénéficiaire de la prestation. Le syndic n’entendait ainsi pas s’acquitter du paiement de la facture. Le bénéficiaire étant en liquidation judiciaire, c’est vers le syndic que le créancier se tourna pour obtenir le paiement de sa créance, syndic qui invoqua l’existence d’une gestion d’affaires pour s’opposer au paiement. La caractérisation de la gestion d’affaires n’était pas en cause, seuls l’étaient ses effets à l’égard des tiers. La révélation postérieure à la conclusion du contrat du nom du maître de l’affaire opère-t-elle une substitution de débiteur ? L’enjeu est de taille et la cour d’appel (CA Paris, 25 mai 2020, n° 19/00104 N° Lexbase : A11523MM) avait procédé à une distinction selon la date des factures, considérant qu’à compter de la révélation du nom du maître de l’affaire, le gérant d’affaires n’était plus tenu de payer les factures.
Solution. L’arrêt d’appel est cassé au visa des anciens articles 1372 N° Lexbase : L1478ABD et 1375 N° Lexbase : L1481ABH du Code civil. Les effets de la gestion d’affaires à l’égard des tiers sont précisés. En effet, la Cour de cassation précise que « il résulte de ces textes que le gérant d’affaires qui contracte avec un tiers dans l’intérêt du maître de l’affaire, mais en son nom personnel, est personnellement tenu de l’exécution des obligations du contrat, même après la révélation de l’identité du maître de l’affaire, laquelle n’a pas pour effet de substituer ce dernier au gérant d’affaires dans l’exécution du contrat conclu, et que le maître dont l’affaire a été bien administrée doit rembourser au gérant toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu’il a faites ». S’agissant des relations entre le gérant d’affaires et le tiers : lorsque le gérant d’affaires a agi en son nom, sans révéler l’identité du maître de l’affaire, seul lui est tenu envers le tiers. La révélation ultérieure du nom du maître de l’affaire est sans incidence. Autrement dit, aucune substitution de débiteur ne saurait être imposée au tiers. Quant aux relations entre le gérant d’affaires et le maître de l’affaire : l’obligation du gérant d’affaires lui ouvre un recours en remboursement contre le maître de l’affaire. À noter que la solution a été rendue sous l’empire des textes antérieurs à la réforme du droit des contrats de 2016. Leur pérennité devra être tranchée par la Cour de cassation. En effet, la distinction entre le gérant agissant au nom et pour le compte du maître de l’affaire et le gérant agissant en son propre nom n’apparaît désormais plus.
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