Réf. : Cass. civ. 2, 12 mai 2021, n° 19-20.938, FS-P+R (N° Lexbase : A52734RQ)
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par Marie Le Guerroué
le 19 Mai 2021
► La Cour affirme pour la première fois qu’un régime de retraite contributif doit garantir un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les contraintes financières de ce régime et les droits à pension des assurés ; elle estime que tel n’est pas le cas du dispositif de la « clause de stage » du régime d’assurance vieillesse de base des avocats.
Un assuré, qui avait exercé la profession d’avocat de 1975 à 1990, avait sollicité la liquidation de ses droits à la retraite le 17 novembre 2015. La Caisse nationale des barreaux français lui avait délivré, le 18 mars 2016, un titre de pension lui attribuant, à compter du 1er janvier 2016, au titre de l’assurance vieillesse de base, l’allocation aux vieux travailleurs salariés, à proportion de 58/60èmes. Contestant les modalités de liquidation de sa prestation, l’assuré avait saisi d’un recours un tribunal de grande instance.
Pour débouter l’assuré de sa demande, l’arrêt retient essentiellement que l’assuré ne justifie que de cinquante-huit trimestres d’affiliation auprès de la Caisse et qu’il en résulte que le titre de pension qui lui a été notifié a été régulièrement établi.
Un régime de retraite contributif doit garantir un rapport raisonnable de proportionnalité. La Cour précise d’abord que l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L1625AZ9) implique, lorsqu’une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants.
Selon l’article L. 723-11 du Code de la sécurité sociale, l’assuré assujetti au régime d’assurance vieillesse des avocats qui ne justifie pas d’une durée d’assurance fixée par l’article R. 723-37, 3°, du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L2353LEU) à soixante trimestres, a droit à une fraction de l’allocation aux vieux travailleurs salariés en fonction de cette durée. Le droit individuel à pension constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d’application de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CESDH.
Le cas de la « clause de stage ». La Cour précise ensuite que le dispositif, dit de « clause de stage », du régime d’assurance vieillesse de base des avocats constitue une ingérence dans le droit de propriété des assurés affiliés au régime, en ce qu’il porte une atteinte à la substance de leurs droits à pension, en les privant de pension de retraite s’ils ne justifient pas de la durée d’assurance requise. Cette ingérence contrevient aux principes qui régissent l’aménagement des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse, dont le régime d’assurance vieillesse des avocats fait partie, et, notamment, au caractère contributif des régimes énoncé à l’article L. 111-2-1, II, alinéa 1er, du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L9411LXT) et aux règles de coordination entre les régimes au bénéfice des assurés ayant relevé simultanément ou successivement de plusieurs régimes au cours de leur carrière. Cette ingérence repose sur des dispositions légales et réglementaires de droit interne accessibles, précises et prévisibles, et poursuit un motif d’intérêt général en tant qu’elle contribue à l’équilibre financier du régime de retraite concerné.
Toutefois, en ne prévoyant le versement à l’assuré qui ne justifie pas d’une durée d’assurance de soixante trimestres, durée significative au regard de la durée d’une carrière professionnelle, que d’une fraction de l’allocation aux vieux travailleurs salariés, manifestement disproportionnée au regard du montant des cotisations mises à sa charge au cours de la période de constitution des droits, la « clause de stage », si elle contribue à l’équilibre financier du régime de retraite concerné, porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu’elle poursuit, et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence. Dès lors, l’application des articles L. 723-11 et R. 723-37, 3°, du Code de la sécurité sociale doit être écartée.
Dès lors, pour la Cour de cassation, en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes précités.
Lire précédemment : M. Le Guerroué, « Clause de stage » : une QPC est renvoyée !, note sous Cass. QPC, 13 février 2020, n° 19-20.938, FS-D N° Lexbase : A75283EK), Lexbase Avocats, mars 2020 (N° Lexbase : N2237BYI) ; M. Le Guerroué, « Clause de stage » : la différence de traitement est justifiée !, note sous Cons. const., décision n° 2020-840 QPC, du 20 mai 2020, Lexbase Avocats, juin 2020 (N° Lexbase : N3589BYL). |
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le régime fiscal et social de l'avocat, Les conditions générales d'obtention des prestations de retraite de base, in La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E42653RE). |
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