Le Quotidien du 29 décembre 2021 :

[Textes] Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : valorisation de l’instrumentalisation de la propriété en tant que sûreté

Réf. : Ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés (N° Lexbase : L8997L7D)

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[Textes] Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : valorisation de l’instrumentalisation de la propriété en tant que sûreté. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/75606513-textesreformedudroitdessuretesparlordonnancedu15septembre2021valorisationdelinstrument
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par Frédérique Julienne, Maître de conférences - HDR, Université de Bordeaux, membre de l’IRDAP

le 28 Décembre 2021


Le présent article est issu d’un dossier spécial intitulé « La réforme du droit des sûretés par l'ordonnance du 15 septembre 2021 » et publié dans l’édition n° 691 du 7 octobre 2021 de la revue Lexbase Affaires. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici (N° Lexbase : N8992BYP).


 

L’instrumentalisation du droit de propriété à des fins de garantie ne va pas nécessairement de soi. La conception classique du droit de propriété, en tant que modèle des droits réels principaux, qui le caractérise comme un droit exclusif, perpétuel s’accorde mal, en effet, avec la logique des sûretés qui se rattachent à la qualification de droits réels accessoires. Pour autant, le droit de propriété présente un potentiel d’efficacité non négligeable en tant que sûreté, comme l’attestent les dernières mesures introduites par l’ordonnance du 15 septembre 2021 à l’occasion de la réforme du droit des sûretés, qui vont dans le sens d’une valorisation de son rôle. Cette démarche s’inscrit dans un objectif plus large de « renforcement de l’efficacité du droit des sûretés, tout en maintenant un niveau de protection satisfaisant des constituants et des garants » [1]. Le droit de propriété comme technique de sûreté présente, en effet, l’avantage pour le créancier d’avoir le bien dans son patrimoine et donc de pouvoir se prévaloir de son droit de propriété pour récupérer ce bien sans entrer en concours avec les autres créanciers.

L’un des points d’attractivité du droit de propriété découle du fait qu’il est susceptible de se décliner en deux procédés de garantie : soit il s’agit de retenir la propriété d’un bien jusqu’au complet paiement du prix, soit il s’agit de transférer la propriété à titre de garantie. Cette dichotomie fonde le plan du Code civil qui distingue, en deux sections, : « de la propriété retenue à titre de garantie » et « de la propriété cédée à titre de garantie ». La première possibilité, constitutive de la réserve de propriété (C. civ., art. 2367 N° Lexbase : L7031ICE à 2372), est qualifiée traditionnellement de garantie rudimentaire. Le deuxième procédé, plus complexe techniquement, découle de la fiducie qui a été consacrée tardivement en 2007 (C. civ., art. 2372-1 N° Lexbase : L2551IE9 et s.) [2]. La propriété est donc susceptible de présenter deux visages dont chacun présente des enjeux et des problématiques différents. Par exemple, si la réserve de propriété constitue une sûreté répandue, la fiducie reste une sûreté confidentielle qui souffre d’un décalage entre son efficacité théorique et sa mise en œuvre pratique. L’ordonnance de 2021 a pris en compte les difficultés techniques de chacune en cherchant à apporter un éclaircissement de leur régime respectif.  

Par ailleurs, l’ordonnance a opté pour un enrichissement des sûretés basées sur la propriété transférée en introduisant deux nouvelles garanties portant sur des biens incorporels : le transfert de propriété de créances (C. civ., art. 2373 N° Lexbase : L0225L8T à 2373-3) et le transfert de propriété de monnaie scripturale (C. civ., art. 2374 N° Lexbase : L0226L8U à 2374-6), chacune organisée comme une catégorie autonome.  Ces nouveautés soulèvent, dès lors, un certain nombre de questionnements relatifs, notamment, à leur cohabitation et à leur articulation avec la fiducie-sûreté, sur le point de savoir si celle-ci doit désormais s’imposer comme un dispositif de droit commun.

Deux enseignements principaux peuvent alors être retenus de la réforme : une clarification du régime des sûretés basées sur la propriété (I) et un enrichissement du panel des sûretés fondées sur la propriété cédée (II).

I. Clarification du régime des sûretés basées sur la propriété

Les nouvelles mesures, relatives au régime des sûretés fondées sur la propriété, ont cherché à clarifier le régime de la réserve de propriété et celui de la fiducie-sûreté. L’apport de l’ordonnance à l’égard de la technique de la propriété réservée a consisté à contrecarrer certaines solutions jurisprudentielles jugées inéquitables (A), tandis qu’un travail de simplification a été opéré à l’égard de la fiducie-sûreté afin de renforcer son attractivité (B).

A. La réserve de propriété : remise en question des solutions jurisprudentielles

La finalité, poursuivie par l’ordonnance à l’égard de la réserve de propriété, était de « compléter les règles du Code civil […] notamment pour préciser les conditions de son extinction et les exceptions pouvant être opposées par le sous-acquéreur » [3]. Dans cette optique, l’article 2372 du Code civil (N° Lexbase : L6968IC3), relatif à l’hypothèse d’aliénation ou de perte du bien, a été modifié par l’ajout d’un deuxième alinéa selon lequel « le sous-acquéreur ou l’assureur peut alors opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette ainsi que les exceptions nées de ses rapports avec le débiteur avant qu’il ait eu connaissance du report ». Cette nouvelle précision a pour but de mettre un terme aux décisions retenues par la jurisprudence [4] qui interdit au sous-acquéreur, d’un bien acquis sous réserve de propriété, d’opposer au vendeur réservataire les exceptions dont il aurait pu se prévaloir contre l’acheteur-revendeur. Cette solution se traduisait par le fait que le sous-acquéreur de marchandises défectueuses de bonne foi était tenu de verser la totalité du prix au vendeur réservataire et ce, sans avoir la faculté de se prévaloir de l’exception d’inexécution qu’il aurait pu opposer au débiteur. Sur ce point, la réforme a repris les propositions doctrinales formulées par l’Association Capitant [5]. Il convient de relever que la nouvelle mesure introduit une distinction entre les exceptions en ne retenant que les exceptions inhérentes à la dette et en faisant référence au moment où le transport de la créance est révélé au sous-débiteur. Plus précisément, l’opposabilité au sous-débiteur est conditionnée par la simple connaissance du report et non pas par le mécanisme de la notification.  La référence aux exceptions inhérentes à la dette renvoie à la distinction jusqu’ici développée en matière de cautionnement [6]. Cette mesure répond à une volonté d’interdire, en droit des sûretés, tout enrichissement injuste au bénéfice du créancier en facilitant le mécanisme de la règle de l’opposabilité des exceptions [7]. Elle est alors à rapprocher de la nouvelle disposition relative au cautionnement qui ouvre la faculté d’opposer l’ensemble des exceptions sans catégorisation.

En revanche, l’ordonnance n’a pas retenu la proposition de consacrer un principe général de droit de l’acheteur de revendre le bien acquis sous réserve de propriété. De la même façon, l’article 2367 du Code civil (N° Lexbase : L7031ICE) n’est pas retouché alors qu’il avait été proposé d’affirmer que la réserve de propriété prenne fin par l’extinction de cette créance, quelle que soit la cause. Il s’agissait de contrecarrer la jurisprudence qui retient le principe de la survie de la sûreté à l’extinction de la créance dans le cas d’effacement de la créance garantie dans le cadre du surendettement des particuliers [8]. Le caractère accessoire de la réserve de propriété n’est donc conforté par la réforme qu’en demi-teinte.

B. La fiducie-sûreté : simplification prudente du régime

L’un des objectifs assignés à la réforme à l’égard de la technique du transfert de propriété en tant que sûreté était d’« assouplir les règles relatives à la constitution et à la réalisation de la fiducie-sûreté ». Dès sa consécration par la loi du 19 février 2007, son régime juridique a fait l’objet de critiques liées, notamment, à la confusion entre les régimes de fiducie et à l’absence de mesures de mise en œuvre efficaces [9]. Si des interventions législatives ultérieures ont contribué à clarifier certaines règles applicables, la fiducie-sûreté peine encore à trouver sa place dans la pratique des garanties. Le législateur a dédié une sous-section 1 à la fiducie-sûreté dans le cadre de la section 2 relative à la propriété cédée à titre de garantie.  Les nouvelles règles touchent, à la fois, les modalités de constitution et celles de réalisation de cette sûreté.

Concernant les mesures encadrant la constitution, comme toutes les sûretés, le contrat de fiducie pourra être dématérialisé. De plus, un ajout est inséré dans l’article 2372-2 du Code civil (N° Lexbase : L0221L8P) relatif à l’objet de la fiducie-sûreté. Désormais, il est explicitement précisé que les dettes garanties peuvent être présentes ou futures à la condition, cependant, pour ces dernières d’être déterminables. Par cette précision, le régime de la fiducie-sûreté s’aligne sur celui des autres sûretés réelles telles que le gage [10], l’hypothèque [11] ou le nantissement [12]. Ce nouvel élément appelle des précisions sur les conditions d’identification des créances futures. Ainsi, à travers le terme « déterminable » il est fait référence à une exigence d’individualisation ou d’indication d’éléments permettant cette dernière comme la personne du débiteur, le lieu de paiement, la nature des créances et leur montant. Concernant la garantie de créances futures par le biais d’une fiducie, deux situations doivent donc être distinguées. Soit les créances sont déterminables dès la constitution, et elles pourront faire l’objet d’un contrat de fiducie classique, soit les créances futures ne le sont pas, et elles pourront être garanties par le biais de la technique du rechargement dont le régime n’a pas été retouché.

Par ailleurs, un allégement des conditions de validité est opéré par la suppression, dans le cadre de l’article 2372-2 du Code civil, de l’exigence d’évaluation du bien ou du droit transféré, étant précisé que les parties restent libres d’y procéder si elles le souhaitent. La suppression de cette évaluation, préconisée par la proposition de réforme Capitant, permet un alignement du régime de la fiducie-sûreté sur celui des autres sûretés réelles et contribue à un renforcement de l’attractivité de cette garantie.

S’agissant des modalités de réalisation de la fiducie-sûreté, la réforme a souhaité les assouplir en laissant une plus grande marge de manœuvre à l’autonomie de la volonté. Ainsi, l’article 2373-3 du Code civil (N° Lexbase : L0238L8C) prévoit, désormais, que la vente des biens donnés en fiducie à un prix différent de celui fixé par l’expert est possible mais dans des conditions bien définies.  Cette faculté n’est envisageable que si la vente, au prix fixé par l’expert, se révèle impossible. Le fiduciaire devra, alors, justifier de cette situation et procéder à la vente au prix qu’il estime correspondre à la valeur du bien et ce, sous sa responsabilité. La finalité de cette mesure est de combiner souplesse des modalités de vente du bien et protection des intérêts du débiteur et du créancier. Les craintes relatives à la protection des intérêts du créancier ne se posent véritablement que dans la situation où la qualité de créancier et celle de fiduciaire se trouvent dissociées. Cette démarche d’assouplissement de la réalisation de la fiducie-sûreté, lorsqu’elle se concrétise par la mise en vente du bien, était avancée par la proposition de réforme formulée sous l’égide de l’association Capitant mais en des termes différents. Dans cette proposition, la marge de manœuvre du fiduciaire était plus large puisqu‘il n’avait pas, au préalable, à justifier que la vente du bien au prix fixé par l’expert était impossible. En effet, à la condition qu’une clause du contrat de fiducie le prévoie, il se voyait octroyer la possibilité de vendre le bien sous sa responsabilité en justifiant d’un juste prix. La place laissée à l’autonomie de la volonté est donc attribuée de manière plus prudente par la réforme. Il n’a pas été souhaité d’écarter l’évaluation par un expert à des fins de protection du garant.

II. Enrichissement du panel des sûretés basées sur la propriété cédée

Dans le but de valoriser la propriété comme instrument de droit des sûretés, la réforme a consacré deux nouvelles techniques fondées sur le transfert de propriété : l’une portant sur la cession de créance et l’autre sur la cession de monnaie scripturale. Chacune a été intégrée au sein d’une sous-section dans le cadre de la section 2 relative à la propriété cédée à titre de garantie. Ces innovations renforcent ainsi la catégorie des garanties ayant trait à des biens incorporels (A). Elles soulèvent, par ailleurs, une interrogation sur leur articulation avec le régime des autres sûretés (B).

A. Deux nouvelles sûretés portant sur la propriété de biens incorporels

La dématérialisation de la teneur des patrimoines implique une adaptation de l’assiette des sûretés. Dans cette logique, deux nouvelles garanties viennent enrichir le panel des garanties basées sur le transfert de propriété : la cession de créance et la cession de monnaie scripturale.

Consécration de la cession de créance à titre de garantie : En premier lieu, une sous-section 2 est créée afin de préciser le régime de la cession de créances à titre de garantie (C. civ., art. 2373 N° Lexbase : L0225L8T à 2373-3). La reconnaissance de la faculté de céder une créance s’inscrit dans une démarche de modernisation du droit des sûretés afin de renforcer l’attractivité internationale de la loi française. Le principe de reconnaissance d’une telle cession est posé dans le nouvel article 2373 du Code civil en ces termes : « La propriété d’une créance peut être cédée à titre de garantie d’une obligation par l’effet d’un contrat conclu en application des articles 1321 (N° Lexbase : L0976KZ8) à 1326 du Code civil ». Cette consécration avait été préconisée par la proposition de réforme de l’Association Capitant tout en ayant suscité des discussions.    

Ce nouveau dispositif permet de généraliser la technique de la cession de créance à titre de garantie qui, jusqu’ici, n’était admise qu’au bénéfice des établissements bancaires par le biais du mécanisme de la cession Dailly relevant du Code monétaire et financier [13]. Cette généralisation a été rendue possible par la réforme du régime des obligations du 10 février 2016 (ordonnance n° 2016-131 N° Lexbase : L4857KYK) qui a clarifié la cession des créances dans les articles 1321 et suivants du Code civil, auxquels le droit des sûretés renvoie. Ainsi, la cession de créance à titre de garantie se retrouve-telle soumise au droit commun de la cession de créance fixé aux articles 1321 à 1326 du Code civil. Désormais, il existe donc un fondement légal permettant le recours à cette technique de sûreté que la jurisprudence a, jusqu’ici, toujours refusé de reconnaître. Les juges, en l’absence de texte, requalifiaient, en effet, le contrat en nantissement de créance [14]. Afin d’assurer l’attractivité du nouveau mécanisme, des précisions ont été apportées afin de prendre en compte les spécificités de la cession de créance appliquée au droit des sûretés. Cette volonté de précision s’est effectuée en puisant dans le régime du nantissement de créance et dans celui de la cession Dailly.

Dans le cadre des conditions de constitution, notamment, l’article 2373-1 du Code civil (N° Lexbase : L0236L8A) prévoit une identification de l’assiette de la sûreté dans les mêmes termes qu’en matière de nantissement de créance et de cession Dailly. Ainsi, les créances cédées doivent être désignées dans l’acte et, dans l’hypothèse où elles sont futures, l’acte doit permettre leur individualisation ou les éléments le permettant comme l’indication du débiteur, le lieu du paiement, le montant des créances ou, encore, leur évaluation. Cette exigence s’impose pour l’ensemble des sûretés réelles au nom du principe de spécialité.

Une précision est, également, apportée concernant les modalités de mise en œuvre de la sûreté à l’égard du sort réservé aux sommes versées au cessionnaire par le débiteur. L’article 2373-2 du Code civil (N° Lexbase : L0237L8B) prévoit que, si la créance garantie est déjà échue, les sommes s’imputent sur celle-ci dans la même logique que ce qui est retenu pour le nantissement de créance.  Si, au contraire, la créance garantie n’est pas échue, le créancier cessionnaire conserve les sommes versées par le cédé dans les mêmes conditions que celles prévues pour la cession de somme d’argent à titre de garantie. Le renvoi au régime de la cession de somme d’argent à titre de garantie s’explique par le fait que la sûreté- propriété sur la créance se reporte sur la somme d’argent versée en paiement de celle-ci. Enfin, l’article 2373-3 du Code civil (N° Lexbase : L0238L8C) envisage la situation où la créance garantie est intégralement payée avant la créance cédée en précisant que le cédant recouvre de plein droit la propriété de celle-ci à l’instar de ce qui s’applique déjà pour la cession Dailly.

Consécration de la cession de monnaie scripturale à titre de garantie. En second lieu, l’ordonnance a consacré, dans un nouvel article 2374 du Code civil (N° Lexbase : L0226L8U), la technique de la cession d’argent à titre de garantie qui permet ainsi d’intégrer, parmi les techniques de sûretés, le gage-espèces qui était jusqu’ici développé par la pratique sans fondement législatif. La proposition de réforme présentée sous l’égide de l’association Capitant, quant à elle, envisageait plutôt l’idée d’un nantissement de monnaie scripturale plutôt que celle du transfert de propriété de créance à titre de garantie. Ainsi, l’article susmentionné prévoit que « la propriété d’une somme d’argent, soit en euro soit en une autre monnaie, peut être cédée à titre de garantie d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures ». Concernant les conditions de conclusion, un écrit est imposé à titre de validité comme pour l’ensemble des sûretés. Cette sûreté s’impose comme étant une sûreté avec dépossession ce qui implique des modalités d’opposabilité aux tiers allégées, uniquement basées sur la remise de la somme d’argent sans autre formalité. Le mécanisme reposant sur le transfert de propriété d’une somme d’argent, le cessionnaire est libre de l’utiliser. Cette liberté représente la règle de principe.  Cette prérogative peut, cependant, être maitrisée conventionnellement puisqu’il est possible de prévoir dans le contrat une conservation des sommes sur un compte spécialement affecté. Cet aménagement conventionnel aura des incidences sur le sort des fruits et intérêts. Dans le cas où le cessionnaire a la libre disposition des sommes, ils s’intégreront à son patrimoine, tandis que si ce n’est pas le cas, les sommes augmenteront l’assiette de la garantie. Quant au dénouement de la garantie, l’article 2374-6 du Code civil (N° Lexbase : L0232L84) précise le sort des sommes transférées en cas de paiement de l’intégralité de la créance garantie. Elles doivent être logiquement restituées au cédant, ce qui se fera par équivalent dans le cas où le cessionnaire a la libre disposition des sommes.

B. Articulation avec le régime des autres sûretés

L’intégration de deux nouvelles techniques de sûreté soulève la question de leur articulation et de leur coexistence avec les mécanismes, jusqu’ici, en vigueur. Ainsi, l’articulation avec la fiducie-sûreté doit être précisée. La problématique est de déterminer s’il convient, aujourd’hui, de dissocier un droit commun de la fiducie-sûreté et un droit spécial, représenté par le régime du transfert de propriété de créance et de somme d’argent à titre de garantie. Cette logique ne semble pas être celle privilégiée par l’ordonnance qui s’oriente plutôt vers une dissociation entre les sûretés fondées sur le transfert de propriété comme l’atteste l’organisation de la section en trois sous-sections autonomes. Cette approche est confortée par la lecture du rapport remis au Président de la République relatif à l’ordonnance dans lequel il est expliqué au sujet de la cession de créance à titre de garantie « qu’il s’agit de permettre, aux côtés de la fiducie-sûreté et dans un souci d’attractivité internationale de la loi française, la cession de créance à titre de garantie ». Elle se traduit, également, par l’absence de renvoi aux règles de la fiducie-sûreté dans les régimes relatifs à la cession de créance et à la cession de monnaie scripturale.

La consécration de la cession de créance à titre de garantie s’inscrit dans un mouvement de généralisation de l’opération de cession de créance. Son régime opère des renvois au régime de droit commun de la cession de créance et à celui de la cession Dailly.

L’enrichissement des hypothèses de transmission de la propriété à titre de garantie marque dès lors la volonté du législateur de valoriser le recours au droit de propriété comme technique de sûreté confortant alors l’idée qu’il peut pleinement jouer un rôle dans ce domaine sans pour autant être dénaturé [15].


[1] V. rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 (N° Lexbase : Z442981N).

[2] Loi n° 2007-211, du 19 février 2007, instituant la fiducie (N° Lexbase : L4511HUM).

[3] V. rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, préc..

[4] Cass. com., 3 janvier 1995, n° 93-11.093, publié (N° Lexbase : A8228ABD), JCP G, 1995, I, 3841, n° 13, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel – Cass. com., 5 juin 2007, n° 05-21.349, FS-P+B (N° Lexbase : A5511DWZ), JCP G, 2008, I, 117, n° 11, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; D., 2007, p. 1729, obs. A. Lienhard – Cass. com., 18 janvier 2011, n° 07-14.181, F-D (N° Lexbase : A2735GQD), RLDC, mars 2011, p. 335, obs. J.-J. Ansault.

[5] Avant-projet de réforme du droit des sûretés, Association Henri Capitant, 2017 [en ligne], Colloque de la Fédération bancaire française du 24 octobre 2017, « Vers une réforme du droit des sûretés », Rev. Banque et droit, n° 176, novembre-décembre 2017, p. 4 et s. ; G. Piette et D. Nemtechenko, L’avant-projet de réforme du droit des sûretés, Lexbase Affaires, janvier  2018, n° 540 (N° Lexbase : N2475BXX).

[6] Cass. mixte, 8 juin 2007, n° 03-15.602, publié (N° Lexbase : A5464DWB), JCP G, 2007, II, p. 10138, Ph. Simler ; D., 2007, P. 2201, note D. Houtcieff ; Ph. Simler, Le cautionnement est-il encore une sûreté accessoire ?, in Mélanges G. Goubeaux, 2009, Dalloz, LGDJ, p. 497.

[7] P. Crocq, Colloque de la Fédération bancaire française du 24 octobre 2017, op. cit., rapport de synthèse.

[8] Cass. civ. 2, 27 février 2014, n° 13-10.891, F-P+B (N° Lexbase : A0985MGL).

[9] Ex ; P. Crocq, Lacunes et limites de la loi au regard du droit des sûretés, D., 2007, p.1354 ; F. Barrière, La fiducie-sûreté, JCP N, 2009, 1291.

[10] C. civ., art. 2333 (N° Lexbase : L0195L8Q).

[11] C. civ., art. 2421 (N° Lexbase : L0293L8D).

[12] C. civ., art. 2356 (N° Lexbase : L1183HIN).

[13] C. mon. fin., art. L. 313-23 (N° Lexbase : L9528LGY).

[14] Cass. com., 19 décembre 2006, n° 05-16.395, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9943DS3), D., 2007, 344, note Ch. Larroumet ; JCP G, 2007, II, 10067, note D. Legeais ; Defrénois, 2007, 448, obs. E. Savaux.

[15] P. Crocq, Propriété et garantie, LGDJ, 1995.

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