Réf. : CJUE, 2 septembre 2021, aff. C-930/19 (N° Lexbase : A233943Z)
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par Marie Le Guerroué
le 15 Septembre 2021
► Le ressortissant d’un pays tiers victime d’actes de violence domestique commis par son conjoint, citoyen de l’Union, ne se trouve pas dans une situation comparable à celle du ressortissant d’un pays tiers, victime d’actes de violence domestique commis par son conjoint, ressortissant d’un pays tiers ; il s’ensuit qu’une éventuelle différence de traitement découlant de ces deux situations ne viole pas l’égalité en droit consacrée par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (N° Lexbase : L0230LGM).
Faits. En 2012, un ressortissant algérien a rejoint son épouse française en Belgique, où il s’est vu délivrer une carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union. En 2015, il a été contraint de quitter le domicile conjugal, en raison d’actes de violence domestique dont il était victime de la part de son épouse. Quelques mois plus tard, cette dernière a quitté la Belgique pour s’installer en France. Presque trois ans après ce départ, il a introduit une demande de divorce. Le divorce a été prononcé en juillet 2018. Entre-temps, l’État belge avait mis fin à son droit de séjour, au motif qu’il n’avait pas apporté la preuve qu’il disposait de ressources suffisantes pour subvenir à ses propres besoins.
Conformément à la disposition belge visant à transposer l’article 13, paragraphe 2, de la Directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 (N° Lexbase : L2090DY3), en cas de divorce ou de fin de l’installation commune des conjoints, le maintien du droit de séjour d’un ressortissant de pays tiers qui a été victime d’actes de violence domestique commis par son conjoint, citoyen de l’Union, est subordonné à certaines conditions dont, notamment, celle de disposer de ressources suffisantes. Le ressortissant algérien a introduit un recours contre cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers belges, au motif qu’une différence de traitement injustifiée existe entre le conjoint d’un citoyen de l’Union et celui d’un ressortissant de pays tiers résidant légalement en Belgique.
En effet, la disposition belge ne soumet, en cas de divorce ou de séparation, le maintien du droit de séjour d’un ressortissant de pays tiers ayant bénéficié du droit au regroupement familial avec un autre ressortissant de pays tiers et ayant été victime d’actes de violence domestique commis par ce dernier qu’à la preuve de l’existence de ces actes. Le Conseil du contentieux des étrangers estime que, s’agissant des conditions de maintien, en cas de divorce, du droit de séjour des ressortissants de pays tiers ayant été victimes d’actes de violence domestique commis par leur conjoint, le régime établi par la Directive du 29 avril 2004 est moins favorable que celui établi par la Directive n° 2003/86 du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial (N° Lexbase : L5269DLQ). Il a dès lors invité la Cour à se prononcer sur la validité de l’article 13, paragraphe 2, de la Directive du 29 avril 2004, notamment au regard du principe d’égalité de traitement prévu à l’article 20 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
L’arrêt « NA » contredit. Dans son arrêt, rendu en Grande Chambre, la Cour, en premier lieu, limite la portée de sa jurisprudence concernant le champ d’application de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la Directive du 29 avril 2004 en vertu duquel le droit de séjour est maintenu en cas de divorce lorsque des situations particulièrement difficiles l’exigent, telles que le fait d’avoir été victime d’actes de violence domestique au cours du mariage, en particulier de l’arrêt « NA » (CJUE, 30 juin 2016, aff. C-115/15, NA N° Lexbase : A3106RWX). Se pose, notamment, la question de savoir si cette disposition est applicable lorsque, comme au principal, la procédure judiciaire de divorce a été entamée après le départ du conjoint, citoyen de l’Union, de l’État membre d’accueil concerné.
Contrairement à ce qu’elle a jugé dans l’arrêt « NA », la Cour considère que, aux fins du maintien du droit de séjour sur la base de cette disposition, la procédure judiciaire de divorce peut être entamée après un tel départ. Toutefois, afin de garantir la sécurité juridique, un ressortissant d’un pays tiers ayant été victime d’actes de violence domestique commis par son conjoint, citoyen de l’Union, dont la procédure judiciaire de divorce n’a pas été entamée avant le départ de ce dernier de l’État membre d’accueil ne saurait se prévaloir du maintien de son droit de séjour que pour autant que cette procédure soit entamée dans un délai raisonnable suivant un tel départ.
Il importe, en effet, de laisser au ressortissant concerné du pays tiers le temps suffisant pour exercer le choix entre les deux options que la Directive du 29 avril 2004 lui offre en vue de maintenir un droit de séjour, qui sont soit l’introduction d’une procédure judiciaire de divorce aux fins de bénéficier d’un droit de séjour personnel au titre de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), soit son installation dans l’État membre où réside le citoyen de l’Union aux fins de maintenir son droit dérivé de séjour.
Validité de l’article 13, § 2, de la Directive 2004/38/CE. En second lieu, elle ne constate aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 13, paragraphe 2, de cette Directive au regard de l’article 20 de la Charte. La Cour conclut que cette disposition ne conduit pas à une discrimination. En effet, nonobstant le fait que l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la Directive 2004/38/CE et l’article 15, paragraphe 3, de la Directive 2003/86/CE partagent l’objectif d’assurer une protection des membres de la famille victimes de violence domestique, les régimes instaurés par ces directives relèvent de domaines différents dont les principes, les objets et les objectifs sont également différents. En outre, les bénéficiaires de la Directive du 29 avril 2004 jouissent d’un statut différent et de droits d’une nature autre que ceux dont peuvent se prévaloir les bénéficiaires de la Directive n° 2003/86, et le pouvoir d’appréciation reconnu aux États membres pour appliquer les conditions fixées dans ces directives n’est pas le même. En l’espèce, c’est ainsi notamment un choix opéré par les autorités belges dans le cadre de la mise en œuvre du large pouvoir d’appréciation qui leur a été reconnu par l’article 15, paragraphe 4, de la Directive 2003/86/CE qui a conduit au traitement différent dont se plaint le requérant au principal.
Absence de comparabilité des situations. La Cour retient par conséquent la solution susvisée.
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