Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 20 juillet 2021, n° 443342, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A17134ZH)
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par Lalaina Chuk Hen Shun, Docteur en droit, élève avocat,
le 01 Septembre 2021
► Il appartient au Conseil d'État d’exercer le contrôle d’une sentence arbitrale rendue en France dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécuté sur le territoire français, mais mettant en jeu les intérêts du commerce international ; ne peuvent être utilement soulevés devant le Conseil que des moyens tirés, d'une part, de ce que la sentence a été rendue dans des conditions irrégulières et, d'autre part, de ce qu'elle est contraire à l'ordre public.
Faits et procédures. En 2004, alors qu’il possédait encore la qualité d’établissement public industriel et commercial (EPIC), Gaz de France conclut avec un groupement d’entreprises, dont des sociétés étrangères, un contrat de construction d'un terminal méthanier à Fos Cavaou. Par la suite, d’une part, Gaz de France, devenu société anonyme, cède le contrat à une de ses filiales pour exploiter le site et, d’autre part, une clause compromissoire prévoyant un arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) a été insérée par avenant. Le 13 février 2015, une sentence arbitrale condamne la filiale d’Engie (ex-Gaz de France) au paiement d’une certaine somme au groupement d’entreprises. La société de Fos Cavaou sollicite l’annulation de la sentence devant, à la fois, le Conseil d’État et la cour d’appel de Paris. Considérant la qualité d’EPIC de Gaz de France au moment de la conclusion du contrat litigieux, le Tribunal des conflits a jugé, par une décision du 11 avril 2016 (T. confl., 11 avril 2016, n° 4043, Société Fosmax Lng c/ STS N° Lexbase : A6727RC7), que le recours en annulation formé contre la sentence arbitrale relevait de la compétence de la juridiction administrative qui a partiellement annulé la sentence (CE Contentieux, 9 novembre 2016, n° 388806, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0614SGT). Le 24 juin 2020, une nouvelle sentence CCI condamne le groupement d’entreprises au paiement de 31 966 704,57 euros à l’exploitant méthanier.
Recours. C’est à l’encontre de cette sentence que le recours en annulation devant le Conseil d’État est dirigé. Trois griefs sont formulés par les sociétés requérantes :
Réponse du Conseil. En premier lieu, les conseillers d’État rappellent qu’en cas de recours en annulation, il appartient au Conseil d’exercer le contrôle sur la sentence d’arbitrage international rendue en France relative à un contrat conclu par une personne morale de droit public française.
En deuxième lieu, outre le contrôle de la régularité des conditions dans lesquelles la sentence a été rendue, ils précisent que, s’agissant du fond, le contrôle de la contrariété à l’ordre public exercé par le Conseil sanctionne, notamment, la sentence qui méconnaît des règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger ou les règles d'ordre public du droit de l'Union européenne. Partant de ces deux rappels, les conseillers rejettent la demande en annulation, d’abord, en écartant les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure arbitrale en ce qu’ils considèrent que le tribunal arbitral, d’une part, a suffisamment motivé sa sentence sur le moyen de l’imputabilité des inexécutions et, d’autre part, est libre de faire toutes constatations de fait et de droit relativement aux questions en débat devant lui sur la demande qui lui est soumise. Ensuite, s’agissant d’une éventuelle mauvaise application des règles relatives à la mise en régie, le Conseil décide qu’en tout état de cause de tels moyens ne caractérisent aucune contrariété à l’ordre public susceptible de justifier l’annulation de la sentence.
Solution. Le Conseil d’État rejette la requête et octroie l’exequatur à la sentence attaquée.
Pour aller plus loin : v. L. Chuk Hen Shun, ÉTUDE : L’arbitrage, Les voies de recours contre la sentence arbitrale, in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase (N° Lexbase : E30494YL). |
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