Réf. : CE, 10° et 9° ch.-r., 28 janvier 2022, n° 433965, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A92147KH
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par Marie-Claire Sgarra
le 04 Février 2022
► L’exemple type d’une affaire fiscale sans fin ! Le Conseil d’État a rendu le 28 janvier 2022 une nouvelle décision concernant l’affaire « Wendel-Enedis » et reconnu l'existence d’un abus de droit à raison de la mise en place d’un montage artificiel.
Rappel des faits. La société Wendel Investissement, qui a acquis le groupe Editis le 30 septembre 2004 et l'a revendu le 30 mai 2008, a élaboré et mis en place des instruments juridiques et financiers pour associer à cette opération certains cadres dirigeants d'Editis et leur permettre d'appréhender une partie du gain réalisé lors de cette revente. Mécanisme complexe et audacieux ?
En l’espèce, le requérant, un dirigeant a acquis des actions de la société Odyssée Management, détenues indirectement par la société Wendel Investissement et regroupant les cadres du groupe Editis associés à cette opération. Le dirigeant a revendu ces actions à leur prix d’acquisition, à la société de droit belge SPRL qu’il avait créée avec son épouse et leurs trois enfants. Lors de la revente du groupe Editis, par le groupe Wendel, la société SPRL a cédé l’ensemble de ses actions de la société Odyssée Management à la société Ofilux Finances, filiale du groupe Wendel.
Le gain réalisé a bénéficié de l’exonération totale d’imposition, instituée par l’article 192 du Code de l’impôt sur les revenus belge, en faveur des plus-values de cession de participations détenues par des sociétés holdings belges.
À tort selon l’administration fiscale qui estimait que la société de droit belge SPRL, dépourvue de substance économique, avait été interposée dans un but exclusivement fiscal et a engagé une procédure de répression pour abus de droit, sur le fondement de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L9266LNI, à l'encontre du requérant et de son épouse.
En effet, la création de cette société de droit belge a eu pour seul objet d’éviter l’imposition du gain correspondant à la plus-value constatée lors de l’apport des titres de la société, que les intéressés auraient dû supporter si, à défaut d’interposition des sociétés civiles qu’ils ont créées, ils avaient cédé eux-mêmes directement les titres de la société.
Principe. Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (LPF, art. L. 64).
Solution du Conseil d’État. Si n'est pas en soi constitutif d'un abus de droit le simple fait pour un contribuable de créer une société en Belgique, notamment en vue de la transmission de son patrimoine à ses enfants, en l'espèce, la création de la société B en Belgique a eu pour seul objectif de permettre au contribuable, résident fiscal français, domicilié en France, de ne pas supporter les impositions auxquelles il aurait été normalement assujetti s'il avait lui-même revendu à la société d'investissement ses titres de la société Odyssée Management. L'interposition de la société belge B dans l'opération en cause est artificielle et n'a eu d'autre but que de faire échapper la plus-value de cession à son imposition en France. Le CE conclut à l’existence d'un abus de droit à raison de la mise en place d'un montage artificiel. Le pourvoi des requérants est rejeté.
Illustration sur la notion de montage artificiel sur un montage immobilier. Le Conseil d’État a jugé dans un arrêt du 25 octobre 2017 qu’il résulte des dispositions de l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales que « lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Il en va ainsi lorsque la norme dont le contribuable recherche le bénéfice procède d'une convention fiscale bilatérale ayant pour objet la répartition du pouvoir d'imposer en vue d'éliminer les doubles impositions et que cette convention ne prévoit pas explicitement l'hypothèse de fraude à la loi » (CE, 3° 8° 9° et 10° ch.-r., 25 octobre 2017, n° 396954, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4471WXU). Le CE a donc conclu à l’abus de droit dans le cadre de l’interposition d’une société luxembourgeoise dans un montage immobilier. Lire en ce sens, F. Laffaille, De l'interposition artificielle, de l'abus de convention fiscale internationale, de l'abus de droit, Lexbase Fiscal, décembre 2017, n° 722 N° Lexbase : N1608BXT. À noter que cette affaire date de 2004. Depuis la convention fiscale franco-luxembourgeoise a été modifiée :
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