La lettre juridique n°877 du 16 septembre 2021 : Procédure pénale/Enquête

[Brèves] Méconnaissance d’une formalité substantielle lors d’une perquisition : précisions sur la qualité pour agir

Réf. : Cass. crim., 7 septembre 2021, n° 21-80.642, FS-B (N° Lexbase : A459043E)

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N8736BY9

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par Adélaïde Léon

le 15 Septembre 2021

► La jurisprudence, qui réserve au seul titulaire d’un droit sur le local perquisitionné la qualité pour agir en nullité, ne peut être maintenue en cas de violation d’une formalité substantielle dont l’objet est de garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations de perquisition ainsi que la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis ; ainsi, toute partie a qualité pour invoquer la méconnaissance de la formalité prise de l’absence de signature du procès-verbal de perquisition et saisie.

Rappel des faits. Informés par la responsable d’un hôtel de la possible utilisation d’une chambre pour le conditionnement de produits stupéfiants, des policiers ont interpellé trois personnes qui sortaient d’un véhicule et une quatrième parvenait à fuir. Du cannabis conditionné dans des sachets était retrouvé dans le véhicule. Du cannabis et de l’argent étaient saisis au cours d’une perquisition dans ladite chambre d’hôtel, en présence de l’un des occupants.

Une information judiciaire du chef d’infractions à la législation sur les stupéfiants était ouverte et les trois personnes interpellées étaient mises en examen de ce chef. La quatrième personne ayant pris la fuite lors de l’arrestation était interpellée puis mise en examen pour ces faits.

Le conseil de ce dernier mis en examen saisissait la chambre de l’instruction d’une requête en nullité de la perquisition précitée, prise de l’absence de signature du procès-verbal de transport et de perquisition par le mis en examen présent lors de cette opération.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction rejetait la demande de nullité des opérations de perquisition et de saisie au motif que, si le mis en examen ayant interjeté appel revendiquait avoir loué la chambre d’hôtel, cette location avait été payée avec la carte bancaire de la compagne du mis en examen présent lors de l’opération. Par ailleurs, les quatre hommes avaient passé une partie de la soirée dans cette chambre sans y loger. Enfin, lors de la perquisition, aucun des mis en cause n’a revendiqué avoir un droit sur ladite chambre et le mis en examen revendiquant la nullité de l’acte avait lui-même pris la fuite.

La juridiction soulignait également que le mis en examen présent était garant de la régularité de la perquisition dès lors qu’il n’avait pas émis de contestation sur le procès-verbal de perquisition.

Selon la chambre de l’instruction, les enquêteurs pouvaient considérer que chacun des occupants était légitime à s’assurer de la régularité des opérations de perquisitions en y assistant. L’auteur de la requête en nullité avait fait le choix de fuir et ne pouvait dès lors se prévaloir de la nullité de l’absence de signature du co-mis en examen présent sur le procès-verbal.

Le même mis en examen formait un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.

Moyens du pourvoi. Il était reproché à la chambre de l’instruction d’avoir privé le mis en examen de la possibilité de contester la perquisition de la chambre d’hôtel au motif qu’il avait pris la fuite alors qu’il avait occupé les lieux, qu’il avait un titre à les occuper et que les éléments découverts avaient fondé sa mise en examen.

Décision. La Chambre criminelle casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa des articles 171 (N° Lexbase : L3540AZ7) et 802 (N° Lexbase : L4265AZY) du Code de procédure pénale.

La Cour souligne qu’il résulte de ces articles que la méconnaissance des formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité doit entraîner la nullité de la procédure, lorsqu’il en est résulté une atteinte aux intérêts de la partie concernée. La Haute juridiction poursuit en précisant qu’il appartient à la chambre de l’instruction saisie d’une requête en nullité de vérifier si :

  • le requérant a un intérêt à agir : tel est le cas si le requérant a un intérêt à demander l'annulation de l'acte ;
  • le requérant a qualité pour agir en nullité : la chambre de l’instruction doit rechercher si la formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, dont la méconnaissance est alléguée, a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre ;
  • l’irrégularité alléguée a causé un grief au requérant : le grief est établi lorsque l’irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant qui ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l’acte critiqué.

La question en l’espèce portait donc sur le fait de savoir quel requérant avait la qualité pour agir en cause de méconnaissance d’une formalité substantielle lors d’une perquisition.

La Cour rappelle que sa jurisprudence réserve au seul titulaire d’un droit sur le local perquisitionné la qualité pour agir en nullité (Cass. crim., 6 février 2018, pourvoi n° 17-84.380, FS-P+B N° Lexbase : A6728XC8). Toutefois, la formalité substantielle dont la méconnaissance était dénoncée – la signature du procès-verbal de perquisition et de saisie – a pour objet d’authentifier la présence effective sur les lieux des objets découverts et de garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations.

Or, selon l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR), tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 10 mars 2009, Req. 4378/02, Bykov c/ Russie N° Lexbase : A4528EMN), et l'article préliminaire du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3311LTS), tout requérant doit se voir offrir la possibilité de remettre en question l’authenticité des éléments de preuve et de s’opposer à leur utilisation.

Dès lors, toute partie a qualité pour invoquer la méconnaissance de la formalité prise de l’absence de signature du procès-verbal de perquisition et saisie, peu important qu’elle ait pris la fuite.

Par ailleurs, la Cour précise que l’absence de contestation, par le co-mis en examen présent, sur la présence des produits dans ladite chambre ne pouvait être opposée au mis en examen qui contestait cette présence.

Pour aller plus loin : v. F. Dupuis, ÉTUDE : Le contrôle et la contestation des actes d’investigation, La qualité pour agir, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E4142ZMD).

 

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