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par Yann Bougenaux, Avocat au Barreau de Lyon, Cabinet Fayan-Roux-Bontoux et associés
le 14 Avril 2021
Le télétravail est régi par les articles L. 1222-9 (N° Lexbase : L0292LMR) à L. 1222-11 du Code du travail ainsi que par l'Accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail (N° Lexbase : L0119KIA).
Définition du télétravail : le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication.
Le télétravailleur est, quant à lui, défini comme « toute personne salariée de l'entreprise qui effectue, soit dès l'embauche, soit ultérieurement, du télétravail. »
Le télétravail vise donc des tâches qui auraient pu être exécutées dans les locaux de l'entreprise. Sont donc exclus de cette définition, les salariés dits nomades (commerciaux par exemple)
Le télétravail peut s’exercer dans différents lieux :
La fréquence du télétravail peut varier, et peut aussi bien constituer un mode d’organisation habituel ou n’être qu’occasionnel.
L’employeur demeure tenu d’une obligation de sécurité légale envers le télétravailleur, comme envers tout autre salarié :
« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »
Article L. 4121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8043LGY)
Au titre de son obligation générale de sécurité, l'employeur doit s'assurer, par exemple, de la conformité du domicile du salarié à l'exercice du télétravail, notamment ses installations électriques.
Cela est néanmoins difficile si le lieu du télétravail n'est pas fixé précisément et en raison du respect de la vie privée du salarié.
En pratique, les entreprises ont le plus souvent recours à une simple attestation de conformité remplie par le salarié.
Le télétravail peut aussi être une source d'isolement du travailleur et donc de risques psycho-sociaux.
Il convient donc de mettre en place des outils de vigilance sur le sujet, tels que, par exemple, l'entretien annuel spécifique au télétravail.
Au titre de l’obligation de sécurité, le salarié victime d’un accident sur le lieu du télétravail pourrait rechercher la faute inexcusable de son employeur.
Cette obligation de sécurité doit être considérée lors de la mise en place du télétravail dans le cadre :
En l’absence d’accord collectif ou de charte, il peut être mis en place directement entre l’employeur et le salarié :
« Le télétravail est mis en place dans le cadre d'un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d'une charte élaborée par l'employeur après avis du comité social et économique, s'il existe.
En l'absence d'accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l'employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen. »
Article L. 1222-9 du Code du travail
Il est conseillé de formaliser la mise en place du télétravail par accord collectif ou charte ou par un écrit avec le salarié.
Cela permet d’évoquer les conditions du télétravail.
Également en cas de circonstances exceptionnelles (telles que pandémie…), le télétravail peut être imposé par l’employeur :
« En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés. »
Article L. 1222-11 du Code du travail (N° Lexbase : L8103LG9)
Les écrits permettent d’encadrer la mise en place du télétravail et doit servir d’occasion pour prévenir les risques liés au télétravail.
Un tel mode d’organisation ne limite pas les accidents du travail.
Un salarié victime d’un accident au temps de travail et sur les lieux de télétravail doit-il être considéré comme victime d’un accident du travail ?
Il convient en premier lieu de revenir à la notion d’accident du travail telle que définie par le Code de la Sécurité sociale :
« Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. »
Article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5211ADD)
L’accident du travail est donc constitué :
Le Code du travail prévoit, quant à lui, expressément le cas de l’accident survenu pendant une période de télétravail à l’article L. 1222-9 :
« L'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l'article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale. »
Deux points pour que le salarié bénéficie de la présomption d’accident du travail en situation de télétravail :
La notion de temps de travail, évoquée à l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale n’est pas retenue pour que le salarié bénéficie de la présomption d’accident de travail pour l’accident survenu durant le télétravail.
Ainsi les quatre éléments de l’accident de télétravail sont les suivants :
Ce n’est donc pas parce que le salarié se situe dans le temps de travail qu’il doit être considéré comme exerçant son activité professionnelle et donc bénéficier de la présomption d’accident du travail.
Cela est lié à la plus grande porosité entre la vie professionnelle et la vie privée dans le cadre de l’exercice du travail en situation de télétravail.
Le salarié doit alors indiquer que l’accident est survenu pendant l’exercice de l’activité professionnelle.
Les situations d’accident à l’occasion du télétravail peuvent conduire à des confusions.
En effet, l’accident survenu dans ce cadre se déroule généralement sans témoin et donne lieu à des situations pour le moins ambiguës :
Il convient alors de rappeler que l’employeur n’a pas à être juge de la réalité de l’accident du travail.
S’il est informé de la survenance d’un accident ou si le salarié prétend avoir été victime d’un accident du travail, l’employeur doit établir une déclaration d’accident du travail dans les 48 heures :
« La déclaration de l'employeur ou l'un de ses préposés prévue à l'article L. 441-2 (N° Lexbase : L5285AD4) doit être faite, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, dans les quarante-huit heures non compris les dimanches et jours fériés. »
Article R. 441-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0580LQK)
À défaut, la CPAM peut demander à l’employeur le remboursement de la totalité des dépenses occasionnées par l’accident (CSS, art. L. 471-1 N° Lexbase : L0610LCL). L’employeur s’expose également à des pénalités financières.
La seule possibilité pour l’employeur de contester est d’assortir la déclaration d’accident du travail de réserves motivées, afin d’imposer à la CPAM de diligenter une instruction contradictoire et d’éviter une notification de prise en charge d’emblée.
En cas de doute sur la réalité d’un accident du travail, il est nécessaire d’assortir la déclaration d’accident du travail d’un courrier de réserves.
Ce courrier peut être adressé en même temps que la déclaration d’accident du travail ou dans un délai de 10 jours à compter de la déclaration du travail (et non de la date de l’accident) :
« Lorsque la déclaration de l'accident émane de l'employeur, celui-ci dispose d'un délai de dix jours francs à compter de la date à laquelle il l'a effectuée pour émettre, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, des réserves motivées auprès de la caisse primaire d'assurance maladie.
Lorsque la déclaration de l'accident émane de la victime ou de ses représentants, un double de cette déclaration est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception. L'employeur dispose alors d'un délai de dix jours francs à compter de la date à laquelle il a reçu ce double pour émettre auprès de la caisse, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail. »
Article R. 441-6 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0570LQ8)
Pour être considéré comme motivée, il convient de remettre en question la réalité de l’accident du travail.
À titre d’exemple, la responsabilité du salarié dans la survenance de l’accident ne permet pas de remettre en cause la réalité d’un accident.
La lettre de réserves peut être adressée en même temps que la déclaration d’accident du travail ou dans un délai de 10 jours par lettre recommandé avec accusé de réception afin de conserver la preuve de la réception de ladite lettre par la CPAM.
La phase de mise en place du télétravail est déterminante pour limiter les accidents.
En cas de mise en place par accord collectif, il est nécessaire de préciser :
D’une manière générale il est conseillé de mettre en place le télétravail par accord collectif ou charte et d’être vigilant sur les points suivants :
Il est nécessaire de mettre à jour du document unique d’évaluation des risques afin de tenir compte des risques spécifiques liés à l’exercice du travail en situation de télétravail. Attention aux assurances de la société : vérifier qu’elles couvrent les risques liés au télétravail. |
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