Lexbase Fiscal n°881 du 14 octobre 2021 : Fiscalité internationale

[Brèves] Le régime fiscal espagnol d’amortissement de la survaleur financière : la CJUE précise sa jurisprudence en matière de sélectivité de mesures fiscales

Réf. : CJUE, 6 octobre 2021, aff. C‑50/19 P et affaires jointes (N° Lexbase : A8358483)

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par Marie-Claire Sgarra

le 18 Octobre 2021

► La CJUE a, par plusieurs arrêts en date du 6 octobre 2021, rejeté les pourvois contre les arrêts du Tribunal confirmant la qualification du régime fiscal espagnol d’amortissement de la survaleur financière (goodwill) d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur.

Les faits. La Commission a ouvert une procédure formelle d’examen de la compatibilité, avec les dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État, de la législation fiscale espagnole relative à l’amortissement de la survaleur financière (goodwill) en cas de prises de participations par des sociétés résidentes dans d’autres entreprises.

🔎 En quoi consiste ce dispositif fiscal ? La survaleur financière résultant d’une prise de participations d’au moins 5 % d’une entreprise résidente dans une société étrangère peut être déduite, sous forme d’amortissement, de l’assiette de l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise résidente, à condition qu’elle détienne cette prise de participations de manière ininterrompue pendant au moins un an. En revanche, les prises de participations des entreprises imposables en Espagne dans d’autres entreprises résidentes ne donnent pas lieu à un amortissement de la survaleur financière, sauf en cas de regroupement d’entreprises.

👉 La Commission a déclaré que la mesure fiscale en cause constituait un régime d’aides incompatible avec le marché intérieur, et a imposé à l’Espagne de récupérer les aides accordées.

En ce qui concerne la sélectivité de la mesure fiscale en cause, la Cour précise que la seule circonstance que ladite mesure présente un caractère général, en ce qu’elle peut a priori bénéficier à l’ensemble des entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés, selon qu’elles réalisent ou non certaines opérations, n’exclut pas qu’elle puisse être de nature sélective.

Pour pouvoir qualifier une mesure fiscale nationale de sélective, la Commission doit suivre une méthode en trois étapes.

  • d’abord, elle doit identifier le régime fiscal commun ou normal applicable dans l’État membre ;
  • ensuite, elle doit démontrer que la mesure fiscale en cause déroge à ce système de référence en introduisant des différenciations entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal commun ou normal, dans une situation factuelle et juridique comparable ;
  • enfin, elle doit vérifier si la différenciation introduite est justifiée dès lors qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elle s’inscrit.

La Cour considère, d’abord, qu’il ressort clairement des décisions litigieuses que le système de référence retenu par la Commission est constitué des dispositions générales du régime de l’impôt sur les sociétés régissant la survaleur en général.

Ensuite, elle rejette l’argument des requérantes selon lequel, afin de déterminer le système de référence, le Tribunal se serait fondé sur la technique réglementaire choisie par le législateur national pour adopter la mesure fiscale en cause, à savoir l’introduction d’une dérogation à la règle générale.

Une mesure nationale peut être sélective même dans l’hypothèse où le bénéfice de l’avantage qu’elle prévoit dépend non pas des caractéristiques de l’entreprise bénéficiaire mais de l’opération que celle-ci décide ou non de réaliser.

La Cour constate que, dans toutes les affaires en cause, en identifiant, dans le cadre de la deuxième étape de l’analyse sur la sélectivité, le maintien d’une certaine cohérence entre le traitement fiscal et le traitement comptable de la survaleur en tant qu’objectif du système de référence, le Tribunal a substitué sa propre motivation à celle des décisions litigieuses et a commis, de ce fait, une erreur de droit.

Cette erreur n’est toutefois pas de nature à entraîner l’annulation des arrêts attaqués, dans la mesure où leurs dispositifs sont fondés sur d’autres motifs de droit. À cet égard, la Cour relève que le Tribunal s’est, à bon droit, référé à sa jurisprudence selon laquelle l’examen de comparabilité à effectuer lors de la deuxième étape de l’analyse de la sélectivité doit être réalisé au regard de l’objectif du système de référence, et non de celui de la mesure litigieuse. C’est ainsi à juste titre que le Tribunal a constaté que les entreprises qui prennent des participations dans des sociétés non-résidentes se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le traitement fiscal de la survaleur, dans une situation juridique et factuelle comparable à celle des entreprises qui prennent des participations dans des sociétés résidentes. À cet égard, les requérantes n’avaient pas réussi, plus particulièrement, à établir que les entreprises effectuant des prises de participations dans des sociétés non-résidentes se trouvent dans une situation juridique et factuelle différente et, donc, non comparable à celle des entreprises effectuant des prises de participations en Espagne.

 

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