Réf. : Cass. civ. 3, 8 avril 2021, n° 19-23.343, FS-P (N° Lexbase : A12514PZ)
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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac
le 16 Avril 2021
► Le dépôt de garantie a notamment pour objet de garantir le paiement du loyer ; il y a donc lieu de faire droit à la demande de déduction du dépôt de garantie des sommes dues au titre de la dette locative ;
La solidarité du colocataire qui a donné congé s'éteint au plus tard à l’expiration d’un délai de six mois après la date d’effet du congé ; ne peuvent être mis à la charge du colocataire qui a donné congé la réparation de dégradations dont il n’est pas constaté qu’elles sont survenues avant la fin de la période de solidarité.
Faits et procédure. Le bailleur donne à bail à des concubins, copreneurs solidaires, une maison d'habitation. La preneuse donne congé à effet au 29 avril 2015. Le 4 janvier 2016, le preneur libère les lieux et un état des lieux de sortie est établi.
Le bailleur assigne les preneurs en paiement d’un arriéré de loyers et de charges, et de réparations locatives.
Par un arrêt du 2 juillet 2019, la cour d’appel de Montpellier condamne la preneuse à payer au preneur les sommes de 4 091,33 euros et de 2 739 euros (CA Montpellier, 2 juillet 2019, n° 17/03718 N° Lexbase : A4862ZHK).
La preneuse se pourvoit en cassation. L’arrêt apporte des précisions intéressantes à deux égards.
Pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation énonce clairement que « le dépôt de garantie a notamment pour objet de garantir le paiement du loyer ».
La solution est logique et découle des textes : selon l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : Z34730RM), le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ; et selon l’article 22 de cette même loi (N° Lexbase : Z06696MW), un dépôt de garantie peut être prévu par le contrat de location pour garantir l'exécution de ses obligations locatives par le locataire.
Or, comme le faisait remarquer le demandeur au pourvoi, l’obligation de payer le loyer figure au nombre des obligations locatives du locataire.
La Haute juridiction censure alors l’arrêt qui, pour condamner la preneuse à payer au bailleur une somme de 4 091,33 euros au titre d’un arriéré de loyers et charges, avait retenu que le dépôt de garantie n’avait pas vocation à couvrir des échéances de loyer.
Il faut néanmoins rappeler que le locataire ne peut, en tout état de cause, s’abstenir de régler les derniers loyers en décidant unilatéralement de les imputer sur le dépôt de garantie qui a vocation à lui être restitué, le loyer étant dû jusqu'à la date d'effet du congé (Cass. civ. 3, 5 octobre 1999, n° 98-10.162 N° Lexbase : A1614CN4).
Inversement, on rappellera que la Cour de cassation avait eu l’occasion de censurer le jugement ayant admis la déduction, du dépôt de garantie, d’une somme équivalant à un mois de loyer au titre de l’occupation postérieure, par le locataire, à l’expiration du bail (Cass. civ. 3, 28 septembre 2004, n° 03-14.870, F-D N° Lexbase : A4884DDA). Cette solution reste en parfaite cohérence avec celle énoncée par le présent arrêt en date du 8 avril 2021, puisque, le bail ayant expiré, il ne pouvait alors s’agir du paiement d’un loyer pouvant être couvert par le dépôt de garantie.
Selon l’article 8-1, VI, de la loi du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : Z34725RM), la solidarité d’un des colocataires prend fin à la date d’effet du congé régulièrement délivré et lorsqu'un nouveau colocataire figure au bail. À défaut, elle s'éteint au plus tard à l’expiration d’un délai de six mois après la date d’effet du congé.
Il en résulte que la solidarité prend fin pour les dettes nées à compter de cette date.
Pour condamner la preneuse à payer une somme de 2 739 euros au titre de la régularisation des charges et de réparations locatives, l’arrêt de la cour d’appel retient que cette somme correspond à un prorata, au 29 octobre 2015, du montant total de 3 553,03 euros arrêté au 4 janvier 2016, suffisamment justifié par un tableau récapitulatif de régularisation des charges et des devis des travaux de remise en état, et que l’état des lieux de sortie du 4 janvier 2016 en présence de son ex-compagnon justifie de la charge de remise en état des désordres correspondant aux devis produits.
Le demandeur au pourvoi faisait valoir que ne peuvent être mis à la charge du colocataire qui a donné congé la réparation de dégradations dont il n’est pas constaté qu’elles sont survenues avant la fin de la période de solidarité.
L’argument est accueilli par la Haute juridiction qui relève que la créance du bailleur au titre de la remise en état des lieux était née après l'expiration de l’obligation solidaire.
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