Réf. : CEDH, 1er juillet 2021, Req. 56176/18, Association Burestop 55 et autres c/ France (N° Lexbase : A74944XT)
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par Yann Le Foll
le 06 Juillet 2021
► Une association agréée de protection de l’environnement doit disposer d’un droit d’accès au tribunal concernant les risques nucléaires, par exemple le projet d’un centre de stockage de produits radioactifs.
Faits. L’affaire concerne des associations de protection de l’environnement qui s’opposent au projet de centre industriel de stockage géologique dénommé « Cigéo », établi sur le site de Bure, aux confins des départements de la Meuse, de la Haute-Marne et des Vosges, dans la région administrative Grand Est, destiné à stocker en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute activité et à vie longue. Ces associations ont assigné l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) en vue de l’indemnisation du préjudice qu’elles alléguaient avoir subi en raison de manquements fautifs à l’obligation d’information du public mise à sa charge par l’article L. 542-12, 7°, du Code de l’environnement (N° Lexbase : L0786LZ7). Leurs demandes ont été rejetées, l’une faute d’intérêt à agir de l’association, les cinq autres au fond.
Position du Gouvernement. Pour justifier l’irrecevabilité opposée à l’action de l’association requérante, le Gouvernement renvoie aux conditions de l’accès des associations à la justice lorsqu’elles entendent faire valoir les intérêts collectifs qu’elles se sont donnés pour but de défendre. À cet égard, la condition de principe, dont la cour d’appel de Versailles a contrôlé le respect dans son arrêt du 23 mars 2017, repose sur la corrélation entre l’objet statutaire de l’association demandeuse et les intérêts collectifs qu’elle veut défendre devant le juge. Le Gouvernement fait valoir que cette limitation a pour objectif d’éviter l’engorgement des juridictions ainsi que d’éventuels abus par les associations, tels que l’utilisation du droit d’accès à la justice dans un but lucratif.
Réponse de la CEDH. La Cour constate en premier lieu que la cour d’appel de Versailles n’a pas tenu compte de ce que l’association était agréée au titre de l’article L. 141-1 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L7814IUX). Or, comme le reconnaît le Gouvernement, un tel agrément lui conférait en principe intérêt à agir. Il ressort de l’article L. 142-2 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L7858K9W) que les associations ainsi agréées « peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement [...] ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, la sûreté nucléaire et la radioprotection [...] ainsi qu’aux textes pris pour leur application ».
En effet, la seule violation de la réglementation destinée à la protection de l’environnement est de nature à causer aux associations concernées un préjudice moral indemnisable, indépendamment de la réalisation d’un dommage matériel (Cass. crim., 29 juin 2021, n° 20-82.245, FS-P N° Lexbase : A50574XL).
En deuxième lieu, la CEDH relève que, pour conclure à l’irrecevabilité de l’action de l’association, la cour d’appel de Versailles a retenu qu’à la différence des autres associations requérantes, son objet statutaire ne comportait pas expressément la lutte contre les risques pour l’environnement et la santé que représentent l’industrie nucléaire et les activités et projets d’aménagement liés, ou l’information du public sur les dangers de l’enfouissement des déchets radioactifs, mais était rédigé en des termes plus généraux, selon lesquels elle avait pour but la protection de l’environnement.
Cette approche revient à faire une distinction entre la protection contre les risques nucléaires et la protection de l’environnement, alors qu’il est manifeste que la première se rattache pleinement à la seconde. En outre, l’interprétation retenue des statuts de l’association requérante a pour effet de limiter de manière excessivement restrictive le champ de son objet social, alors même que l’article 2 de ses statuts visait la prévention des « risques technologiques ».
La conclusion de la cour d’appel de Versailles, entérinée par la Cour de cassation, qui a apporté une restriction disproportionnée au droit d’accès au tribunal, apparaît donc, sur ce point, manifestement déraisonnable. Il y a donc eu violation de l’article 6, § 1, de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) (droit d’accès à un tribunal).
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