Réf. : Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 21-85.670, F-B (N° Lexbase : A03587HQ)
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par Marie Le Guerroué
le 26 Janvier 2022
► Le juge d'instruction n'est tenu de délivrer un permis de communiquer qu'aux avocats nommément désignés par les parties ; il n’est donc pas tenu de délivrer un permis de communiquer aux collaborateurs et associés de l’avocat du détenu.
Faits et procédure. Le 6 septembre 2021, deux avocats avaient été désignés par un juge d’instruction pour assister un mis en examen. Ce dernier avait comparu, le même jour, devant le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire et avait sollicité un délai pour préparer sa défense, de telle sorte que l'examen de l'affaire avait été renvoyé, avec incarcération provisoire. Le 7 septembre 2021, les avocats désignés, ayant reçu chacun un permis de communiquer, avaient sollicité du juge d'instruction la délivrance de nouveaux permis de communiquer comportant, outre leurs noms, ceux de leurs collaborateurs et associés respectifs. Le même jour, le juge d'instruction avait refusé de faire droit à ces demandes, en y portant la mention que le permis de communiquer est délivré aux seuls avocats désignés par la personne mise en examen. Les avocats convoqués en vue du débat contradictoire différé avaient informé le juge des libertés et de la détention qu'ils n'étaient pas en mesure d'assister personnellement leur client lors de ce débat, et qu'en raison du refus du juge d'instruction de leur délivrer des permis de communiquer comportant également les noms de leurs collaborateurs et associés respectifs, ce dernier n'avait pas été en mesure de préparer sa défense, ce dont il convenait de tirer les conséquences, au besoin en prescrivant un report du débat. Le 9 septembre 2021, à l'issue du débat contradictoire auquel aucun avocat ne s'était présenté, la personne mise en examen avait été placée en détention provisoire. Il avait relevé appel de cette décision. La chambre de l'instruction avait annulé l'ordonnance. Le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence forme un pourvoi en cassation contre cette décision.
En cause d’appel. Pour prononcer la nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire et ordonner la remise en liberté de l’intéressé, l'arrêt attaqué retenait que si ce dernier aurait pu faire connaître au juge d'instruction lors de l'interrogatoire de première comparution ou ultérieurement au greffe de la maison d'arrêt, qu'il entendait choisir tous les avocats des cabinets pour assurer sa défense, il n'en demeure pas moins que le refus du juge d'instruction de délivrer des permis de communiquer à certains collaborateurs et associés de ces mêmes cabinets dont la qualité professionnelle était établie, n'a pas permis à l'intéressé de s'entretenir avec l'un d'entre eux et de préparer utilement sa défense et éventuellement, de s'exprimer devant le juge des libertés et de la détention au cours du débat contradictoire. Les juges concluent que cette atteinte portée aux droits de la défense lui fait nécessairement grief et justifie l'annulation de la décision critiquée.
Réponse de la Cour. La Cour rend sa décision au visa de l’article 115 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0931DY7). Selon ce texte, les parties peuvent à tout moment de l'information, dans les formes qu'il prévoit, faire connaître au juge d'instruction le nom de l'avocat choisi par elles. Si, en vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant de l'article 6, § 3, c, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR), la délivrance d'un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l'exercice des droits de la défense, de telle sorte que le défaut de délivrance de cette autorisation à chacun des avocats désignés qui en a fait la demande, avant un débat contradictoire tenu en vue de l'éventuelle prolongation de la détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen, sauf s'il résulte d'une circonstance insurmontable, aucune disposition conventionnelle ou légale ne fait obligation au juge d'instruction de délivrer un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés d'un avocat choisi, dès lors que ceux-ci n'ont pas été personnellement désignés par l'intéressé dans les formes prévues par l'article 115 du Code de procédure pénale. Dès lors, pour la Chambre criminelle, en se déterminant ainsi, alors que l'article 115 du Code de procédure pénale ne prévoit l'envoi des convocations et notifications qu'aux avocats nommément désignés par les parties, ce dont il se déduit que le juge d'instruction n'est tenu de délivrer un permis de communiquer qu'à ces derniers, et qu'il résulte de ses propres constatations que le mis en examen n'avait désigné que deux avocats pour l'assister, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
Cassation. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
► Conséquences pratiques. Pour pallier cette difficulté pratique, il est conseillé aux avocats de demander à leurs clients d’effectuer des multidésignations. Pour aller plus loin : v. N. Catelan, ÉTUDE : Le recours à l'instruction préparatoire, Les droits du mis en examen, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E65783CM). |
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