Le Quotidien du 29 décembre 2021 : Baux commerciaux

[Brèves] Renonciation au droit au renouvellement : nécessité d’un acte postérieur à la conclusion du bail

Réf. : CA Pau, 19 novembre 2021, n° 19/02274 (N° Lexbase : A38327CW)

Lecture: 4 min

N9813BY4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Renonciation au droit au renouvellement : nécessité d’un acte postérieur à la conclusion du bail. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/75606393-brevesrenonciationaudroitaurenouvellementnecessitedunacteposterieuralaconclusiondubail
Copier

par Vincent Téchené

le 28 Décembre 2021

► Le droit au renouvellement est acquis dès la conclusion du bail par le seul effet de la loi et l'ordre public de protection qui s'y attache, ne fait pas obstacle à une renonciation librement consentie, si celle-ci est postérieure à la naissance du droit au renouvellement et consentie dans un acte séparé.

Faits et procédure. Le 1er janvier 2008, une SCI a donné congé, sans renouvellement ni indemnité d'éviction, à la locataire de locaux commerciaux mettant fin au bail commercial conclu le 4 août 2000 pour une durée de neuf ans portant sur un logement meublé dépendant d'une résidence de tourisme.
Les parties se sont rapprochées et ont régularisé un « nouveau bail » en date du 30 septembre 2009, à effet au 1er janvier 2009, pour une durée de six ans expirant le 31 décembre 2015, le preneur déclarant renoncer à toute propriété commerciale à l'échéance du bail ainsi qu'à toute indemnité d'éviction.
Le 5 mars 2015, la bailleresse a informé le preneur que le bail ne serait pas renouvelé à son échéance. Le preneur a pris acte de cette information et demandé le paiement d'une indemnité d'éviction, faisant valoir que la clause de renonciation insérée au bail était réputée non écrite comme contraire au statut des baux commerciaux. La bailleresse a interjeté appel.

Décision. Sur les clauses contraires au statut des baux commerciaux, la cour d’appel rappelle d’abord qu’il est de principe constant que la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées. Dès lors, en application de ce principe, les dispositions d'ordre public de l'article L. 145-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L5032I3R), dans leur rédaction issue de la loi « Pinel » (loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 N° Lexbase : L4967I3D), qui ne déclare plus nuls mais réputés désormais non écrits les stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit au renouvellement ou, notamment, à l'article L. 145-4 (N° Lexbase : L9957LMQ) relatif à la durée du bail, sont applicables aux baux en cours dès lors que la procédure a été initiée postérieurement à son entrée en vigueur, ce qui est le cas en l'espèce.

La cour rappelle ensuite que selon l'article L. 145-4 du Code de commerce, la durée du bail commercial ne peut être inférieure à neuf ans, sauf bail dérogatoire conclu dans les limites de durée fixée par la loi.
Par conséquent, l'article fixant la durée du bail à six ans doit être déclaré réputé non écrit.

S'agissant de la renonciation de la locataire à la propriété commerciale, la cour rappelle qu’il résulte du statut légal que le droit au renouvellement est acquis dès la conclusion du bail par le seul effet de la loi et que l'ordre public de protection qui s'y attache, ne fait pas obstacle à une renonciation librement consentie, si celle-ci est postérieure à la naissance du droit au renouvellement et consentie dans un acte séparé.

Elle relève ensuite qu'aux termes de l'article 2 du nouveau bail, le preneur a déclaré « renoncer à toute propriété commerciale, à savoir à tout droit au renouvellement du présent bail à son échéance, et par suite à toute indemnité d'éviction en cas de non renouvellement du bail au 31 décembre 2015 ». Pour les juges palois, cette clause de renonciation à la propriété commerciale a été insérée dans le second bail fondant le droit au renouvellement ; elle est donc concomitante et non postérieure à la naissance du droit et n'a pas fait l'objet d'un acte séparé.

Par conséquent, faisant échec au droit au renouvellement, cette clause doit être déclarée réputée non écrite en application de l'article L. 145-15 du Code de commerce.

Observations. La cour d’appel opère ici un rappel : le droit au renouvellement est acquis dès la conclusion du bail par le seul effet de la loi. L'ordre public de protection, qui s'attache au statut des baux commerciaux, ne fait pas obstacle à une renonciation librement consentie, si celle-ci est postérieure à la naissance du droit au renouvellement (Cass. civ. 3, 4 mai 2006, n° 05-15.151, publié N° Lexbase : A2592DPP). En outre, le preneur ayant valablement renoncé au droit au renouvellement d'un bail commercial, ce dernier cesse de plein droit au terme fixé sans que le bailleur ait à notifier un congé (Cass. civ. 3, 8 avril 2010, n° 09-10.926, FS-P+B N° Lexbase : A0575EW9).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le caractère non écrit des clauses faisant échec au droit au renouvellement du bail commercial, La possibilité pour le preneur de renoncer à un droit acquis au renouvellement, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase (N° Lexbase : E8834AYT).

 

newsid:479813