Réf. : Cass. civ. 1, 12 janvier 2022, deux arrêts, n° 20-12.232 N° Lexbase : A01957I3, et n° 19-25.158 N° Lexbase : A01917IW, FS-B+R
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N0124BZM
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 19 Janvier 2022
► Il résulte de la combinaison des articles 758-5 et 758-6 du Code civil que le conjoint survivant est tenu à un rapport spécial en moins prenant des libéralités reçues par lui du défunt dans les conditions définies à l'article 758-6 ;
► les règles concernant le rapport des libéralités (reçues par les héritiers ab intestat) prévues aux articles 843 et suivants du Code civil sont donc inapplicables au conjoint survivant ; il en va ainsi notamment de la présomption de dispense de rapport des legs prévue à l'article 843 du Code civil.
Par ces deux arrêts rendus le 12 janvier 2022, promis à la plus large publication (aux honneurs du bulletin et de son rapport annuel), la Cour de cassation opère une clarification d’importance, qui a vocation à éviter toute confusion entre deux mécanismes bien distincts :
- le mécanisme du rapport des libéralités, d’une part, qui concerne les libéralités dues par les héritiers ab intestat, et dont le régime est prévu aux articles 843 N° Lexbase : L9984HN4 et suivants du Code civil ;
- et le mécanisme de l’imputation des libéralités reçues par le conjoint survivant, prévu par les articles 758-5 N° Lexbase : L3485AWY et 758-6 N° Lexbase : L9839HNQ du Code civil, que la Cour suprême choisit de dénommer « rapport spécial en moins prenant des libéralités reçues par lui du défunt ».
Ce dernier s’opère dans les conditions définies à l’article 758-6 ; à ce propos, la Haute juridiction avait déjà eu l’occasion de préciser qu’il résulte des articles 757 N° Lexbase : L3361AB4, 758-6 et 1094-1 N° Lexbase : L0260HPC du Code civil qu'en présence d'enfants ou de descendants, les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s'imputent sur les droits de celui-ci dans la succession, de sorte qu'il ne peut recevoir une portion de biens supérieure, soit à la quotité disponible en faveur d'un étranger, soit au quart en pleine propriété et aux trois quarts en usufruit, soit encore à la totalité des biens en usufruit seulement.
Les affaires en cause. Dans chacune des deux affaires, un époux était décédé en laissant pour lui succéder son épouse et ses deux enfants issus d'un précédent mariage.
Dans la première affaire, le de cujus avait acquis un appartement avec son épouse par un acte contenant un pacte tontinier ; dans la seconde, il avait, aux termes d’un testament authentique, institué son épouse légataire à titre particulier d'une maison d'habitation, des meubles s'y trouvant et d'une certaine somme d'argent.
Des difficultés étaient survenues lors des opérations de partage de la succession ; chacune des épouses survivantes faisait grief à l'arrêt attaqué de dire que la libéralité dont elle bénéficiait (dans la première affaire, pacte tontinier jugé constitutif d’une donation déguisée ; dans la seconde, legs à titre particulier) s'imputait sur ses droits légaux.
Décisions de la Cour de cassation. La Cour de cassation rejette les pourvois formés par les épouses, après avoir pris soin de rappeler le contenu détaillé des articles 758-5 et 758-6, et énoncé qu’il résulte de la combinaison de ces articles que « le conjoint survivant est tenu à un rapport spécial en moins prenant des libéralités reçues par lui du défunt dans les conditions définies à l'article 758-6 ».
Et d’ajouter, dans la seconde affaire, pour écarter l’argument avancé par le demandeuse au pourvoi, que la présomption de dispense de rapport des legs prévue à l'article 843 du Code civil est inapplicable au conjoint survivant.
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