Le Quotidien du 11 novembre 2021 : Fiscalité des entreprises

[Brèves] La surélévation de la valeur d’un usufruit temporaire d'un bien constitue-t-elle un avantage occulte ?

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 20 octobre 2021, n° 445685, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6512493)

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[Brèves] La surélévation de la valeur d’un usufruit temporaire d'un bien constitue-t-elle un avantage occulte ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/73944194-breves-la-surelevation-de-la-valeur-dun-usufruit-temporaire-dun-bien-constituetelle-un-avantage-occu
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par Marie-Claire Sgarra

le 10 Novembre 2021

Le Conseil d’État a jugé dans un arrêt du 20 octobre 2021 que la majoration de l’apport d’un usufruit temporaire ne constitue pas un avantage occulte.

Les faits :

  • les requérants ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle au cours duquel l'administration a relevé, d'une part, qu'en juin 2009, M. C avait apporté à la société JMS, qu'il contrôle avec son épouse, l'usufruit temporaire, pour une durée de sept ans, de titres de la société Coralu, cet apport étant rémunéré par l'attribution à M. C de titres de la société JMS assortis d'une soulte ;
  • la société JMS a cédé cet usufruit temporaire le jour même et au même prix à la société CM, également contrôlée par M. C, cette acquisition ayant été financée au moyen d'un emprunt sur sept ans ;
  • l'administration a, d'autre part, établi qu'en novembre 2009, M. C avait apporté à la société JMS l'usufruit temporaire, pour une durée de dix-sept ans, de parts de la société CM, et avait en contrepartie reçu des titres de la société JMS ainsi qu'une soulte ;
  • l'administration a constaté que l'usufruit pour sept ans des titres Coralu avait été valorisé en tenant compte de ce que l'emprunt souscrit par la société CM serait couvert par la distribution de dividendes par la société Coralu ; parallèlement, elle a relevé que l'usufruit pour dix-sept ans des titres CM avait été valorisé en tenant compte de ce que, dans une première période, correspondant aux sept années au cours desquelles l'emprunt souscrit par cette société pour l'acquisition de l'usufruit des titres Coralu serait remboursé, aucune distribution de la part de CM n'aurait lieu, puis que, au cours des dix années suivantes, CM verserait un flux continu de dividendes ;
  • l’administration a estimé que le versement de ces derniers dividendes revêtait un caractère hypothétique, en ce qu'il supposait une prolongation par M. C pour dix années supplémentaires de l'usufruit des titres Coralu qu'il n'avait consenti que pour sept ans ;
  • elle en a déduit que la valeur de l'usufruit temporaire sur dix-sept ans des titres CM était de seulement 621 353 euros et que la différence entre cette somme et celle de 2 649 767 euros pour laquelle avait été valorisé l'apport des titres de la société CM à la société JMS devait être regardée comme un avantage occulte consenti par cette dernière société à M. C..., imposable entre ses mains ;
  • elle a en conséquence assujetti les requérants à des cotisations supplémentaires d'IR et de contributions sociales au titre de l'année 2009, assorties de pénalités pour manquement délibéré ;
  • le tribunal administratif de Lyon, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement de prélèvements sociaux intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande des requérants ;
  • la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé contre ce jugement (CAA Lyon, 25 août 2020, n° 18LY04420 N° Lexbase : A656449Y).

🔎 Principe. Sont notamment considérés comme revenus distribués les rémunérations et avantages occultes (CGI, art. 111 N° Lexbase : L8673L4Y).

⚖️ Solution du Conseil d’État :

  • la seule circonstance qu'une société bénéficie d'un apport pour une valeur que les parties ont délibérément majorée par rapport à la valeur vénale de l'objet de la convention ne saurait par elle-même traduire l'existence d'un appauvrissement de la société bénéficiaire de l'apport au profit de l'apporteur ;
  • dès lors, l'apporteur des titres ne bénéficie pas de la part du bénéficiaire de l'apport d'une libéralité, taxable entre ses mains sur le fondement de l'article 111 du CGI précité, au seul motif que les parties à cette opération ont délibérément retenu une valeur d'apport supérieure à la valeur réelle des actifs apportés.

L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon est annulé.

💡 Dans le cas d'un apport à prix volontairement minoré cette fois-ci, le Conseil d’État a jugé qu’il y avait lieu de prendre en compte les circonstances de la valorisation de l’apport. Ainsi, lorsqu’une société bénéficie d’un apport pour une valeur que les parties ont délibérément minorée par rapport à sa valeur vénale, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l’avantage ainsi octroyé constitue une libéralité consentie à la société bénéficiaire de l’apport (CE 3°, 8°, 9° et 10° ch.-r., 9 mai 2018, n° 387071, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6254XML).

Lire sur cet arrêt les conclusions du Rapporteur public, Y. Bénard, Lexbase Fiscal, juin 2018, n° 745 (N° Lexbase : N4451BX7).

Plus récemment, le CE a jugé, dans le sillage de l’arrêt du 9 mai 2018, qu’afin de déterminer si un apport d’actif immobilisé à prix minoré constitue une libéralité, il est nécessaire de prendre en compte les circonstances de fait susceptibles d’avoir une incidence sur la valorisation des titres apportés (CE 3° et 8° ch.-r., 21 octobre 2020, n° 434512, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A46903YD).

Lire sur cet arrêt, F. Laffaille, Valeur d’un apport de titres, présomption d’intention libérale, existence d’une contrepartie, Lexbase Fiscal, décembre 2020, n° 846 (N° Lexbase : A46903YD).

 

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