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N0134BZY
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par Farida Khodri, Maître de conférences en droit privé à l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne, CERCRID UMR CNRS 5137
le 21 Janvier 2022
Alors que les juristes intéressés par la question attendent avec impatience le dénouement de la saga judiciaire autour de l’article L. 1235-3 du Code du travail N° Lexbase : L1442LKM, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 N° Lexbase : L9253LIK, ratifiant les ordonnances instituant un barème d’indemnisation obligatoire pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse [1], la Cour de cassation a rendu un arrêt le 15 décembre 2021 [2] dans lequel elle se prononce pour la première fois, depuis ses avis du 17 juillet 2019 [3], sur son application. La Cour se réfère à la lettre de cet article et rappelle notamment que les planchers et plafonds d’indemnisation prévus par ce texte doivent s’entendre en mois de salaires bruts et non pas nets.
Ainsi que nous le verrons dans la seconde partie de cette contribution (II.), si cette décision ne semble pas, loin s’en faut, consacrer la validité du barème ou le caractère obligatoire et strict de son application, elle délivre tout de même des précisions utiles dont certaines viennent corroborer des pratiques déjà constatées au niveau des juridictions du fond sur l’usage possible du barème par les juges du fond et sur leur pouvoir d’appréciation du quantum du préjudice subi par le salarié. Dès lors, une compréhension pleine et entière du raisonnement qui sous-tend cet arrêt de la Cour de cassation ne peut faire l’économie de sa mise en perspective au regard des décisions des juges du fond traitant de l’indemnisation de ce type de préjudice (I.).
I. La mise en œuvre du barème par les juridictions du fond
L’observation du contentieux récent autour de l’indemnisation du préjudice consécutif à un licenciement sans cause réelle et sérieuse met en lumière deux tendances majoritaires : la reconnaissance implicite ou explicite par les juges du fond de la conventionalité in abstracto du barème des indemnités de licenciement [4] et le fait qu’ils ne rechignent plus frontalement à son application. Dans la plupart des décisions rendues par les juridictions du premier et second degré au cours de l’année 2021, le barème de l’article L. 1235-3 du Code du travail sert d’étalon de mesure du quantum de la réparation octroyée aux salariés injustement licenciés, d’instrument auquel les juges se réfèrent effectivement dans leur raisonnement pour en fixer le montant. Cependant, dans le même temps, les juges interprètent le plus souvent cette disposition comme ne faisant pas obstacle à leur pouvoir d’appréciation de l'étendue du préjudice et se réservent la possibilité de ne pas l’appliquer s'ils estiment que ledit référentiel n'est pas de nature à assurer au salarié la réparation appropriée de la perte injustifiée de son emploi. L’article L. 1235-3 du Code du travail apparaît alors comme unité de mesure servant de référence pour l'étalonnage de l’indemnisation qui peut selon les cas soit être limitée à ce que prévoit le barème légal soit le dépasser.
Les raisonnements à l’œuvre derrière ces solutions ne sont cependant pas univoques et l’analyse des décisions rendues par les conseils de prud’hommes et les cours d’appel met en évidence la coexistence de trois types d’analyses différentes.
L’appréciation du préjudice limitée à la fourchette du barème. L’étude donne à voir des juridictions (peu nombreuses) qui appliquent strictement, voire mécaniquement, le barème sans discussion aucune sur le caractère adéquat ou non de l’indemnité allouée. Celles-ci prennent généralement en considération deux choses : d’une part, le fait que les dispositions de l'article L. 1235-3 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 N° Lexbase : L7629LGN sont effectivement applicables à l’espèce et, d’autre part, qu’en vertu de ce texte le salarié qui justifie de telle ancienneté peut prétendre à une indemnité comprise entre le minimum et le maximum prévu au barème compte tenu de la taille de l’entreprise. Ces décisions considèrent, en effet, que la mise en place du barème ne compromet pas l'office du juge qui peut, mais seulement dans ses limites, prendre en compte tous les éléments déterminants le préjudice subi par le salarié. Le plus souvent explicite, cette analyse peut également être implicite lorsque le caractère adéquat de l’indemnisation n’est pas soulevé par les parties [5]. En conséquence, les juges qui adoptent cette analyse limitent l’appréciation du préjudice à la fourchette du barème et tiennent compte de l’âge et de la situation personnelle du salarié depuis la rupture pour fixer un montant de réparation soit en haut soit en bas de la fourchette [6]. C’est en se basant sur ce type de raisonnement collé à la fourchette du barème que la cour d’appel de Paris [7] a refusé de reconnaître l’existence de préjudice distincts, notamment celui résultant des conditions vexatoires du licenciement (la lettre de licenciement laissant sous-entendre en l’espèce que la salariée était âpre au gain) qu’elle a jugé comme intégré au barème (voir infra). Relevons toutefois que d’autres décisions basées sur un raisonnement similaire prennent le soin de reconnaître au préalable la compatibilité des dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT. Selon leur analyse, il résulte de l'article L. 1235-3 du Code du travail que la perte injustifiée de son emploi cause nécessairement un préjudice au salarié et qu’il appartient au juge d'en apprécier l'étendue, mais le montant des dommages et intérêts qu'il peut décider doit être compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article. En somme, le barème rien que le barème. Pour être complets sur ce point, il faut aussi relever la propension singulière de certains juges à se référer au barème - et donc à en prendre compte implicitement pour fixer le montant de l’indemnisation allouée au salarié - y compris dans des affaires pour lesquelles il n’est pas applicable [8].
L’indemnisation adéquate du préjudice par application du barème. Une deuxième catégorie de décisions plus nombreuses regroupe celles qui - au cas par cas et après analyse des éléments apportés par le salarié - appliquent le barème au motif qu’il permet une indemnisation adéquate (ou appropriée) du préjudice. La différence entre ce type de solution et la précédente se situe dans le point de départ du raisonnement qui consiste à considérer que les juges pourraient, en principe, écarter l’application du barème si ce dernier - eu égard à la situation personnelle du salarié et à l’existence d’autres préjudices non couverts par le barème - ne permet pas une indemnisation appropriée au sens de l’article 10 de la Convention OIT n° 158 et de l'article 24 de la Charte sociale européenne. La terminologie utilisée par une cour d’appel est sur ce point révélatrice : « en application de l'article 10 de la Convention OIT n° 158 et de l'article 24 de la Charte sociale européenne, il appartient toujours au juge d'apprécier souverainement l'étendue dudit préjudice et le cas échéant de laisser inappliqué le barème s'il considère au vu des éléments fournis par le salarié que celui-ci n'est pas de nature à assurer la réparation appropriée de la perte injustifiée de l'emploi ». Mais ces arrêts finissent le plus souvent par appliquer le barème au motif que les pièces produites par le salarié ne permettent pas de l’écarter, le salarié n'apportant aucun élément au soutien de la démonstration d'un préjudice plus important [9].
L’application du barème et le contrôle in concreto du quantum du préjudice. Enfin, on relève une troisième catégorie de décisions qui - tout en considérant le barème prévu par le Code du travail comme conforme aux textes internationaux, notamment à l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail - reconnaissent un pouvoir plus important au juge qui doit, selon elles, s'assurer que les indemnités prévues par le barème réparent de manière adéquate le préjudice subi in concreto par le salarié justement au sens de l'article 10 précité. Autrement dit, la conventionalité du barème ne dispenserait pas le juge, d'apprécier qu'il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché [10]. Ce raisonnement qui semble s’inscrire dans le sillage de celui qui a été à l’œuvre dans des décisions plus anciennes ayant refusé d’appliquer le barème [11] est aussi celui qui prévaut dans l’arrêt très critiqué [12] de la cour d’appel de Paris du 16 mars 2021 qui a écarté l’application du « Barème Macron » en raison de « la situation concrète et particulière » de la salariée concernée par le litige. Singulièrement, en se prononçant ainsi, la cour revenait sur la position qui était la sienne auparavant dans une décision du 30 octobre 2019 (rendue par sa huitième chambre). Aux termes de sa motivation, la Cour précise que l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3 du Code du travail ne permettait pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi par la salariée, conformément aux exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT. Selon l’estimation faite par les juges, le montant maximal prévu par le barème représentait « à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement ». Dès lors, la cour d’appel adopte la même position que celle prise par d’autres cours d’appel, ou encore par certains conseils de prud’hommes avant elle et écarte l’application dudit barème. On retrouve ce contrôle dit « in concreto » (qui complète le contrôle in abstracto de la conventionalité du barème et de sa conformité à la Constitution ainsi qu’aux textes internationaux) également dans d’autres arrêts de cours d’appel ou jugements récents des conseils de Prud’hommes comme celui rendu par le conseil de prud’hommes de Nantes dont l’appréciation in concreto l’a conduit à décider d’allouer au salarié une indemnité supérieure au plafond du barème [13].
Cependant, le contrôle de proportionnalité reste variable et basé sur un faisceau d’éléments sélectionnés en fonction de critères parfois imprécis. En effet, les juges opèrent un tri entre les éléments dont le salarié parvient selon eux à faire la preuve et qui sont retenus et d’autres éléments qui ne prospèrent pas devant eux. A cet égard, si la motivation imprécise de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 16 mars 2021 a pu choquer, il faut dire que la plupart des (rares) [14] arrêts qui ont écarté le barème sont beaucoup plus précis dans leurs motifs. Ainsi en est-il de l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 27 mai 2021, dans lequel celle-ci a écarté le barème afin d’indemniser de manière plus adéquate une salariée ayant subi un préjudice très nettement supérieur à celui indemnisable car « elle ne peut espérer retrouver un emploi stable et suffisamment rémunérateur compte tenu de son âge, de l’absence de diplôme et de son handicap ». Il en est de même de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Chambéry le 23 novembre 2021, dans lequel les juges ont estimé qu’« au regard de ces éléments (produits par le salarié), il est établi in concreto que l'indemnité prévue par le barème est d'un montant trop réduit, et donc inadéquate en ne réparant pas le préjudice effectivement subi résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse ». L’employeur a dès lors été condamné à verser à sa salariée 19 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au lieu de 9 700 euros si le barème avait été appliqué. Les juges sont parvenus à ce montant en prenant en compte un faisceau d’éléments relatifs à la vie personnelle de la salariée qui, cumulés ensemble, les ont convaincus de cette disproportion : l’ancienneté de plus de cinq ans de la salariée, son âge (58 ans lors du licenciement), son employabilité (réduite car celle-ci avait été employée uniquement en tant qu'agent de service), son absence de diplôme, sa santé fragile (diabète, hypertension), ses difficultés à retrouver un emploi aussi stable, rémunérateur que celui qu'elle occupant dans la société de services qui l’a licenciée, le fait qu’elle n’ait retrouvé qu’un emploi à temps partiel payé moins du tiers de son salaire avant licenciement, soit une perte de plus de 30 800 euros sur deux années et ce « d'autant que les offres d'emploi dans le secteur de la propreté portent souvent sur des contrats à temps partiel ». Par ailleurs, les juges ont également reconnu dans cette affaire un préjudice supplémentaire distinct, relatif à la transmission tardive des documents de fin de contrat, la salariée ne les ayant reçus que plus de deux mois après le licenciement. Cette négligence de l’employeur qui a empêché la salariée de faire valoir ses droits auprès des différents organismes lui a, selon les juges, causé un préjudice distinct réparable. Statuant dans le même sens, l’arrêt rendu par la même cour le 27 mai 2021 a pris en compte l’âge de la salariée (56 ans), son inaptitude professionnelle en lien avec les graves manquements de l’employeur à ses obligations en matière de sécurité et son statut de travailleur handicapé pour juger qu’il « est établi in concreto que l'indemnité prévue par le barème est d'un montant réduit et ne répare pas le préjudice effectivement subi résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse ». A l’inverse, dans leur appréciation du préjudice, les juges sont amenés à exclure certains éléments, comme le fait qu’une salariée argue de son statut de mère célibataire avec enfant à charge [15], et refusent parfois d’indemniser d’autres préjudices d’apparence distincts liés à la rupture. En effet, comme dit précédemment, le préjudice moral subi du fait des circonstances vexatoires du licenciement donne lieu devant les juridictions du fond à des appréciations divergentes selon les juridictions, voire même entre les chambres d’une même juridiction. Ainsi, alors que la septième chambre de la cour d’appel de Paris intègre le préjudice moral qui en découlerait à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse octroyée sur la base de l’article L. 1235-3 du Code du travail [16], sa cinquième chambre adopte, dans un arrêt rendu de surcroît le même jour, un raisonnement inverse [17] au motif que le juge conserve la faculté d'individualiser ses décisions au sein du barème ou de faire droit à une demande de préjudice distinct. Selon les juges de cette chambre, « lorsque les circonstances entourant le licenciement d'un salarié présentent un caractère vexatoire, il est fondé à obtenir des dommages intérêts distincts de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » [18]. Elle en déduit que le fait de contraindre une salariée, après 27 ans d'ancienneté, à quitter l'entreprise sans préavis dans les mêmes conditions qu'une sanction disciplinaire et de lui interdire l'accès à celle-ci, sans qu'elle puisse saluer ses collègues de travail, constituait bien un préjudice moral qui ouvre droit pour la salariée à une indemnité de 5 000 euros pour licenciement expéditif et vexatoire. Cet arrêt est également intéressant dans la mesure où il permet d’observer comment deux cheminements différents dans l’analyse aboutissent, in fine, au même quantum de dommages-intérêts. En effet, en infirmant le jugement du conseil de prud’hommes qui avait fixé un quantum de dommages-intérêts supérieur au barème (66 000 euros) et en attribuant - au regard de l’article L. 1235-3 du Code du travail - une indemnité moindre au salarié (55 974 euros), les juges de la cinquième chambre de la cour d’appel accèdent, dans le même temps, à la demande du salarié visant à la réparation distincte du préjudice moral que les juges du premier degré avaient précisément pris soin de rejeter. Il en résulte que les sommes octroyées sont finalement presque identiques, voire légèrement supérieures à celles découlant de l’appréciation in concreto… On retrouve cette appréciation divergente du caractère distinct ou non distinct du préjudice moral découlant des circonstances du licenciement sans cause réelle et sérieuse notamment dans un arrêt rendu quelques jours après celui de la cour d’appel de Paris, par la cour d’appel de Rouen le 2 décembre 2021 [19] qui, au contraire, a considéré le préjudice moral découlant des circonstances de la rupture (le salarié ayant appris officieusement son licenciement par SMS) comme d’ores et déjà inclus dans l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base du barème, de sorte qu'il ne résulte aucun préjudice distinct resté non indemnisé. Les juges rejettent, en conséquence, la demande d’indemnisation distincte du préjudice moral découlant du caractère vexatoire du licenciement mais accordent au salarié le maximum du barème compte tenu de son ancienneté (16 ans), de son âge (52 ans) et des circonstances de la rupture.
Ces incohérences constatées appellent à une meilleure rationalisation du contrôle effectué par les juges du fond sur l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans un souci de sécurité juridique - des entreprises et des salariés - le type de contrôle, ses modalités et ses critères devraient notamment être davantage précisés.
Toutefois, la portée de la solution basée sur un contrôle in concreto des juges du fond doit être nuancée et ce pour plusieurs raisons. D’une part, la recherche de proportionnalité, entendue cette fois « in concreto » et non « in abstracto », doit avoir été demandée par le salarié. « Elle ne saurait être exercée d'office par le juge du fond qui ne peut, de sa seule initiative, procéder à une recherche visant à écarter, le cas échéant, un dispositif dont il reconnaît le caractère conventionnel » [20]. D’autre part, pour qu’une juridiction écarte le barème et adopte une telle appréciation in concreto, il est nécessaire que le salarié rapporte la preuve que l’indemnité prévue à l’article L. 1235-3 du Code du travail est inadéquate au regard de sa situation personnelle et de la réalité de son préjudice. Ces exigences procédurales et probatoires à l’endroit du salarié arguant d’un contrôle in concreto expliquent qu’in fine, ce contrôle conduit le plus souvent les juges à appliquer le barème faute pour le salarié de l’avoir demandé ou d’avoir apporté la preuve de l’insuffisance du barème [21].
En définitive, à de rares exceptions près (cependant très remarquées), le contrôle in concreto se révèle à l’analyse soumis à l’enserrement de conditions restrictives qui en pratique ne permettent que rarement d’aller au-delà du barème. En revanche, si le salarié échoue à apporter la preuve du caractère inapproprié d’une indemnisation fondée sur le barème, le raisonnement in concreto peut lui permettre d’accéder au maximum de la fourchette du barème [22]. Dès lors, compte tenu de ce qui vient d’être dit et en l’absence d’une décision de principe de la Cour de cassation sur le contrôle in concreto, les défenseurs des salariés ont aujourd’hui tout intérêt à introduire une demande visant à écarter l’application du barème et inviter les juges du fond à procéder à une analyse in concreto de la situation de leur client. C’est ce qu’à l’évidence n’ont pas fait les conseils du salarié dans l’affaire tranchée par la Cour de cassation le 15 décembre dernier et sur laquelle nous proposons une analyse rapide.
II. Focus sur l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 décembre 2021
En l’espèce, un salarié déclaré inapte à occuper son emploi par le médecin du travail est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il engage alors une action en justice pour faire constater l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et obtient gain de cause devant la cour d’appel de Nancy [23] qui lui accorde une indemnité correspondant - compte tenu de son ancienneté de 29 ans - au plafond de l’indemnité prévue par le barème mais exprimé en salaire net. Estimant que le salarié ne pouvait prétendre, « qu'à une indemnité maximale de 63 364,20 euros bruts » et non nets, l’employeur se pourvoit en cassation.
La question de droit soumise à la Cour de cassation n’était donc pas relative à la validité du barème ni à la possibilité pour les juges de s’en carter mais concernait simplement son mode d’expression en salaires bruts et non en salaires nets, contrairement à l’appréciation des juges du fond, qui avaient retenu le salaire net. Rien d’étonnant dès lors à ce que la Cour de cassation casse, sans renvoi, l’arrêt au visa de l’article L. 1235-3 du Code du travail qui prévoit expressément que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est exprimée en mois de salaire brut. La cour se contente donc de répondre aux questions soulevées devant elle - ni la conventionalité du barème ni le contrôle in concreto n'ayant été invoqués - et, ne pouvant soulever d’office des points dont elle n’était pas saisie, valide un montant d’indemnité qui correspond au plafond du barème pour 29 ans d'ancienneté en adoptant un raisonnement classique conforme à celui observé devant des juges du fond (voir supra).
Mais il n’en demeure pas moins que cette décision publiée au Bulletin et qui devrait faire l’objet d’un commentaire est l’occasion pour la Cour de préciser plusieurs choses importantes :
La solution aurait-elle été différente si le salarié avait, en l’espèce, soulevé la question de la non-application du barème ? Rien n’est moins sûr. Le raisonnement juridique n'aurait certes pas été le même car la Cour aurait été amenée à se prononcer sur la possibilité pour le juge d’opérer un contrôle in concreto et sur la proportionnalité de l’indemnisation octroyée. Cependant, au regard de ce qui a été observé dans les décisions rendues au cours de l’année 2021 par les juridictions du fond (et relayé supra), gageons que la somme octroyée, correspondant aux montants habituellement octroyés par les juges aurait, faute d’éléments de preuve supplémentaires d’une disproportion apportés par le salarié, tout de même été jugée adéquate…
[1] et comportant des montants minimaux et maximaux variables selon l'ancienneté du salarié et la taille de l'entreprise.
[2] Cass. soc., 15 décembre 2021, n° 20-18.782, FS-B N° Lexbase : A17457GQ.
[3] Cass. avis, 17 juillet 2019, n° 15012 N° Lexbase : A4509ZK9 et n° 15013 N° Lexbase : A4508ZK8.
[4] Depuis les avis de la Cour de cassation du 17 juillet 2019, la plupart des juridictions du fond semblent ne plus pratiquer le contrôle abstrait.
[5] Par exemple : CA Reims, 1er décembre 2021, n° 21/00293 N° Lexbase : A82807DZ ; CA Reims, 1er décembre 2021, n° 21/00304 N° Lexbase : A85087DH ; CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 30 novembre 2021, n° 19/08972 N° Lexbase : A72347DB.
[6] Voir par exemple : CA Basse-Terre, 6 décembre 2021, n° 20/00140 N° Lexbase : A29637EH ; CA Rouen, 2 décembre 2021, n° 19/02490 N° Lexbase : A95217DY ; CA Grenoble, 2 décembre 2021, n° 19/03211 N° Lexbase : A96767DQ ; CA Amiens, 2 décembre 2021, n° 20/05266 N° Lexbase : A27887EY ; CA Orléans, 30 novembre 2021, n° 19/01257 N° Lexbase : A68357DI ; CA Rouen, 25 novembre 2021, n° 19/01210 N° Lexbase : A12687DC ; CA Grenoble, 25 novembre 2021, n° 19/02969 N° Lexbase : A07757D3 ; CA Angers, 25 novembre 2021, n° 20/01517 N° Lexbase : A69417DG ; CA Poitiers 18 novembre 2021, n° 19/03598 N° Lexbase : A37537CY ; CA Amiens, 18 novembre 2021, n° 20/05817 N° Lexbase : A60837CB ; CA Amiens, 18 novembre 2021, n° 20/02285 N° Lexbase : A59997C8 ; CA Caen, 18 novembre 2021, n° 20/01274 N° Lexbase : A17187CM ; CA Dijon, 18 novembre 2021, n° 19/00687 N° Lexbase : A19467C3 ; CA Versailles, 17 novembre 2021 n° 19/00181 N° Lexbase : A02357CP ; CA Toulouse, 12 novembre 2021, n° 19/01943 N° Lexbase : A69267B7 ; CA Toulouse, 12 novembre 2021, n° 19/05500 N° Lexbase : A67987BE ; CA Reims, 10 novembre 2021, n° 20/01401 N° Lexbase : A68517BD; CA Paris, Pôle 6, 3ème ch., 8 novembre 2021, n° 19/02622 N° Lexbase : A35507B4 ; CA Grenoble, 4 novembre 2021, n° 19/03005 N° Lexbase : A93787AL ; CA Limoges, 2 novembre 2020, n° 19/00842 N° Lexbase : A369833D ; CA Aix-en-Provence, 28 octobre 2021, n° 20/00254 N° Lexbase : A00687B7 ; CA Limoges, 19 octobre 2021, n° 20/00284 N° Lexbase : A617849P et CA Angers, 14 octobre 2021, n° 19/00291 N° Lexbase : A140149R.
[7] CA Paris, Pôle 6, 7ème ch., 25 novembre 2021, n° 19/05520 N° Lexbase : A09507DK.
[8] CA Versailles, 28 octobre 2021, n° 19/02859 N° Lexbase : A33397AW : « Mais comme le fait valoir à juste titre la société, le barème issu de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, s'il avait été applicable, ce qui n'est pas le cas, aurait conduit à une indemnisation du salarié à hauteur de trois à quatre mois de salaire, et l'indemnisation à hauteur de six mois de salaire conforme à l'article L. 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige, est parfaitement satisfactoire, dès lors que le salarié a retrouvé un emploi dès février 2018 comme cela ressort de son profil Linkedin (sic !) ».
[9] CA Grenoble, 2 décembre 2021, n° 19/03519 N° Lexbase : A99917DE ; CA Grenoble, 2 décembre 2021, n° 19/03521 N° Lexbase : A94787DE ; CA Grenoble, 2 décembre 2021, n° 19/03172 N° Lexbase : A92907DG ; CA Bordeaux, 25 novembre 2021, n° 19/03753 N° Lexbase : A32167DH ; CA Caen, 25 novembre 2021, n° 20/01496 N° Lexbase : A00667DS ; CA Grenoble, 18 novembre 2021 n° 19/02847 N° Lexbase : A15637CU ; CA Poitiers, 18 novembre 2021, n° 19/03874 N° Lexbase : A38267CP ; CA Caen, 18 novembre 2021 n° 20/01274 N° Lexbase : A17187CM ; CA Poitiers, 18 novembre 2021, n° 19/03695 N° Lexbase : A37227CT ; CA Reims, 10 novembre 2021, n° 20/01614 N° Lexbase : A69237BZ ; CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 9 novembre 2021 n° 19/08148 N° Lexbase : A38437BX ; CA Bourges, 5 novembre 2021, n° 20/00923 N° Lexbase : A98137AP ; CA Bourges, 5 novembre 2021 n° 20/00923 N° Lexbase : A98137AP ; CA Grenoble, 4 novembre 2021, n° 19/02806 N° Lexbase : A89177AI ; CA Dijon, 4 novembre 2021, n° 19/00675 N° Lexbase : A98877AG ; CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 5 octobre 2021, n° 19/09485 N° Lexbase : A230648W ; CA Grenoble, 30 septembre 2021, n° 18/05249 N° Lexbase : A845547B.
[10] Voir par exemple en ce sens : CA Chambéry, 23 novembre 2021, n° 20/01147 N° Lexbase : A69777CE ; CA Grenoble, 4 novembre 2021, n° 19/02836 N° Lexbase : A03647B4 ; CA Grenoble, 30 septembre 2021, n° 20/02512 N° Lexbase : A887647U ; CA Chambéry, 27 mai 2021, n° 20/00287 N° Lexbase : A06484T8 ; CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 16 mars 2021, n° 19/08721 N° Lexbase : A12804LY ; CA Caen, 14 janvier 2021, n° 19/02533 N° Lexbase : A97484CZ.
[11] CPH Rambouillet, 20 novembre 2020, n° 20/00007 ; CA Bourges, 6 novembre 2020, n° 19/00585 N° Lexbase : A813533P ; CA Limoges, 2 novembre 2020, n° 19/00842 N° Lexbase : A369833D ; CPH Bobigny, 16 septembre 2020, n° 19/00680 ; CA Grenoble, 2 juin 2020, n° 17/0492 ; CPH Saint-Germain-en-Laye, 21 janvier 2020, n° 18/00290 N° Lexbase : A21073PQ ; CA Reims, 25 septembre 2019, n° 19/00003 N° Lexbase : A0301Z4W ; CPH Troyes, 29 juillet 2019, n° 18/00168 ; CPH Grenoble, 22 juillet 2019, n° 18/00267 N° Lexbase : A7355ZKM ; CA Chambéry, 27 juin 2019, n° 18/01276 N° Lexbase : A9035ZGQ ; CPH Martigues, 26 avril 2019, n° 18/00168 N° Lexbase : A4389ZIE.
[12] G. Loiseau et F. Sauvage, Barème d’indemnités : en revenir au droit note, Bull. Joly Travail, mars 2021, p. 12 ; Ch. Radé, Que le barème nous garde de l’équité des Parlements !, in Controverse : prendre l’exigence de réparation adéquate au sérieux ?, RDT, 2019, p. 677.
[13] CPH Nantes, 5 février 2021, n° 20/00025 N° Lexbase : A98094LU. Voir aussi : CA Chambéry, 23 novembre 2021, préc. ; CA Grenoble, 4 novembre 2021, préc. ; CA Grenoble, 30 septembre 2021, préc. ; CPH Longjumeau, 29 juin 2021, n° 20/00137 ; CPH Longjumeau, 11 juin 2021, n° 20/100147 N° Lexbase : A001143S ; CA Montpellier, 27 mai 2021, préc. ; CA Chambéry, 27 mai 2021, préc. ; CA Paris, 16 mars 2021, préc. ; CA Bourges, 6 novembre 2020, n° 19/00585 N° Lexbase : A813533P.
[14] L’étude exhaustive des décisions de la base de données Lexbase ne donne à voir que 6 arrêts de cours d’appel basés sur le contrôle de proportionnalité et ayant abouti à une indemnisation au-delà du barème, dont la plupart ont été très largement diffusés et commentés.
[15] CA Caen, 18 novembre 2021, n° 20/01274 N° Lexbase : A17187CM.
[16] CA Paris, Pôle 6, 7ème ch., 25 novembre 2021, n° 19/05520 N° Lexbase : A09507DK.
[17] CA Paris, Pôle 6, 5ème ch., 25 novembre 2021, n° 19/05909 N° Lexbase : A03507DC.
[18] V. aussi dans le même sens : CA Reims, 22 septembre 2021, n° 20/00345 N° Lexbase : A128747S.
[19] CA Rouen, 2 décembre 2021, n° 19/01873 N° Lexbase : A97607DT.
[20] CA Reims, 6 octobre 2021, n° 20/01508 N° Lexbase : A314348W.
[21] Voir notamment : CA Grenoble, 2 décembre 2021, n° 19/03519 N° Lexbase : A99917DE ; CA Grenoble, 2 décembre 2021, n° 19/03521 N° Lexbase : A94787DE ; CA Grenoble, 2 décembre 2021, n° 19/03172 N° Lexbase : A92907DG ; CA Rouen, 2 décembre 2021, n° 19/01873 N° Lexbase : A97607DT ; CA Bordeaux, 25 novembre 2021, n° 19/03753 N° Lexbase : A32167DH ; CA Paris, Pôle 6, 5ème ch., 25 novembre 2021, préc. ; CA Paris, Pôle 6, 7ème ch., 25 novembre 2021, préc. ; CA Angers, 25 novembre 2021, n° 18/0078 N° Lexbase : A4254ZAS) ; CA Caen, 25 novembre 2021, n° 20/01496 N° Lexbase : A00667DS ; CA Paris, Pôle 6, 6ème ch., 24 novembre 2021, n° 19/07335 N° Lexbase : A89407C4 ; CA Versailles, 24 novembre 2021, n° 19/03244 N° Lexbase : A86817CI ; CA Grenoble, 18 novembre 2021 n° 19/02847 N° Lexbase : A15637CU ; CA Poitiers, 18 novembre 2021, n° 19/03874 N° Lexbase : A38267CP ; CA Caen, 18 novembre 2021 n° 20/01274 N° Lexbase : A17187CM ; CA Poitiers, 18 novembre 2021, n° 19/03695 N° Lexbase : A37227CT ; CA Reims, 17 novembre 2021, n° 20/01291 N° Lexbase : A02397CT ; CA Limoges, 15 novembre 2021, n° 20/00570 N° Lexbase : A87557BU ; CA Reims, 10 novembre 2021, n° 20/01714 N° Lexbase : A61557BL ; CA Caen, 10 novembre 2021, n° 21/00544 N° Lexbase : A70177BI ; CA Reims, 10 novembre 2021, n° 20/01614 N° Lexbase : A69237BZ ; CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 9 novembre 2021 n° 19/08148 N° Lexbase : A38437BX ; CA Bourges, 5 novembre 2021, n° 20/00923 N° Lexbase : A98137AP ; CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 5 octobre 2021, n° 19/09485 N° Lexbase : A230648W ; CA Grenoble, 4 novembre 2021 n° 19/02806 N° Lexbase : A89177AI ; CA Grenoble, 4 novembre 2021, n° 19/02736 N° Lexbase : A92957AI ; CA Dijon, 4 novembre 2021 n° 19/00675 N° Lexbase : A98877AG ; CA Montpellier, 20 octobre 2021, n° 18/01049 N° Lexbase : A6381499 ; CA Reims, 6 octobre 2021, n° 20/01508 N° Lexbase : A314348W ; CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 5 octobre 2021, n° 19/09485 N° Lexbase : A230648W ; CA Grenoble, 30 septembre 2021, n° 18/05249 N° Lexbase : A845547B ; CA Paris, Pôle 6, 5ème ch., 30 septembre 2021, n° 19/07881 N° Lexbase : A841947X ; CA Reims, 22 septembre 2021, n° 20/00345 N° Lexbase : A128747S ; CA Caen, 14 janvier 2021, n° 19/02533 N° Lexbase : A97484CZ ; CPH Longjumeau, 29 juin 2021, n° 20/00137 N° Lexbase : A98784ZU ; CPH Longjumeau, 11 juin 2021, n° 20/100147 N° Lexbase : A001143S.
[22] CA Riom, 30 novembre 2021, n° 19/00663 N° Lexbase : A93977DE ; CA Montpellier, 20 octobre 2021, n° 18/01049 N° Lexbase : A6381499 ; CA Aix-en-Provence, 10 septembre 2021, n° 19/16744 N° Lexbase : A157344Z.
[23] CA Nancy, 11 juin 2020, n° 19/01011 N° Lexbase : A39753NK.
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