Le Quotidien du 6 août 2021 : Covid-19

[Brèves] Loi relative à la gestion de la crise sanitaire : les Sages valident le « passe sanitaire » et censurent la rupture des CDD et contrat de mission ainsi que le placement à l’isolement

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-824 DC, du 5 août 2021, Loi relative à la gestion de la crise sanitaire (N° Lexbase : A62354ZX)

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[Brèves] Loi relative à la gestion de la crise sanitaire : les Sages valident le « passe sanitaire » et censurent la rupture des CDD et contrat de mission ainsi que le placement à l’isolement. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/71063577-breves-loi-relative-a-la-gestion-de-la-crise-sanitaire-les-sages-valident-le-passe-sanitaire-et-cens
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par Laïla Bedja et Charlotte Moronval

le 06 Août 2021

► Faisant l’objet de quatre saisines différentes des parlementaires et du Premier ministre, le projet de loi relative à la gestion de la crise sanitaire a fait l’objet d’une censure partielle ; les Sages valident les dispositions concernant le « passe sanitaire » et censurent celles organisant la rupture anticipée de certains contrats de travail et le placement « automatique » à l’isolement, jugeant ces dispositions contraires à la Constitution.

Conformité des dispositions relatives au « passe sanitaire »

Au regard du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, le Premier ministre peut subordonner l'accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d'un « passe sanitaire » qui peut revêtir la forme soit d'un résultat d'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination. L’article 1er de la loi déférée étend les pouvoirs du Premier ministre. Il est notamment reproché à ces dispositions de subordonner l'accès aux grands magasins et centres commerciaux et aux transports publics à la présentation d'un « passe sanitaire », ce qui n'aurait pas d'intérêt dans la lutte contre l'épidémie. Il était soutenu qu'en outre, ces dispositions emporteraient des effets disproportionnés au regard de l'objectif poursuivi, ce dont il résulterait une méconnaissance de la liberté d'aller et de venir, du droit au respect de la vie privée et du droit d'expression collective des idées et des opinions.

Si le Conseil constitutionnel reconnaît l’atteinte à ces libertés, il valide les dispositions contestées au regard de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé poursuivi par le législateur, ce dernier estimant que, en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait, les risques de circulation du virus de la covid-19 sont fortement réduits entre des personnes vaccinées, rétablies ou venant de réaliser un test de dépistage dont le résultat est négatif.

S’agissant de l’application du « passe sanitaire » aux services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, le législateur a réservé l'exigence de présentation d'un « passe sanitaire » aux seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements, ainsi qu'à celles qui y sont accueillies pour des soins programmés. Ainsi, cette mesure, qui s'applique sous réserve des cas d'urgence, n'a pas pour effet de limiter l'accès aux soins.

Par ailleurs, les Sages écartent le grief relatif à l’obligation de soins ou l’obligation de vaccination, les obligations imposées au public pouvant être satisfaites par la présentation aussi bien d'un justificatif de statut vaccinal, du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination ou d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination.

Obligations de contrôle imposées aux exploitants et aux professionnels et sanction. Toujours concernant le « passe sanitaire », il était reproché aux dispositions, d’une part, une méconnaissance de la liberté d'entreprendre en faisant peser sur les acteurs économiques l'obligation de contrôler l'accès aux lieux qu'ils exploitent, ce qui serait de nature à nécessiter la mobilisation de moyens humains et matériels importants et, d'autre part, de prévoir des peines disproportionnées au regard des manquements susceptibles d'être reprochés à ces professionnels. Pour les Sages, s'il peut en résulter une charge supplémentaire pour les exploitants, la vérification de la situation de chaque client peut être mise en œuvre en un temps bref.

Sur la sanction en cas de non-respect de cette obligation, le Conseil constitutionnel relève que, lorsqu'un manquement, ayant fait l'objet d'une mise en demeure, est constaté à plus de trois reprises au cours d'une période de quarante-cinq jours, l'exploitant ou le professionnel peut être condamné à un an d'emprisonnement et à 9 000 euros d'amende. Il juge que, au regard de la nature du comportement réprimé, les peines instituées ne sont pas manifestement disproportionnées.

Non-conformité de la mesure de placement en isolement applicable de plein droit aux personnes faisant l'objet d'un test de dépistage positif à la covid-19

Le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». La liberté individuelle, dont la protection est confiée à l'autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. Les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis. Ainsi, le placement en isolement s'appliquant sauf entre 10 heures et 12 heures, en cas d'urgence ou pour des déplacements strictement indispensables, constitue une privation de liberté. Les dispositions contestées prévoient que, sous peine de sanction pénale (amende de 750 euros), toute personne qui se voit communiquer le résultat positif d'un test de dépistage à la covid-19 a l'obligation de se placer à l'isolement pour une durée de dix jours, sans qu'aucune appréciation ne soit portée sur sa situation personnelle.

Or, d'une part, cette obligation n'est portée à sa connaissance qu'au seul moyen des informations qui lui sont communiquées au moment de la réalisation du test. D'autre part, l'objectif poursuivi par les dispositions contestées n'est pas de nature à justifier qu'une telle mesure privative de liberté s'applique sans décision individuelle fondée sur une appréciation de l'autorité administrative ou judiciaire.

Sur les dispositions relatives aux contrats de travail

Censure des dispositions relatives à la rupture anticipée du CDD ou du contrat de mission. Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l'article 1er de la loi prévoyant qu'un contrat à durée déterminée ou de mission puisse être rompu avant son terme par l'employeur faute de « passe sanitaire ».

En prévoyant que le défaut de présentation d'un « passe sanitaire » constitue une cause de rupture anticipée des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l'objectif poursuivi, explique le Conseil constitutionnel.

Validation de la procédure de suspension du contrat de travail sans rémunération. Le Conseil constitutionnel estime en revanche que la procédure de suspension du contrat de travail sans rémunération pour les salariés concernés par l'obligation du « passe sanitaire » n'est pas contraire à la Constitution.

Il relève notamment que la mesure est temporaire, l’obligation de présenter un « passe sanitaire » n’étant imposée que pour la période comprise entre le 30 août et le 15 novembre 2021. Par ailleurs, si cette suspension s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, elle prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis.

Sur l’obligation pour les étrangers de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement

Les dispositions contestées (art. 2 de la loi) punissent de trois ans d'emprisonnement le refus par un étranger de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. L'expression « obligations sanitaires », éclairée par les travaux parlementaires, doit s'entendre des tests de dépistage de la covid-19. Il appartient par ailleurs au juge pénal, saisi de poursuites ordonnées sur le fondement de ces dispositions, de vérifier la réalité du refus opposé par l'étranger poursuivi et l'intention de l'intéressé de se soustraire à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Sous cette réserve, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de proportionnalité des peines.

L'obligation de se soumettre à un test de dépistage de la covid-19 en application des dispositions contestées ne comporte aucun procédé attentatoire à l'intégrité physique et à la dignité des personnes. En conséquence, manquent en fait les griefs tirés de l'atteinte au principe du respect de la dignité de la personne humaine et à l'inviolabilité du corps humain. L’article ne méconnait donc aucune exigence constitutionnelle.

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