Le Quotidien du 23 août 2021 : Concurrence

[Brèves] Suppression par un assureur, en période de crise sanitaire, de la garantie perte d’exploitation : contravention possible aux règles sur le déséquilibre significatif et sur l’avantage sans contrepartie

Réf. : CEPC, avis n° 21-8, 27 mai 2021 (N° Lexbase : X9397CMY)

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N8455BYS

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[Brèves] Suppression par un assureur, en période de crise sanitaire, de la garantie perte d’exploitation : contravention possible aux règles sur le déséquilibre significatif et sur l’avantage sans contrepartie. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/70501918-breves-suppression-par-un-assureur-en-periode-de-crise-sanitaire-de-la-garantie-perte-dexploitation-
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par Vincent Téchené

le 06 Août 2021

► La pratique consistant, pour un assureur, à supprimer une garantie contractuelle conférée par le contrat d’assurance à peine de résiliation du contrat dans le cas où la modification n’est pas acceptée par l’assuré peut, dans certaines conditions, contrevenir à la règle sur le déséquilibre significatif et à celle sur l’avantage sans contrepartie.

Saisine. La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie par une TPE exploitant un établissement de restauration rapide à consommer sur place et à emporter d’une demande d’avis sur la conformité au droit de pratiques mises en œuvre, en période de crise sanitaire liée à la covid-19, par l’assureur auprès duquel il a souscrit une police multirisques professionnels.

Précisions. Au préalable, la CEPC précise que l’Autorité de la concurrence a été saisie en parallèle, de sorte que l’application éventuelle du droit des pratiques anticoncurrentielles, évoquée par l’entreprise de restauration dans sa demande d’avis, ne sera pas envisagée ci-après.

De même, si un différend a opposé le souscripteur de la police à l’assureur quant à la mise en jeu de la garantie perte d’exploitation prévue au contrat au titre de la fermeture de l’établissement en raison de la crise sanitaire, il y a été mis fin par une transaction. En l’absence de tout élément susceptible de permettre utilement l’annulation de la transaction en raison d’un vice du consentement ou d’une absence de concessions réciproques, la CEPC rappelle que celle-ci a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

Postérieurement, l’assureur a informé le souscripteur qu’il entendait apporter au contrat une modification concernant la garantie perte d’exploitation et consistant, plus précisément, à supprimer cette garantie au titre de « l’impossibilité d’accès à l’établissement en cas d’interdiction par une autorité compétente ou une décision des Pouvoirs publics consécutive à : une maladie contagieuse, épidémie… ».

Face au refus de l’assuré, l’assureur a fait état de son droit de modifier ses contrats et a indiqué que, compte tenu de ce refus, le contrat d’assurance serait résilié à son échéance annuelle.

La conformité au droit des pratiques restrictives au fait pour un assureur de modifier la garantie contractuelle à peine de résiliation du contrat est donc appréciée dans le cas où cette modification n’est pas acceptée par l’assuré.

Analyse. La CEPC distingue deux situations selon que les principes de l’application de la loi dans le temps conduisent à considérer que la pratique litigieuse relève du droit issu de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 (N° Lexbase : L0386LQD) ou, au contraire, du droit antérieur à la réforme portée par celle-ci.

  • En cas d’application du droit issu de l’ordonnance du 24 avril 2019

La pratique litigieuse doit être envisagée à l’épreuve de l’article L. 442-1, I, 2°, du Code de commerce. La CEPC considère que, au regard de la jurisprudence, le fait d’imposer ou tenter d’imposer le changement de garantie sans possibilité de négocier et sous la menace de mettre fin au contrat en cas de refus d’acceptation paraît constituer le fait de soumettre ou tenter de soumettre au sens de l’article L. 442-1, I, 2° (N° Lexbase : L0680LZ9). Par ailleurs, la suppression d’une garantie, qui apparaît cruciale en période de crise sanitaire, ceci sans réduction de prime à la connaissance de la Commission, pourrait être de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

La pratique pourrait également relever de l’article L. 442-1, I, 1°, du Code de commerce. Il pourrait ainsi, selon la CEPC, être considéré que le fait d’obtenir ou tenter d’obtenir sans aucune contrepartie à la connaissance de la Commission la suppression d’une garantie, cruciale en période de crise sanitaire, constitue « un avantage sans contrepartie » au sens de cette disposition.

Il y a enfin lieu de s’interroger sur le point de savoir si la résiliation du contrat à l’initiative de l’assureur peut constituer une rupture brutale de la relation commerciale établie. Il importe de souligner, à ce propos, que le droit des assurances et, plus précisément, l’article L. 113-12 du Code des assurances (N° Lexbase : L1505LR8) confère à chacune des parties, et donc à l’assureur, une faculté annuelle de résiliation à l’échéance du contrat, sous réserve de respecter un délai de prévenance de deux mois et la forme d’un recommandé. Dès lors, pour la CEPC, il est permis de considérer que cette faculté légale annuelle de résiliation exclut le caractère établi de la relation d’assurance, dans la mesure où chacune des parties ne peut légitimement compter sur la pérennité de la relation. Il faut cependant préciser que, « pour la couverture des risques autres que ceux des particuliers », l’alinéa 5 de l’article L. 113-12 du Code des assurances permet aux parties de « déroger à ces règles de résiliation ». En cette dernière hypothèse, la relation pourrait être considérée comme établie si elle présente un caractère suivi, stable et habituel, comme le requiert la jurisprudence.

Dès lors, pour la CEPC, il faudrait s’interroger sur le point de savoir si le délai de préavis accordé par l’assureur (inférieur au délai de 18 mois au-delà duquel la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut plus être recherchée) est suffisant au regard de la durée de la relation ainsi que des différents paramètres pris en compte par les juridictions appelées à mettre en œuvre l’article L. 442, 1, II, du Code de commerce.

  • En cas d’application du droit antérieur à l’ordonnance du 24 avril 2019

La CEPC précise qu’aucun changement n’est à signaler en ce qui concerne les anciens articles relatifs à l’avantage sans contrepartie et au déséquilibre significatif.

Pourrait également être envisagée l’application de l’ancien article L. 442-6, I, 4°, du Code de commerce (N° Lexbase : L7575LB8). Pour la CEPC, le fait d’imposer ou tenter d’imposer le changement de garantie sous la menace de mettre fin au contrat en cas de refus d’acceptation pourrait constituer « la menace de rupture brutale des relations commerciales » au sens de ce texte. En revanche, la suppression d’une garantie, certes cruciale en période de crise sanitaire et sans réduction de prime, si elle pourrait apparaître comme constitutive de « conditions manifestement abusives », ne concerne pas l’un des éléments mentionnés dans l’énumération limitative du texte.

Enfin, la CEPC précise que, s’agissant de la règle sur la rupture brutale, il y a lieu d’appliquer le même raisonnement que celui développé précédemment, sauf à observer que l’ancien article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ne prévoyait pas que la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut plus être recherchée du chef d'une durée insuffisante lorsqu’il a respecté un délai de préavis de 18 mois.

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