Lecture: 10 min
N8918BYX
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Virginie Pradel, Fiscaliste
le 28 Septembre 2021
Mots-clés : fiscalité • famille • divorce • pensions alimentaires
Cet article a vocation à présenter succinctement la fiscalité applicable aux pensions versées au titre du devoir d'entretien des parents ou qui procèdent de l'obligation alimentaire. Il convient de distinguer la situation :
I. Fiscalité applicable au bénéficiaire de la pension alimentaire
Pour rappel, l’article 79 du CGI (N° Lexbase : L1669IPI) prévoit que « Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l’impôt sur le revenu ».
💡 La pension alimentaire (y compris, le cas échéant, les revalorisations) constitue ainsi un revenu imposable pour le bénéficiaire qui doit déclarer dans sa déclaration annuelle d’impôt sur le revenu le montant de la pension qu’il a reçu, ce dernier n’étant jamais inscrit sur la déclaration préremplie. Ce montant doit être indiqué dans la partie « Pensions, retraites, rentes », ligne « Pensions alimentaires perçues ». |
Le contribuable peut bénéficier de certains avantages tels que la possibilité de déduire des sommes reçues certaines dépenses occasionnées par leur perception. Il peut notamment s’agir des frais de procès engagés pour le paiement ou la revalorisation d’une pension alimentaire.
Pour la pension alimentaire perçue par un ex-conjoint, l’administration fiscale applique un abattement de 10 % sur le montant total des pensions et rentes du foyer fiscal.
Cet abattement ne peut pas être inférieur à 394 euros par personne pensionnée ni dépasser 3 858 euros par foyer fiscal.
🔎 Précisions Le Conseil d’État a récemment été amené à se prononcer sur la question inédite suivante : est-ce que les pensions alimentaires versées sous forme de prestations en nature au titre de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants mineurs entrent dans l’assiette de l’impôt sur le revenu du bénéficiaire au même titre que les pensions alimentaires versées en numéraire ? Dans l’affaire en cause, l’ex-mari de la requérante avait payé directement les frais de scolarité et d’activités extrascolaires de ses enfants mineurs résidant chez leur mère, ainsi que la rémunération de l’employée de maison travaillant chez son ex-épouse. Cette dernière bénéficiait également de la jouissance gratuite du logement familial détenu en indivision avec son ex-mari. La cour administrative d’appel de Paris avait considéré que la requérante devait être imposée à raison des pensions alimentaires réglées en nature par son ex-mari en exécution de l’ordonnance de non-conciliation et du jugement de divorce, quand bien même les dépenses correspondantes étaient directement prises en charge par l’intéressé. Dans un arrêt en date du 5 juillet 2021 [1], la Haute juridiction a répondu par l’affirmative à la question précitée, jugeant qu’il résulte des dispositions des articles 79, 82 (N° Lexbase : L1172ITL) et 80 septies (N° Lexbase : L1789HLT) du CGI ainsi que de l’article 373-2-2 du Code civil que, à l’exception des contributions versées pour un enfant mineur résidant en alternance chez ses parents et prises en compte pour la détermination du quotient familial de chacun d’eux, les pensions alimentaires versées au titre de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants mineurs, y compris lorsqu’elles prennent la forme de prestations en nature, doivent être comprises dans les bases de l’impôt sur le revenu dû par le parent qui en bénéficie au titre de l’année au cours de laquelle celui-ci les a perçues, quelle que soit la répartition du quotient familial entre les deux parents. |
👉 Sur cet arrêt, consulter les conclusions du Rapporteure publique, MG. Merloz, Lexbase Fiscal, septembre 2021, n° 879 (N° Lexbase : N8896BY7).
II. Fiscalité applicable à celui qui verse la pension alimentaire
À titre liminaire, on précisera que le régime de déduction des pensions alimentaires, bien que fixé par le CGI, a son fondement dans le Code civil.
Les pensions alimentaires sont admis en déduction du revenu global dans les cas limitativement énumérés par l’article 156, II-2° du CGI (N° Lexbase : L8643L4U). Sont notamment concernées :
🔎 Précisions Pour rappel, les articles 205 à 207 du Code civil prévoient une obligation alimentaire réciproque, en cas de besoin, entre ascendants et descendants. Il en va de même entre gendre et belle-fille et beaux-parents, sauf lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés. L’obligation alimentaire comprend : - la nourriture et le logement ; - tout ce qui est nécessaire à la vie : il peut notamment s’agir de l’habillement, des frais d’études, des frais de maladie, etc. Le cas échéant, l’obligation alimentaire peut même s’étendre aux frais funéraires [2]. L’état de besoin du créancier d’aliments résulte des circonstances de fait. Il est tenu compte à la fois de ses revenus nets et de son patrimoine. Peu importe que le créancier d’aliments réside à l’étranger et que l’obligation alimentaire ne soit pas déterminée par le droit civil français, sous réserve que la pension réponde aux conditions fixées par ce dernier. Les pensions versées à des collatéraux (frères, sœurs, oncles, tantes, neveux, etc.) ou à des tiers sans lien de parenté avec le contribuable ne sont jamais déductibles. Il en va ainsi même si le versement est susceptible de se transformer en obligation civile [3]. |
A. Le cas des pensions versées à des enfants mineurs
Pour être déductible, la pension alimentaire doit être versée au profit d’enfants mineurs qui ne sont pas pris en compte pour la détermination du quotient familial du contribuable [4]. En pratique, cela concerne la pension alimentaire versée en cas de divorce ou d’imposition séparée des époux ou des partenaires pour des enfants que le contribuable n’a plus à sa charge.
Est également déductible la pension alimentaire versée spontanément par les personnes non mariées, vivant en concubinage ou séparément, et par les personnes ayant rompu un Pacs à ceux de leurs enfants « naturels » qu’elles ne comptent pas à charge.
B. Le cas des pensions versées à des enfants majeurs
La déduction concerne les contribuables qui assurent l’entretien de leur enfant majeur dans le cadre de l’obligation alimentaire et cela, quelle que soit leur situation de famille. Il n’y a pas lieu de distinguer selon que l’enfant majeur bénéficiaire de la pension alimentaire est :
La déduction de ce type de pension alimentaire comporte cependant des restrictions.
1) La déduction ne peut tout d’abord pas se cumuler, pour un même enfant et pour la même année, avec le rattachement ;
2) La déduction est ensuite limitée au montant de l’abattement unitaire applicable en cas de rattachement d’enfants mariés, pacsés ou chargés de famille au foyer fiscal de leurs parents.
Pour l’imposition des revenus de 2020, cette limite de déduction est fixée à 5 959 euros par enfant [5]
Lorsque le contribuable participe seul à l’entretien d’un enfant majeur, célibataire, veuf ou divorcé, qui est lui-même chargé de famille, la limite de déduction est doublée, soit 11 918 euros.
Si l’obligation alimentaire n’est exécutée qu’une partie de l’année, la limite de déduction est réduite prorata temporis [6].
Le contribuable doit pouvoir apporter les justifications permettant d’établir qu’il verse bien une pension alimentaire.
Si l’enfant majeur vit sous le toit du contribuable, ce dernier peut, selon l’administration fiscale [7], déduire :
Si l’enfant majeur réside sous le toit de ses parents vivant en concubinage, chacun des parents a le droit de déduire :
Le total des avantages ainsi consentis par les deux parents doit toutefois être retenu dans la limite du plafond légal [8].
3) Le contribuable doit apporter la preuve de l’état de besoin de son enfant et justifier ses versements.
💡 Exemples de pensions alimentaires déductibles selon la jurisprudence :
|
💡 Exemples de pensions alimentaires non déductibles selon la jurisprudence :
|
[1] CE 3° et 8° ch.-r., 5 juillet 2021, n° 434517, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A30144YB).
[2] Rép. min. n° 7287 : JOAN 4 juin 2019, Krabal.
[3] CE 9° et 10° ch.-r., 28 mars 2012, n° 323852, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0174IHW).
[4] CGI, art. 156, II-2e, al. 2.
[5] Loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021, art. 2 (N° Lexbase : L3002LZ9).
[6] BOI-IR-BASE-20-30-20-20 n° 170 (N° Lexbase : X8604ALA)..
[7] BOI-IR-BASE-20-30-20-20 n° 220 à 250.
[8] BOI-IR-BASE-20-30-20-30 n° 30 (N° Lexbase : X8823AMQ)..
[9] CE Contentieux, 14 mai 1975, n° 93180 (N° Lexbase : A7604AYB).
[10] CE 8° et 9° ssr., 18 décembre 1974, n° 93985 (N° Lexbase : A2628B8T).
[11] CE Contentieux, 3 décembre 1982, n° 27924 (N° Lexbase : A0179AL9).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:478918