La lettre juridique n°877 du 16 septembre 2021 : Droit des biens

[Brèves] Accession artificielle immobilière : la rénovation complète d’une ruine est-elle constitutive d’une construction nouvelle au sens de l’article 555 du Code civil ?

Réf. : Cass. civ. 3, 9 septembre 2021, n° 20-15.713, FS-B (N° Lexbase : A251744Y)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 20 Septembre 2021

► Les travaux de rénovation d’une ruine - dont la toiture et le plancher du premier étage étaient effondrés, ce dont il résultait que les murs subsistaient - ne sauraient être considérés comme l’édification d’une construction neuve, au sens de l’article 555 du Code civil (relatif à l’accession artificielle à un immeuble), dès lors que les travaux ont été exécutés sur une construction préexistante, peu important l'importance de la rénovation effectuée.

En l’espèce, les époux X, prétendant que M. Y leur avait vendu, en avril 1993, une ruine située sur un terrain lui appartenant, l’avaient assigné en reconnaissance de leur qualité de propriétaire ou en indemnisation de leurs travaux de restauration.

La cour d’appel de Rennes avait condamné les époux à enlever à leurs frais les constructions réalisées sur le bien de M. Y et de rejeter leurs demandes en paiement de la somme de 85 000 euros au titre des améliorations réalisées sur ce bien (CA Rennes, 8 octobre 2019, n° 17/08828 N° Lexbase : A6176ZQS).

Pour se prononcer ainsi, la cour d’appel avait fait application de l’article 555 du Code civil (N° Lexbase : L3134ABP) qui, pour rappel, pose le principe de l’accession du propriétaire aux constructions réalisées sur son terrain par un tiers ; il en résulte notamment que le propriétaire est en droit :

- soit d’en conserver la propriété (moyennant indemnisation du tiers constructeur) ;
- soit d’exiger leur démolition aux frais du tiers constructeur.

Le propriétaire perd toutefois le bénéfice de cette option lorsque le constructeur est qualifié de « bonne foi », à savoir, plus précisément, qu’il est dans l’obligation d’indemniser celui-ci, sans pouvoir exiger la démolition à ses frais.

Pour justifier l’application de ce texte, les conseillers d’appel ont estimé que, compte tenu de l'importance de la rénovation effectuée, les travaux réalisés devaient être regardés comme l’édification d’une construction neuve.

Écartant alors la qualité de possesseurs de bonne foi des époux, les conseillers ont retenu que ces derniers ne pouvaient s'opposer à la suppression des ouvrages.

Les époux ont alors formé un pourvoi, contestant la qualification de « construction neuve » ainsi retenue, et dès lors l’application des dispositions de l’article 555 du Code civil.

L’argument est accueilli par la Haute juridiction qui censure la décision pour violation de ce texte. En effet, dès lors que la cour d’appel avait constaté que les époux avaient pris possession d’un bâtiment en ruine dont la toiture et le plancher du premier étage étaient effondrés, ce dont il résultait que les murs subsistaient, il fallait en déduire que les travaux avaient été exécutés sur une construction préexistante avec laquelle ils s'étaient identifiés, et ne pouvaient donc constituer des constructions nouvelles pouvant être l'objet d'une accession au profit du propriétaire du sol, qui seules permettent l’application de l’article 555 du Code civil.

Pour rappel, cette condition de « construction nouvelle » a été posée par la Cour de cassation aux termes d’un arrêt rendu le 5 juin 1973 (Cass. civ. 3, 5 juin 1973, n° 72-12.323, publié au bulletin N° Lexbase : A6905AGT). Dans sa décision du 9 septembre 2021, la Haute juridiction réaffirme la règle avec force, en retenant une appréciation rigoureusement stricte de la notion : quelle que soit leur importance, des travaux de rénovation ne sauraient être assimilés à des constructions nouvelles.  

En l’espèce, la démolition ne pouvant donc être imposée aux constructeurs à leurs frais, en application de l’article 555, reste à savoir s’ils pourront obtenir indemnisation, et sur quel fondement…

On relèvera que la cour d’appel avait précisément écarté l’application de l’article 1381 du Code civil (N° Lexbase : L1487ABP), dans sa rédaction applicable antérieurement à l'ordonnance du 10 février 2016 (selon lequel « Celui auquel la chose est restituée doit tenir compte, même au possesseur de mauvaise foi, de toutes les dépenses nécessaires et utiles qui ont été faites pour la conservation de la chose »), relevant que ces dispositions s'appliquent à la restitution d'un immeuble indûment cédé, alors qu’il avait été définitivement statué par un jugement de 2013 qu'aucune cession de l'immeuble n'avait été effectuée au bénéfice des époux, et que dès lors, ces derniers ne pouvaient se prévaloir de la qualité de possesseurs évincés.

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