Réf. : Cass. com., 5 janvier 2022, n° 19-22.030, FS-B (N° Lexbase : A42117HG)
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N0035BZC
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par Vincent Téchené
le 17 Janvier 2022
► Aucune disposition n'empêche l’employeur d’un salarié inventeur de céder le droit au brevet sur une invention de mission à un tiers et ce dernier ayant cause du cédant, qui dépose le brevet peut opposer au salarié inventeur, qui demande le transfert du brevet à son profit, la nature d'invention de mission de l'invention protégée par le brevet, sur laquelle le salarié n'a jamais détenu de droit à un titre de propriété industrielle.
Faits et procédure. M. O. a été recruté en 2005 en qualité de responsable de projets par la société I., dont le dirigeant, avait déposé, le 2 septembre 2004, une demande de brevet français, publiée le 3 mars 2006. Il a été licencié, le 15 novembre 2006, pour motif économique, et a été embauché par la société T. le 4 février 2008, en qualité d'ingénieur développement. Parallèlement à cette embauche et selon autorisation du 16 avril 2008, les éléments incorporels de l'actif de la liquidation judiciaire de la société I., comprenant le brevet susvisé dont cette société était devenue propriétaire, ont été cédés de gré à gré à une société, holding de la société T. La holding a, le 12 janvier 2009, déposé un brevet français désignant M. O. comme co-inventeur, qui a été publié le 16 juillet 2010. Le brevet européen désignant la France qui avait été déposé par la holding le 11 janvier 2010 sous priorité du brevet français s'est substitué à ce brevet français le 19 juillet 2012.
Le 9 novembre 2012, la holding a cédé ses droits sur les brevets français et européen à sa filiale, la société T.
Prétendant que le brevet français reprenait les revendications issues de travaux effectués avec ses propres moyens et contenues dans l'enveloppe Soleau qu'il avait déposée le 18 janvier 2008 à l'INPI, M. O a assigné la holding et la société T. pour obtenir, notamment, le transfert à son profit de la propriété de ce brevet et du brevet européen s'y étant substitué.
La cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 4 avril 2019, n° 17/04397 N° Lexbase : A5505Y8E) statuant sur renvoi après cassation (Cass. com., 31 janvier 2018, n° 16-13.262, FS-P+B N° Lexbase : A4760XCB ; B. Chaumet, Lexbase Affaires, février 2018, n° 541 N° Lexbase : N2637BXX) ayant débouté le salarié notamment de sa demande en revendication de brevets, il a formé un nouveau pourvoi en cassation.
Pourvoi. Il soutenait que l'acquisition des éléments incorporels de l'actif d'une société, comprenant un brevet et le résultat de travaux effectués dans la continuité de ce brevet par un salarié investi d'une mission inventive qu'elle avait employé, ne confère pas au cessionnaire la qualité d'ayant droit de l'employeur, en sorte que ce cessionnaire, qui a déposé un brevet à partir de ces éléments, n'est pas fondé à opposer au salarié que l'invention, dont celui-ci est l'auteur et revendique la propriété, est une invention de mission lui appartenant.
Décision. La Cour de cassation rejette toutefois le pourvoi.
Elle énonce qu’il résulte des articles L. 611-6 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L3555ADZ et L. 611-7, 1, du même code N° Lexbase : L3556AD3, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-102 du 5 février 1994 N° Lexbase : L3251HUX, que si l'inventeur est un salarié et que l'invention est faite dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, le droit au brevet sur cette invention appartient au seul employeur. Elle ajoute qu’aucune disposition n'empêche celui-ci de céder ce droit à un tiers. Par conséquent, selon la Cour, ayant cause du cédant, le cessionnaire qui dépose le brevet peut opposer au salarié inventeur, qui demande le transfert du brevet à son profit, la nature d'invention de mission de l'invention protégée par le brevet, sur laquelle le salarié n'a jamais détenu de droit à un titre de propriété industrielle.
Ainsi, elle approuve la cour d’appel, ayant retenu que l'invention litigieuse avait la nature d'invention de mission, que le droit au brevet sur cette invention appartenait donc à la société I. (premier employeur du salarié inventeur), que l'ensemble des actifs incorporels de cette société avaient été cédés à la société holding laquelle avait déposé les brevets français et européen, ensuite cédés à la société T. (nouvel employeur du salarié inventeur), d’en avoir déduit que la société T., ayant cause du premier titulaire du droit au brevet sur l'invention, était fondée à opposer son droit de propriété sur ces brevets au salarié pour faire échec à son action en revendication desdits brevets.
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