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N4175BTS
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Doux : le billet mêle le mystère et la banalité, l'intime et le public. Comme dans un tableau de Fragonard, il est galant, libertin, pompeusement rose et cotonneux, et si dentellier qu'on se perd en y faisant un crochet.
De mariage : en papier vélin d'Arches ou vergé de France, le billet est l'apanage des grands-parents et des parents qui annoncent le mariage de leurs enfants. La typographie est anglaise, dans une couleur sombre, le noir, le bleu marine ou le vert foncé, sans doute pour contraster avec le blanc de la mariée.
De faire-part : tantôt joyeux, tantôt triste, pour une naissance ou pour un décès. Gallimard a affublé ce billet d'un carré noir, et Carter Brown d'un linceul rouge. Mathilde de La Mole enceinte, pour Julien Sorel, il est le passeport pour ses nouveaux quartiers de noblesse, mais un passeport pour la prison tout de même.
De banque : papier-monnaie, le billet fiduciaire est le signe de la confiance dans le système bancaire. Sur papier couché fin, porteur d'un filigrane, de pâte de chiffon, de coton raffiné, désormais en polymères, on craint pourtant que le billet ne soit monnaie de singe. Il est heureux que, depuis Law, la loi marque le pas et le billet honore sa promesse de paiement.
A ordre : à la lisière de la lettre de change et du chèque, le billet oblige à payer son bénéficiaire, sur simple présentation à l'échéance. La promesse est pure et simple et s'exécute à vue. L'ordre de tirer, tel est l'objet de ce billet souffreteux.
Au porteur : constatant l'engagement d'un souscripteur à régler, à tout porteur, une somme déterminée à une échéance déterminée, le billet produit ses effets, en suscitant toutefois l'émoi quand le fisc regarde par là.
De parterre : quand on se le prend, la chute est assurément rude.
De faveur : gratuit et pour une seule représentation, il peut pourtant avoir la plus singulière des valeurs et laisser la trace d'une révélation culturelle sans précédent.
D'auteur : souvent court, parfois drôle, toujours satirique, le billet se veut d'esprit ou d'humeur. Caustique, il marque son style. Enoncer, dénoncer et surprendre, selon Le Tellier, au Monde ; oripeaux du Cavalier seul pour Frossart, dans le Figaro ; le billet fait grincer...
Simple : symbole de liberté pour les uns, d'inconscience pour les autres, le billet sans retour est un leurre. A l'ombre devant eux, les bateaux font le tour du monde et comme la Terre est ronde, ils reviennent chez eux... nous dit la chanson.
D'aller et retour : pour celui qui, bien moins qu'enchaîné, revient se libérer pour s'accomplir.
D'avion : on ne comprend toujours pas pourquoi celui qui occupe le siège d'à côté a payé son billet deux fois moins cher...
Nul : le billet compte pour du beurre...
Blanc : aussi... Car, depuis la Révolution, les couleurs s'imposent en politique.
De loterie : sacrilège pour les uns, salutaire pour les autres, le billet, s'il ne répare plus les "gueules cassées", sert le lien social en partageant le bien le plus rare, l'espoir.
D'appel : celui-là, il ne vaut mieux pas le manquer. Le billet établi scrupuleusement par l'adjudant offre soit la mi-temps, soit le mitard.
De logement : longtemps vécu comme un impôt, il est pourtant à l'origine de nombreux faire-part de naissance.
De confession : le billet certifie que vous avez été entendu par un prêtre. Est -ce pour autant un quitus de votre assemblée avec Dieu ?
D'avocat : circulant à découvert, les billets remis aux clients, dans la salle d'accueil du tribunal, ne répondent pas à la notion de correspondance protégée. Tel est l'apport substantiel d'un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 26 octobre 2012. On pensait naïvement que le secret professionnel couvre, en toute matière, les correspondances échangées entre le client et son avocat.
Le billet d'avocat est aussi contradictoire que les autres, finalement. Ni tout à fait ci, ni tout à fait cela : il reste au juge d'apprécier les circonstances et la nature des écrits. Le billet est en tout judiciaire. Mais au tribunal de la subjectivité, le billet est-il toujours gagnant ?
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