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par Vincent Vantighem
le 26 Janvier 2022
L’histoire ne dit pas s’il a pu cantiner un gâteau d’anniversaire et des bougies… Claude Guéant a « célébré », lundi 17 janvier, son 77e anniversaire. Seul, dans les 9 m² de sa cellule du quartier dit « des personnes vulnérables » de la maison d’arrêt de la Santé (Paris, 14e arrondissement). Tout comme il avait fêté Noël quelques semaines plus tôt. Tout comme il a fini 2021 et entamé 2022. Incarcéré depuis le 13 décembre, l’ancien héraut de la droite sarkozyste espère pourtant sortir de la nasse le plus vite possible. Mercredi 19 janvier, il doit plaider sa cause devant un juge d’application des peines, au sein même de la prison. L’enjeu ? Une libération sous la forme d’un aménagement de sa peine de deux ans de prison dont un ferme à laquelle il a été définitivement condamné, en 2019, dans l’affaire dite des « primes en liquide » du cabinet du ministère de l’Intérieur. Sans doute sous la forme d’un placement sous surveillance électronique.
Pour son avocat, Philippe Bouchez El Ghozi, plus rien ne s’y oppose désormais. « Il a été incarcéré car la justice estimait qu’il ne payait pas suffisamment et suffisamment vite les amendes et dommages et intérêts auxquels il avait été condamné dans cette affaire. Tout a été réglé le 15 décembre. Son maintien en détention est donc aujourd’hui sans cause. » Selon les informations de Lexbase, l’ancien secrétaire général de l’Élysée sous Nicolas Sarkozy a, en effet, versé, en deux fois, la somme de 133 315,95 euros au Trésor public, allant même jusqu’à régler la partie due pourtant solidairement par un de ses co-condamnés dans cette affaire. Comment ? En acceptant des prêts d’amis particulièrement choqués par l’annonce de son embastillement, en décembre. « Pendant des années, Claude Guéant s’est montré discret sur sa situation financière alors qu’il était exsangue, précise encore Philippe Bouchez El Ghozi. Mais dès que son incarcération a été dévoilée, ses proches se sont mobilisés et il a fini par accepter qu’ils lui prêtent de l’argent ».
« Il tousse. Il se déplace difficilement, à petits pas... »
Car ce dossier est d’abord une affaire de gros sous. Au-delà de la peine de prison, c’est surtout le règlement de l’amende de 75 000 euros et des dommages et intérêts s’élevant, eux, à 210 000 euros pour les quatre condamnés qui a conduit l’ancien secrétaire général de l’Élysée derrière les barreaux. Depuis sa condamnation définitive, Claude Guéant se voit prélever, chaque mois, sur son compte environ 3 000 euros. Mais le 9 novembre, la justice a décidé de l’incarcérer au motif qu’il ne faisait pas suffisamment d’efforts pour régler ses dettes. Avançant en guise de preuves les fonds d’une assurance-vie qu’il avait récupérés depuis sa condamnation, ainsi que de l’argent issu de la vente d’une montre et d’un peu d’or… « En vérité, c’est une lecture radicale qu’a faite la justice, poursuit Philippe Bouchez El Ghozi. Car Claude Guéant ne pouvait pas payer plus. L’argent qu’il avait récupéré a servi à aider ses enfants dans le besoin... ».
Oublié le temps de la superbe : l’ancien Préfet, l’ancien directeur général de la police nationale, l’ancien ministre de l’Intérieur se retrouve donc ruiné et prisonnier, au crépuscule de sa vie. Et il vit la situation difficilement. « Moralement et physiquement, il a subi de plein fouet le choc carcéral, confie une source proche du dossier. Il tousse. Il se déplace difficilement, à petits pas… C’est un vieil homme. » Un sentiment confirmé par Mathias Dos Santos, délégué pénitentiaire FO au sein de la prison de la Santé : « La période des fêtes de fin d’année est compliquée pour tous les détenus, lâche-t-il. Encore plus pour ceux, tels que lui, qui viennent d’être incarcérés ». Raison pour laquelle, selon nos informations, celui que l’on surnommait jadis « Le Cardinal » passe l’essentiel de ses journées seul en cellule, n’échangeant que rarement avec les autres occupants du quartier dit « des personnes vulnérables », tels que l’ancien maire (LR) de Draveil (Essonne), Georges Tron, ou encore le chanteur Jean-Luc Lahaye, en détention provisoire pour une affaire de viols sur mineures.
Les épées de Damoclès au-dessus de la tête
En dehors de la résistance physique que lui réclame cette épreuve, c’est surtout le symbole de toute cette affaire qui déprime aujourd’hui Claude Guéant. Lui, l’ancien ministre de l’Intérieur à la ligne dure se retrouve aujourd’hui à devoir partager son heure de promenade quotidienne avec certains détenus radicalisés, mis en examen dans des affaires terroristes. Notamment le Pakistanais qui avait agressé au hachoir des personnes devant les locaux de Charlie-Hebdo en septembre 2020. Une sorte d’infamie pour lui.
Mais, surtout, Claude Guéant se prépare aussi à des jours sombres. Si le juge d’application des peines consent à aménager sa peine actuelle, l’ancien ministre a bien conscience que plusieurs épées de Damoclès planent toujours sur sa tête. À commencer par le jugement de la 32e chambre du tribunal judiciaire de Paris attendu, vendredi 21 janvier, dans l’affaire dite des « sondages de l’Élysée ». Dans ce dossier, il a vu, en décembre, le parquet national financier alourdir ses réquisitions à un an de prison ferme et 10 000 euros d’amende à son encontre après avoir appris « l’évolution [récente] de sa situation financière »… Et puis, il est toujours sous la menace de plusieurs affaires, à commencer par celle du présumé financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 et dans laquelle il est mis en examen. Dans ce volet-là, la justice a d’ailleurs saisi, à titre conservatoire, son appartement parisien et sa maison de campagne, rendant sa situation personnelle encore un peu plus inconfortable. « La vérité, c’est qu’il n’a plus de marge de manœuvre financière », martèle à ce propos Philippe Bouchez El Ghozi.
Reste à savoir où il la supportera. En détention à la Santé ? Ou chez lui avec un bracelet électronique à la cheville ? Mercredi 19 janvier, après l’audience, le juge d’application des peines pourrait mettre sa décision en délibéré.
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