La lettre juridique n°516 du 14 février 2013 : QPC

[Jurisprudence] QPC : évolutions procédurales récentes - Octobre à Décembre 2012

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N5727BTB

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par Mathieu Disant, Maître de conférences à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris I) et membre du Centre de recherche en droit constitutionnel (CRDC)

le 14 Février 2013

La question prioritaire de constitutionnalité est à l'origine d'une jurisprudence abondante du Conseil constitutionnel comme du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Cette chronique trimestrielle, rédigée par Mathieu Disant, Maître de conférences à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris I) et membre du Centre de recherche en droit constitutionnel (CRDC), s'attache à mettre en exergue les principales évolutions procédurales de la QPC, les apports au fond du droit étant quant à eux traités au sein de chacune des rubriques spécialisées de la revue de droit public. La période examinée signe une diminution du flux de QPC. Bien qu'elles soient d'une grande richesse, seules onze décisions QPC ont été rendues par le Conseil constitutionnel d'octobre à décembre 2012, soit une moyenne faible de quatre décisions par mois. Ce chiffre devrait toutefois remonter à sa vitesse de croisière au regard des affaires en cours. En outre, une série d'auditions a été diligentée, en novembre et décembre 2012, par la commission des lois de l'Assemblée nationale afin de dresser un bilan de la QPC qui donnera lieu à un rapport annoncé en février 2013. Il faut noter, également, la préparation d'une série de colloques et publications en vue de la célébration du troisième anniversaire de la QPC.

Au cours de la période considérée, le Conseil constitutionnel s'est penché sur des QPC importantes, soit en raison de la longue controverse qui entourent les dispositions législatives contestées, soit en raison de leur objet ou de leur impact juridique. Ainsi, par exemple, dans sa décision attendue n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012 (N° Lexbase : A9021ITB), le Conseil a censuré en partie le régime de circulation des gens du voyage régi par la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969, relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe (N° Lexbase : L4723GUH). Cette loi a été sujette à de nombreux débats, tant au niveau interne à la suite des travaux de la HALDE qu'au niveau international. Aux yeux de ses détracteurs, elle porte en elle un régime de discrimination obsolescent et généralisé en Europe depuis le début du siècle qui place les gens du voyage en situation "d'étrangers de l'intérieur". A défaut de censure globale, la décision du Conseil constitutionnel sanctionne une différence de traitement dans l'exercice de leurs droits civiques, ce qui contribue au moins symboliquement à replacer les intéressés en situation de droit commun. Dans un tout autre domaine, par sa décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012 (N° Lexbase : A2619IUK), relative à l'Autorité de la concurrence, le Conseil s'est prononcé sur le statut et les modalités du pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes, en tranchant la question de savoir si les principes d'impartialité et d'indépendance qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D) sont, ou non, applicables à de telles autorités administratives indépendantes (AAI) lorsqu'elles exercent ce pouvoir.

I - Champ d'application

A - Normes contrôlées dans le cadre de la QPC

1 - Notion de "disposition législative"

Une confusion semble être entretenue par la Cour de cassation entre, d'une part, la question de savoir si la disposition contestée constitue une "disposition législative" pouvant être renvoyée et, d'autre part, l'incompétence négative du législateur. On peut le relever à propos d'une QPC tirée de l'atteinte, par les dispositions de l'article L. 111-8 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L7809HNK), à l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC) et au principe de droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789. Le grief développé reprochait à ces dispositions de ne pas définir les conditions de mise en oeuvre de la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime et, ainsi, d'abandonner cette question au pouvoir réglementaire. La Cour de cassation considère que, sous le couvert de la critique d'une disposition législative, la question posée ne tend qu'à discuter la conformité à la Constitution des dispositions des articles 356 (N° Lexbase : L2143H47) à 363 du Code de procédure civile, qui sont des dispositions réglementaires ne pouvant, en tant que telles, faire l'objet d'une QPC (Cass. QPC, 6 décembre 2012, n° 12-21.855, FS-D N° Lexbase : A6472IYD).

Par ailleurs, on rappellera qu'une disposition d'une loi organique est une "disposition législative" au sens de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ) et peut donc faire l'objet d'une QPC. Il en allait ainsi du 3° de l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature (N° Lexbase : L4909AGW) (Cons. const., décision n° 2012-278 QPC, du 5 octobre 2012 [LXB=L5336AGQ)]). Pour autant, les conditions de recevabilité de la QPC, et, notamment, celle de l'absence de "déjà jugé", s'appliquent pleinement à l'égard d'une disposition d'une loi organique. Une disposition d'une ordonnance organique prise sur le fondement des dispositions transitoires de l'article 92 de la Constitution abrogé n'a pas été soumise au Conseil constitutionnel et peut donc faire l'objet d'une QPC (Cons. const., décision n° 2012-278 QPC, du 5 octobre 2012, préc.). Mais, si la disposition d'une telle ordonnance a été ultérieurement reprise dans une nouvelle loi organique, cette dernière a été automatiquement soumise au Conseil constitutionnel dans la totalité de ces dispositions. Elle ne peut donc pas faire l'objet d'une QPC. Il en a été ainsi des dispositions de l'article LO 134 du Code électoral (N° Lexbase : L7618AIY) issu de l'ordonnance organique du 4 février 1959, complétant et modifiant l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958, portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires. Ces dispositions de l'article LO 134 avaient été reprises dans la loi organique n° 85-688 du 10 juillet 1985, modifiant le Code électoral et relative à l'élection des députés (N° Lexbase : L9042ICU), laquelle a fait l'objet d'un contrôle par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 85-194 DC du 10 juillet 1985 (N° Lexbase : A8103AC4). Dès lors, en se prononçant à nouveau sur une QPC dans le cadre du contentieux de la régularité de l'élection législative, le Conseil juge que l'article LO 134 du Code électoral ne pouvait plus faire l'objet d'une QPC (Cons. const., décisions du 18 octobre 2012, n° 2012-4563/4600 AN [LXB=A4841IUT ] et n° 2012-4565/4567/4568/4574/4575/4576/4577 AN N° Lexbase : A4842IUU).

2 - Statut de l'interprétation de la loi

La question du contrôle de l'interprétation jurisprudentielle de la loi trouve un nouvel épisode. Dans une formulation de principe, la Chambre sociale de la Cour de cassation retient que, s'il a été décidé que "tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative", sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la Cour suprême compétente, il résulte tant des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution et de l'article 23-5, alinéa 3, de l'ordonnance du 7 novembre 1958 (N° Lexbase : L0276AI3), que des décisions du Conseil constitutionnel, que la contestation doit concerner la portée que donne à une disposition législative précise l'interprétation qu'en fait la juridiction suprême de l'un ou l'autre ordre. L'application de cette solution conduit a juger irrecevable une QPC qui, sous couvert de critiquer les articles 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P), porte exclusivement sur la règle jurisprudentielle, énoncée, notamment, au visa de ces textes, suivant laquelle les dispositions d'une clause de non-concurrence qui minorent la contrepartie financière en cas de rupture imputable au salarié sont réputées non écrites (Cass. QPC, 28 novembre 2012, n° 11-17.941, F-P+B N° Lexbase : A9119IXZ). Il s'agit là d'une lecture éminemment restrictive.

En outre, dans l'examen de l'affaire n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, relative au pouvoir de sanction de l'Autorité de la concurrence, le Conseil constitutionnel souligne qu'il n'est pas question pour lui d'examiner une pratique. Cela signifie qu'il ne se prononce que sur les seules dispositions législatives qui lui sont déférées et, en l'occurrence, dans quelle mesure ces dispositions elles-mêmes comportent des garanties d'impartialité et d'indépendance suffisantes.

3 - Applicabilité d'une disposition législative au litige

Le Conseil d'Etat a jugé que les dispositions législatives en vertu desquelles une autorité administrative indépendante peut prendre l'initiative de donner un avis sur toute question relevant de sa compétence ne peuvent faire l'objet d'une QPC. Il estime que les prises de position et recommandations que l'autorité formule à cette occasion ne constituent pas des décisions faisant grief. Toutefois, tel n'est pas le cas si ces actes revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou de prescriptions individuelles dont l'Autorité pourrait ultérieurement censurer la méconnaissance (CE 9° et 10° s-s-r., 11 octobre 2012, n° 346378, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2692IUA). En outre, s'agissant de l'Autorité de la concurrence, si l'analyse contenue dans un avis était ultérieurement reprise par elle ou par une autre autorité dans le cadre d'une procédure aboutissant à une décision faisant grief, elle pourrait, à cette occasion, faire l'objet d'un débat contentieux (CE 9° et 10° s-s.r., 11 octobre 2012, n° 357193, publié au recueil Lebon [LXB=A2714IU3 ]).

La Cour de cassation a jugé que des dispositions du Code général des impôts relatives au paiement de sommes fraudées, ou indûment obtenues, ne sont pas applicables à l'espèce dès lors que le juge pénal, qui déclare le prévenu coupable, ne fixe pas lui-même l'assiette ou le taux de ces sommes (Cass. QPC, 3 octobre 2012, n° 12-90.055, -, F-D N° Lexbase : A0197IUT). De même, elle juge que les dispositions de l'article 723-16 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9483IEX) permettant au procureur de la République de mettre à exécution une peine d'emprisonnement ferme antérieure par la survenance d'un fait nouveau ne sont pas applicables à la procédure, dès lors qu'il n'appartient pas au tribunal correctionnel d'apprécier la régularité de la mise à exécution d'une condamnation définitive antérieure par le procureur de la République (Cass. QPC, 14 novembre 2012, n° 12-90.058, F-D N° Lexbase : A5565IXE).

S'agissant d'une QPC dirigée contre les dispositions du 13° de l'article 7 de la loi du 1er juin 1924 qui ont pour seul objet de maintenir en vigueur, dans les départements d'Alsace-Moselle, la législation locale sur les cultes et les congrégations religieuses en vigueur au 1er janvier 1925, jusqu'à l'intervention de l'ordonnance du 15 septembre 1944, relative au rétablissement de la légalité républicaine dans ces départements, le Conseil d'Etat juge que ces dispositions législatives ne sont pas applicables à un litige portant sur le refus du Président de la République d'abroger les dispositions réglementaires de la loi du 18 germinal An X et du décret n° 2001-31 du 10 janvier 2001, relatif au régime des cultes catholique, protestants et israélite dans ces départements (N° Lexbase : L8769IUC) (CE 9° et 10° s-s-r., 19 décembre 2012, n° 360724, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1297IZ3).

On soulignera que le Conseil d'Etat, saisi par la Cour des comptes, a refusé de transmettre une QPC portant sur les dispositions relatives à la première phase de la procédure de la gestion de fait. Il estime "qu'alors même que cette procédure est une procédure unique, cette première phase constitue une instance autonome qui se conclut par une décision du juge des comptes visant uniquement à reconnaître l'existence d'obligations constitutives de gestion de fait et à assujettir le comptable de fait aux obligations qui incombent aux comptables publics, notamment l'obligation de rendre un compte" (CE 1° et 6° s-s-r., 8 octobre 2012, n° 360838, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0104IUE). Or, ce n'est que dans une phase ultérieure de la procédure, lors du jugement du compte, que la Cour des comptes sera amenée à se prononcer sur l'opportunité de sanctionner le comptable de fait et, éventuellement, à mettre en oeuvre les dispositions contestées. On peut en déduire que, lorsqu'une procédure peut se subdiviser en deux instances autonomes (en l'espèce, reconnaissance de l'existence d'obligations constitutives de gestion de fait et condamnation des comptables de fait) dont la première se conclut par une décision d'un juge, une QPC portant sur les dispositions relatives à la deuxième instance est irrecevable en tant que ces dispositions ne sont pas applicables au litige.

B - Normes constitutionnelles invocables

1 - Notion de "droits et libertés que la Constitution garantit"

En examinant une QPC portée à l'encontre de dispositions relatives à la pension vieillesse, la Cour de cassation juge invocable, tout en jugeant non sérieuse la question, le volet social de l'article 11 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1358A98) comme renvoyant à la perception d'un revenu minimum (Cass. QPC, 11 octobre 2012, n° 12-15.731, F-D N° Lexbase : A3353IUQ).

La première phrase de l'article 2 de la Constitution (N° Lexbase : L0828AH7), selon laquelle "la langue de la République est le français" est au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit au sens de l'article 61-1 de la Constitution (Cons. const., décision n° 2012-285 QPC, du 30 novembre 2012 N° Lexbase : A7023IXE). De façon remarquable, le Conseil ajoute que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, lorsqu'il est fondé sur la méconnaissance de l'article 2 de la Constitution, peut être invoqué à l'appui d'une QPC, ce qui permet de mieux définir les limites de l'absence d'invocabilité "en elle-même" d'un tel objectif et de distinguer, ainsi que cela a été envisagé (1), l'hypothèse dans laquelle il est combiné avec un droit ou liberté. C'est, ainsi, que, dans l'affaire relative à l'obligation d'affiliation à une corporation d'artisans en Alsace-Moselle, qui concernait des dispositions législatives n'ayant pas donné lieu à une traduction authentique publiée au Journal officiel, le Conseil a examiné si une atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité de la loi résulte de l'absence de version française d'une disposition législative.

Tout aussi importante est la décision n° 2012-282 QPC du 23 octobre 2012 (N° Lexbase : A4204IXY) qui livre une série de précisions ou clarifications quant à l'invocabilité de certaines dispositions de la Charte de l'environnement. D'une part, si le Conseil constitutionnel a reconnu que pouvait être invoquée devant lui la méconnaissance du principe constitutionnel de vigilance environnementale qui résulte des articles 1er et 2 de la Charte, il n'a pas fait du droit à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé un droit subjectif invocable en tant que tel. Il ne s'est, d'ailleurs, pas prononcé sur la portée du seul article 1er de la Charte. D'autre part, le Conseil a confirmé que les articles 1er et 3 de la Charte sont invocables ensemble à l'appui d'une QPC. Il n'exerce, toutefois, qu'un contrôle réduit, de la seule dénaturation de ces exigences, dès lors que le législateur dispose d'une large compétence et marge d'appréciation pour définir les modalités selon lesquelles la protection de l'environnement doit être assurée.

2 - Normes constitutionnelles exclues du champ de la QPC

Le Conseil d'Etat a jugé que le droit à rémunération après service fait ne figure pas au nombre des droits et libertés qui sont garantis par la Constitution au sens de l'article 61-1 de la Constitution. Il en juge de même s'agissant des principes d'unité, d'universalité, de sincérité des lois de finances et de sincérité des comptes de l'Etat et de la Sécurité sociale, ainsi que le principe de sincérité des comptes des caisses de retraite (CE 3° s-s., 26 novembre 2012, n° 359735, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6331IXR).

Le Conseil constitutionnel a jugé, quant à lui, que les dispositions de l'article 13 de la Constitution (N° Lexbase : L0839AHK), qui concerne le pouvoir de nomination du président de la République, n'instituent aucun droit ou liberté dont la méconnaissance pourrait être invoquée à l'appui d'une QPC (Cons. const., décision n° 2012-281 QPC du 12 octobre 2012 N° Lexbase : A2620IUL). Cette solution s'inscrit dans la jurisprudence du Conseil qui décline une telle qualité aux dispositions constitutionnelles dépourvues des attributs essentiels d'un droit ou d'une liberté (2). Dans cette ligne, quoique cela soit plus discutable, le Conseil en a jugé de même s'agissant des exigences du dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution (N° Lexbase : L0904AHX) qui prévoit que, "dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois" (Cons. const., décision n° 2012-282 QPC du 23 octobre 2012 [LXB= A4204IXY]).

En outre, contrairement à ce qu'avait pu laisser penser la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE 4° et 5° s-s-r., 14 septembre 2011, n° 348394, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7293HXE), le Conseil a, également, jugé non invocable en QPC l'article 6 de la Charte de l'environnement qui prévoit l'obligation de conciliation des politiques publiques avec les trois piliers du développement durable : la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social (Cons. const., décision n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012 N° Lexbase : A4205IXZ, cons. 22). Cet article consacre, de façon générale, les principes de promotion du développement durable et d'intégration des préoccupations environnementales dans les politiques publiques, à l'instar de celui affirmé dans la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement de 1992, et repris à l'article 37 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union (N° Lexbase : L8117ANX). Le Conseil constitutionnel a, toutefois, jugé, en cohérence avec sa jurisprudence, que cet article ne détermine qu'un objectif à destination des pouvoirs publics et n'institue pas un droit ou une liberté dont les particuliers pourraient se prévaloir.

Par ailleurs, le Conseil ne reconnaît pas l'existence d'un principe constitutionnel selon lequel des corps de fonctionnaires de l'Etat ne peuvent être constitués et maintenus qu'en vue de pourvoir à l'exécution de missions de service public (Cons. const., décision n° 2012-281 QPC du 12 octobre 2012, préc.). Il a jugé que la Constitution, qui fait référence aux "agents publics" ou aux "emplois civils et militaires de l'Etat", ne consacre pas un principe de valeur constitutionnelle garantissant aux fonctionnaires de l'Etat le droit de toujours exercer leur mission dans le cadre du service public. Outre cette précision de fond, cette solution est remarquable en ce qu'un tel principe avait été clairement dégagé préalablement par le Conseil d'Etat (CE Ass., avis n° 355255 du 18 novembre 1993, CE, Section des finances, avis n° 360829 du 23 septembre 1997). De sorte qu'en ne confirmant pas celui-ci, le Conseil constitutionnel, non seulement exprime clairement qu'il n'est point lié par ce "précédent" qui n'en est pas un, mais surtout entend faire régner le monopole de l'interprétation authentique de la Constitution qui lui est confié. En revanche, en application de l'autorité de la chose interprétée des décisions du Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat ne pourra plus s'appuyer sur ce faux principe constitutionnel.

II - Procédure devant les juridictions ordinaires

A - Instruction de la question devant les juridictions ordinaires et suprêmes

1 - Présentation de la requête

Dès lors qu'un pourvoi formé contre une ordonnance du président de la chambre de l'application des peines est irrecevable, la QPC qui en est l'accessoire est elle-même irrecevable. C'est ce que juge de façon assez classique la Cour de cassation en relevant, en l'espèce, que le mémoire n'a pas été déposé au greffe de la chambre de l'application des peines, mais adressé à celle-ci par lettre recommandée (Cass. QPC, 31 octobre 2012, n° 12-85.401, F-D N° Lexbase : A6862IW3).

Lorsque la QPC est soulevée à l'occasion d'un pourvoi en cassation en matière pénale, le mémoire personnel qui la présente doit être déposé dans la forme et les délais prévus aux articles 584 (N° Lexbase : L4425AZW) et suivants du Code de procédure pénale. Faute d'avoir été déposé dans le délai de dix jours suivant la déclaration de pourvoi au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, ce mémoire n'est pas recevable (Cass. QPC, 28 novembre 2012, deux arrêts, F-D, n° 12-86.539 N° Lexbase : A6480IYN et n° 12-86.540 N° Lexbase : A6478IYL).

Le mémoire présentant une QPC soulevée à l'occasion d'une requête tendant au renvoi d'une affaire devant une autre juridiction pour cause de suspicion légitime, sans le recours au ministère d'un avocat au conseil d'Etat et à la Cour de cassation, doit porter la signature du requérant en personne. Un mémoire présenté par son avocat, s'il n'est pas avocat aux Conseils, n'est pas recevable. En conséquence, le Cour de cassation juge irrecevable le mémoire distinct contenant une QPC déposé au greffe de la Cour de cassation par le conseil du requérant qui n'est pas signé par le requérant lui-même (Cass. QPC, 14 novembre 2012, n° 12-86.954, FS-P+B [LXB=A1098IXX)]).

Le Conseil d'Etat a précisé qu'aucun délai ne lui est imposé pour statuer sur une requête en contestation d'une décision des juges du fond refusant la transmission d'une QPC (CE 6° s-s., 17 octobre 2012, n° 356983, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4798IUA). Le délai de trois mois imparti au Conseil d'Etat pour statuer à peine de dessaisissement sur une QPC n'est donc pas applicable au jugement de cette contestation.

2 - Modalités d'examen de la question

La circonstance qu'une des chambres de la Cour de cassation a fixé sur certains points l'interprétation à donner de dispositions législatives ne fait pas obstacle à ce qu'elle statue, en application de l'article 61-1 de la Constitution, sur le bien-fondé du renvoi au Conseil constitutionnel d'une QPC mettant en cause la portée effective que cette interprétation jurisprudentielle a conféré à une disposition législative. Dans le cadre d'une demande de référé-suspension, le Conseil d'Etat juge, ainsi, que l'article R. 461-1 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L3081AM3) prévoyant l'attribution d'une QPC à la chambre qui connaît des pourvois dans la matière considérée ne peut être regardé comme méconnaissant par lui-même et de façon générale le principe d'impartialité ou le droit à un recours effectif, rappelés par les articles 6 (N° Lexbase : L7558AIR) et 13 (N° Lexbase : L4746AQT) de la CESDH. Un tel moyen, qui tentait de démontrer le risque que cette juridiction refuse de revenir sur sa jurisprudence, n'est pas, en tout état de cause, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cette disposition réglementaire (CE référé, 6 décembre 2012, n° 364094, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0937IZQ).

3 - Portée de la décision relative à la transmission et au renvoi de la question

On notera quelques précisions en matière de contestation des décisions de non-renvoi. En vertu de l'autorité de chose jugée sur la QPC, une partie ne peut pas soulever deux fois la même QPC dans le même litige, et cela, même en cas de changement de circonstances (à propos de la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 N° Lexbase : L3324IKC dite "Gayssot", voir Cass. QPC, 10 octobre 2012, n° 12-81.505, FS-P+B N° Lexbase : A3539IUM). On peut se demander si cette solution, parfaite en droit pur, est bien compatible avec la jurisprudence de la Cour de cassation qui juge irrecevable le pourvoi formé contre l'arrêt refusant de transmettre une QPC au motif qu'il demeure, en tout état de cause, possible de soulever la même QPC devant le juge de cassation (Ass. plén., 23 juillet 2010, n° 10-85.505, P+B+R+I N° Lexbase : A9342E4R).

Le Conseil d'Etat a jugé que, si à l'occasion d'un recours contre la décision au fond, le requérant conteste par un mémoire distinct le refus de transmission de la QPC, il peut, également, soulever une nouvelle QPC portant sur la disposition législative contestée, ou sur une autre disposition législative par un mémoire distinct séparé de celui qui tend à contester le refus de transmission de la première QPC (CE 6° s-s., 17 octobre 2012, n° 356983, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc.).

III Procédure devant le Conseil constitutionnel

A - Saisine et organisation de la contradiction

1 - Transmission automatique

Le Conseil constitutionnel peut être saisi sans décision de renvoi de l'une des deux juridictions suprêmes visées par l'article 61-1 de la Constitution. Après qu'il en ait été ainsi s'agissant de la Cour de cassation qui se trouvait au-delà du délai de trois mois qui lui est imparti par le législateur organique pour examiner la QPC (Cons. const., décision n° 2011-206 QPC du 16 décembre 2011 N° Lexbase : A2902H8Y), le Conseil constitutionnel a été une nouvelle fois saisi, cette fois s'agissant du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article 23-7 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 (Cons. const., décision n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012, préc.). Toutefois, dans cette dernière affaire, la transmission au greffe du Conseil constitutionnel a été opérée directement par le Conseil d'Etat sans que celui-ci ne rende une décision pour constater le dépassement du délai de trois. En outre, cette situation exceptionnelle conduit le Conseil constitutionnel à identifier lui-même (faute de décision de la juridiction suprême déterminant l'objet de la QPC) les dispositions contestées à partir du mémoire distinct et motivé déposé par le requérant devant le tribunal administratif.

2 - Intervention

Les observations en intervention des tiers à l'occasion d'une QPC transmise au Conseil constitutionnel sont de plus en plus courantes, ce qui témoigne du caractère abstrait et d'intérêt collectif de l'examen que le Conseil opère et, dans le même temps, suscite. On peut ainsi relever que le Conseil constitutionnel a naturellement admis l'intervention de la Société du Grand Paris, s'agissant de la rémunération du transfert de matériels roulants de cette société au Syndicat des transports d'Île-de-France (Cons. const., décision n° 2012-277 QPC du 5 octobre 2012 N° Lexbase : A9007ITR). L'intervenante n'a, toutefois, pas formulé d'observations orales lors de l'audience. De même, le Conseil a admis l'intervention de France Télécom, directement intéressée par une QPC relative au maintien de corps de fonctionnaires dans cette entreprise (Cons. const., décision n° 2012-281 QPC du 23 novembre 2012, préc.).

En outre, le Conseil a admis une double intervention s'agissant de la QPC relative à l'obligation d'affiliation à une corporation d'artisans en Alsace-Moselle (Cons. const., décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 N° Lexbase : A7023IXE). L'une est produite en commun, et ce de façon inédite, par la Chambre des métiers d'Alsace (qui est un établissement public à caractère administratif) et la Confédération des organisations professionnelles de l'artisanat d'Alsace (qui forme une association de droit privé). L'autre est produite par la Ville de Strasbourg, sans qu'on discerne avec une exacte précision l'intérêt spécial de celle-ci.

De façon plus originale, s'agissant de l'organisation et du pouvoir de sanction de l'Autorité de la concurrence, le Conseil a admis l'intervention de l'association des avocats pratiquant le droit de la concurrence. Sans relever de l'évidence, l'acceptation de cette demande d'intervention ne fait l'objet d'aucune précision, notamment dans les commentaires officiels. Au fond, elle s'apparente à une amicus curiae, en ce sens qu'elle permet aux praticiens du droit de la concurrence, à travers une association partenaire de l'Autorité de la concurrence et en relation régulière avec elle et ses usagers, d'apporter leur regard sur la situation juridique examinée (Cons. const., décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, préc.).

3 - Procédure orale

On notera brièvement deux particularités factuelles lors de l'audience relative à l'affaire n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012. D'une part, M. Thierry-Xavier Girardot, directeur adjoint du Secrétariat général du Gouvernement, a été entendu en lieu et place de Xavier Pottier qui exerce traditionnellement cet office en sa qualité de chargé de mission. D'autre part, cette même audience publique est remarquable par sa durée inhabituelle : avec ses soixante-dix minutes, elle semble bien constituer, à ce jour, la plus longue audience devant le Conseil constitutionnel.

4 - Déport et récusation des membres du Conseil constitutionnel

On ne peut que constater l'absence de membres du Conseil constitutionnel lors de plusieurs affaires, sans, toutefois, pouvoir indiquer, faute de précisions officielles en ce sens, dans ou hors la décision, s'il s'agit d'une simple impossibilité de siéger, d'un déport ou d'une révocation. Il en a été ainsi de Mme Jacqueline de Guillenschmidt et de M. Renaud Denoix de Saint Marc dans l'affaire relative au maintien de corps de fonctionnaires dans l'entreprise France Télécom (Cons. const., décision n° 2012-281 QPC du 12 octobre 2012, préc.), de M. Pierre Steinmetz dans celles concernant l'autorisation d'installation de bâches publicitaires et autres dispositifs de publicité (Cons. const., décision n° 2012-282 QPC du 23 octobre 2012, préc.), le classement et déclassement de sites (Cons. const., décision n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012, préc.), le droit des parties non assistées par un avocat et expertise pénale (Cons. const., décision n° 2012-284 QPC du 23 novembre 2012 (N° Lexbase : A4206IX3), ou encore de M. Guy Canivet dans l'affaire n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 (N° Lexbase : A7023IXE). Dans aucun de ces cas, le Conseil n'a fourni d'explication.

Plus encore, sur les onze décisions QPC rendues lors de la période examinée, M. Nicolas Sarkozy n'a siégé que trois fois (Cons. const., décisions n° 2012-278 QPC du 5 octobre 2012 N° Lexbase : A9016IT4, n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012, n° 2012-286 QPC du 7 décembre 2012 N° Lexbase : A4918IYS), ce qui ne peut qu'être mis à l'actif du débat sur la suppression de la qualité de membre de droit. Là encore, aucune justification n'est apportée par voie de communiqué ou d'incise dans les commentaires officiels.

On notera, en outre, que M. Pierre Steinmetz a siégé dans le délibéré de la décision n° 2012-284 R du 27 décembre 2012 (N° Lexbase : A6289IZX), sur recours en rectification d'erreur matérielle de la décision n° 2012-284 QPC, alors qu'il n'a pas siégé pour cette dernière. Plus largement, bien que cela ne soit pas prévu formellement, il conviendrait de considérer que le déport ou la récusation au principal vaut aussi pour l'accessoire que constitue une éventuelle décision en rectification d'erreur matérielle.

B - Modalités de contrôle

1 - Etendue de l'examen du Conseil constitutionnel

a) Champ de la saisine

Le Conseil constitutionnel a mis en oeuvre à plusieurs reprises son pouvoir de précision du champ de la saisine en particulier pour préciser, dans le corps de ses décisions, la version du texte qu'il lui appartient d'examiner. Prenant en compte l'applicabilité au litige, il tient compte de la version des dispositions législatives applicable à la date de la décision administrative à l'origine du contentieux au cours duquel la QPC a été soulevée (voir, notamment, Cons. const., décision n° 2012-282 QPC du 23 octobre 2012), à condition, toutefois, que la rédaction modifiée ait acquis une nature législative (Cons. const., décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012).

b) Champ du contrôle

Le Conseil constitutionnel a mis également en oeuvre son pouvoir d'appréciation de l'objet de la question posée. Ainsi, dans l'affaire n° 2012-281 QPC précitée, si le syndicat requérant déplorait le fait que l'entreprise France Télécom ne soit plus directement investie par la loi d'une mission de service public, il ressortait de ses griefs qu'étaient seuls contestés les articles portant sur le maintien de corps de fonctionnaires dans cette entreprise. Aussi le Conseil constitutionnel a-t-il relevé que la QPC portait uniquement sur trois articles de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom (N° Lexbase : L9430AXK) (considérant n° 9).

2 - Techniques de contrôle employées par le Conseil constitutionnel

a) Contrôle de l'incompétence négative

Le Conseil constitutionnel a tranché, par la négative, la question de savoir si le raisonnement fondant sa jurisprudence n° 2010-28 QPC du 17 septembre 2010 (N° Lexbase : A4759E97), reposant sur l'idée que l'on ne peut pas faire grief à une loi d'avoir méconnu une règle de compétence qui n'existait pas au moment de son adoption, était transposable au grief tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement. Dans l'affaire n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012 (N° Lexbase : A4205IXZ), ce dernier grief a été considéré comme invocable à l'encontre de dispositions législatives antérieures à la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 (loi n° 2005-204, modifiant le titre XV de la Constitution N° Lexbase : L0267G8E). Le traitement spécifique de l'incompétence négative du législateur fondé sur l'article 7 de la Charte s'explique par la circonstance que cet article, contrairement à l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC), ne pose pas que des règles d'attribution de compétences, mais consacre, également, des droits constitutionnellement garantis. Bien que cette solution ne vise que la Charte de l'environnement, il n'en reste pas moins que se trouve heurté le principe selon lequel la "régularité" de la compétence ne peut s'apprécier qu'au moment où elle s'exerce. Par ailleurs, reste ouverte la question de savoir si le raisonnement à la base de la jurisprudence du 17 septembre 2010 est transposable dans le cas d'une modification de l'article 34 de la Constitution.

b) Réserves d'interprétation

Dans sa décision n° 2012-282 QPC du 23 octobre 2012 concernant l'autorisation d'installation de bâches publicitaires et autres dispositifs de publicité, le Conseil constitutionnel précise que les dispositions de l'article L. 581-9 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L3166IQC) n'ont pas pour objet, et ne sauraient avoir pour effet de conférer à l'autorité administrative saisie d'une demande sur leur fondement d'exercer un contrôle préalable sur le contenu des messages publicitaires qu'il est envisagé d'afficher. Il s'agit, en effet, de soumettre à autorisation administrative préalable le principe de l'apposition de messages publicitaires sur des dispositifs prévus à cet effet, et non le contenu de la publicité.

C - Effets dans le temps de la décision du Conseil constitutionnel

a) Application immédiate aux instances en cours

Suivant la règle selon laquelle la déclaration d'inconstitutionnalité doit en principe bénéficier à l'auteur de la QPC, le Conseil constitutionnel précise que la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969, relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe (N° Lexbase : L4723GUH), est applicable immédiatement, à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date (n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012, cons. n° 32). La même solution est retenue dans la décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 pour la censure de l'obligation d'affiliation à une corporation d'artisans en Alsace-Moselle.

S'agissant du droit des parties non assistées par un avocat et expertise pénale (décision n° 2012-284 QPC du 23 novembre 2012), le Conseil a également censuré les dispositions mises en cause avec effet immédiat mais a précisé, en vue de priver sa décision de tout effet rétroactif, que la déclaration d'inconstitutionnalité "est applicable à toutes les décisions ordonnant une expertise prononcées postérieurement à la publication de la présente décision" (cons. n° 5).

On soulignera que l'interprétation de ce considérant a été à l'origine d'un recours en rectification d'erreur matérielle formé à l'égard de la décision n° 2012-284 QPC. Alors qu'une telle démarche tendait, en réalité, à ce que le Conseil, selon les termes de la saisine, "complète sa décision par une précision propre à en assurer l'effet utile", ce recours a été rejeté, dès lors qu'il était détourné à son objet (décision n° 2012-284 R QPC du 27 décembre 2012). Indépendamment du cas d'espèce, on peut déplorer qu'aucune procédure, et, notamment, pas de recours en interprétation des décisions (à l'instar de ce qui existe, par exemple, devant la Cour constitutionnelle belge), ne puisse, le cas échéant, permettre de préciser, si nécessaire, les conditions dans lesquelles une déclaration d'inconstitutionnalité prend effet.

b) Modulation dans le temps des effets de la décision

La faculté dont dispose le Conseil constitutionnel, sur le fondement de l'article 62 de la Constitution (N° Lexbase : L0891AHH), de reporter ad futurum les effets de sa décision d'abrogation confère à ce dernier un pouvoir discrétionnaire considérable dont il use en opportunité. Le report est justifié par les conséquences manifestement excessives qui résulteraient de l'abrogation immédiate. En tenant compte que de telles conséquences ne remédieraient pas à l'inconstitutionnalité constatée, le Conseil constitutionnel a décidé de reporter l'effet de l'abrogation de dispositions relatives au classement et déclassement de sites au 1er septembre 2013 (décision n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012), étant précisé qu'une partie des dispositions examinées ont déjà été modifiées depuis la version prise en compte par le Conseil. Cette date de report est identique à celle retenue à l'occasion de la censure d'une autre disposition législative relative aux décisions individuelles en matière d'environnement méconnaissant l'article 7 de la Charte (Cons. const., décision n° 2012-269 QPC du 27 juillet 2012 N° Lexbase : A0585IR4), ce qui est de bonne pratique. Le Conseil a, en outre, précisé que les projets de classement et les déclassements antérieurs à la date de l'abrogation ne pourraient être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

Cette dernière précision n'est pas anodine. Une semaine avant le prononcé de la décision du Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat a tranché un contentieux impliquant, dans des conditions comparables, l'effet dans le temps de la décision n° 183/184 QPC du 14 octobre 2011 (N° Lexbase : A7387HYA) par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à l'article 7 de la Charte de l'environnement le second alinéa de l'article L. 511-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1910IR8). Le dixième considérant de cette décision avait reporté la date d'abrogation de ces dispositions, sans, toutefois, fournir de prescriptions relatives à la remise en cause des effets produits par le second alinéa de l'article L. 511-2 avant son abrogation. Ce silence a été interprété par le Conseil d'Etat comme indiquant que le Conseil constitutionnel n'a pas entendu remettre en cause les effets que cette disposition avait produits avant la date de son abrogation. Deux éléments justifient cette lecture : d'une part, la circonstance que la QPC a été soulevée à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte réglementaire ; d'autre part, la circonstance que le Conseil constitutionnel a décidé de reporter dans le temps les effets abrogatifs de sa décision (dont il est déduit que le Conseil a souhaité écarter le principe qu'il a lui-même fixé selon lequel la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la QPC). En conséquence, et alors même que l'association requérante est l'auteur de la QPC, la déclaration d'inconstitutionnalité du second alinéa de l'article L. 511-2 du Code de l'environnement est jugé sans incidence sur l'issue du litige subséquent (CE 1° et 6° s-s-r., 14 novembre 2012, n° 340539, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8642IWY).

En application de l'article 62 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a neutralisé les effets rétroactifs de la censure des dispositions prévoyant de la saisine d'office du tribunal pour l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, en précisant que la déclaration d'inconstitutionnalité, et donc l'abrogation des dispositions contestées du Code du commerce, n'est applicable qu'aux jugements d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire rendus postérieurement à la date de publication de sa décision (décision n° 2012-286 QPC du 7 décembre 2012, huitième considérant).


(1) Notre ouvrage, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, Lamy, 2011, n° 86.
(2) Notre ouvrage, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, Lamy, 2011, n° 99.

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