Le Quotidien du 15 avril 2021 : Procédure pénale

[Textes] Observations sur la loi n° 2021-401, du 8 avril 2021, améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale

Réf. : Loi n° 2021-401, du 8 avril 2021, améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale (N° Lexbase : L9831L3I)

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[Textes] Observations sur la loi n° 2021-401, du 8 avril 2021, améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/66926339-0
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par Sarah-Marie Cabon, Maître de conférences en Droit privé et sciences criminelles, REP Licence Droit, Responsable du D.U. Criminologie, Université de la Polynésie française

le 28 Avril 2021


Mots-clés : alternatives aux poursuites • composition • validation judiciaire • SPIP • amende forfaitaire

Moins de quatre ans après la suppression des juges de proximité, la référence de la loi n° 2021-406 du 8 avril 2021 à la « justice de proximité » peut étonner. Néanmoins, la lecture des dispositions contenues au sein du texte ne suscite pas de surprise.

Dans la continuité d’une circulaire et d’un décret datant de décembre 2020 [1], cette nouvelle loi met l’accent sur une accélération de la réponse pénale au service de la « justice du quotidien » et la simplification du traitement de la délinquance « de basse intensité [2] ».


 

Les modifications apportées à la procédure pénale s’articulent pour l’essentiel autour de quatre chapitres, le cinquième étant la traduction du principe de spécialité législative applicable outre-mer [3].

Quatre chapitres donc mais deux axes principaux décrits aux chapitres 1 et 2. D’une part, l’élargissement du champ des mesures pouvant être prononcées au stade des alternatives aux poursuites et lors d’une composition pénale, d’autre part, la simplification du recours et de l’exécution des travaux d’intérêt général (TIG). Le chapitre 3 étend quant à lui le dispositif de l’amende forfaitaire minorée aux contraventions de cinquième classe tandis que le chapitre 4 énonce divers correctifs à la procédure applicable en appel ou lors d’un pourvoi en cassation.

Pour l’essentiel, il n’est pas question de révolution mais de correctifs et d’ajouts procéduraux destinés à favoriser le recours aux mesures de troisième voie, à rationaliser le système répressif, le tout agrémenté de quelques innovations au profit des victimes.

I. Nouvelles alternatives aux poursuites et alternative au juge : les modifications apportées aux articles 41-1 et 41-2 du Code de procédure pénale

Alternatives aux poursuites. Afin d’apporter une réponse pénale rapide aux incivilités et délits du quotidien, l’article 1er de la loi du 8 avril 2021 ajoute à la liste des mesures alternatives aux poursuites énoncées à l’article 41-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0655L4Z).

D’une nature à la fois sanctionnatrice et réparatrice, et de manière semblable au régime de la composition pénale, ces nouvelles mesures permettent au procureur ou à son délégué de demander au délinquant de ne pas rencontrer la victime ou ses co-auteurs ou complices et de remettre en état les lieux ou les objets qu’il aurait dégradés [4]. La loi complète l’article 41-1, 3° en précisant qu’il peut désormais être proposé que la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction soit remise aux autorités compétentes ou à une personne morale à but non lucratif.

Innovation qu’il convient de saluer et qui prend place au 10° de l’article 41-1 du Code de procédure pénale, la loi prévoit également le versement d’une contribution citoyenne en faveur d’une association agréée d’aide aux victimes. Cette contribution ne pourra excéder le montant prévu à l’article 131-13, alinéa 1, du Code pénal (N° Lexbase : L0781G8G), soit 3 000 euros. Cette innovation va dans le sens des dispositions relatives à une amélioration de l’effectivité des droits des victimes contenues au sein de la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019 (N° Lexbase : L6740LPC). La contribution citoyenne constitue une forme de reconnaissance de l’action des associations de victimes et inscrit la réparation des conséquences de l’infraction dans une démarche pour la communauté. La question de la nature de cette mesure reste toutefois en suspend, tout comme celle de l’applicabilité concrète de cette peine d’amende qui ne dit pas son nom.

Enfin, traduction de la volonté de proximité dans les procédures de réparation, le texte place les maires au centre des réponses aux incivilités dans les communes. Ainsi, dans les cas prévus à l’article 44-1 du Code de procédure pénale, l’article 41-1, 11° donne aux magistrats du parquet la possibilité de demander au délinquant de répondre à une convocation du maire afin de conclure une transaction qui, le cas échéant, sera homologuée par le procureur.

Mesures de composition et dispense de validation judiciaire. Concernant la composition pénale, trois modifications sont apportées par la loi du 8 avril 2021.

Premièrement, est inséré au titre des mesures de composition un stage de responsabilité parentale [5]. Déjà existante depuis la loi « Perben II » [6] dans le cadre des alternatives aux poursuites, il paraissait logique que cette mesure fasse partie de celles pouvant être proposées au stade de la composition pénale.

Deuxièmement, dans la lignée de l’augmentation de la durée des TIG issue de la loi du 23 mars 2019 [7], le nombre d’heures pouvant être accomplies dans le cadre d’un travail non rémunéré (TNR) passe de 60 à 100. Ce relèvement du plafond des heures de TNR s’accompagne, sur amendement du Sénat, de la possibilité pour les personnes en cause d’être affiliées à la branche accidents du travail et maladie professionnelle, disposition qui vient crédibiliser et améliorer le caractère pédagogique de cette mesure.

Troisième et dernière (pour l’heure) modification apportée à l’article 41-2 du Code de procédure pénale, l’exigence de validation par le magistrat du siège est supprimée pour les compositions conclues en matière contraventionnelle. Supprimée depuis la réforme du 23 mars 2019 dans le cas d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à 3 ans [8], il paraissait a fortiori cohérent que cette dispense du juge puisse être applicable au domaine contraventionnel.

En dépit de cette logique – et alors même que la réforme visant à garantir l’indépendance statutaire des magistrats du parquet se fait toujours attendre – force est de constater que loi du 8 avril 2021 étend encore un peu plus la panoplie des outils dont dispose le procureur et ses délégués et poursuit l’entreprise de déjudiciarisation des procédures.

II. Transfert de compétence du juge de l’application des peines au directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation

Dans sa nouvelle rédaction issue du texte publié au Journal officiel le 9 avril 2021, l’article 131-22 du Code pénal (N° Lexbase : L7583LPK) opère un transfert des compétences du juge de l’application des peines (JAP) au profit d’un accroissement des pouvoirs du directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Avancée comme permettant d’accélérer le délai d’exécution des TIG, cette disposition implique désormais que la décision de fixer les conditions d’exécution d’un TIG sera prise directement par le directeur du SPIP, sauf dans le cas où le JAP décide d’exercer cette compétence. Dictée, semble-t-il, par la pratique, cette forme de déjudiciarisation « optionnelle » s’accompagne de la volonté d’accélérer l’exécution des TIG via la suppression de l’obligation qui incombe actuellement au condamné de se soumettre systématiquement à un examen médical préalable à l'exécution de la peine de TIG [9]. Cet examen ayant notamment pour but de rechercher si ce dernier n'est pas atteint d'une affection dangereuse pour lui ou les autres travailleurs, la visite médicale reste néanmoins à effectuer si cela est justifié par des caractéristiques propres au condamné ou bien en raison de la nature des travaux proposés. Eu égard au recul de l’intervention du JAP, ce maintien doit être salué, la rationalisation de l’exécution des peines de TIG ne devant pas se faire au détriment de la garantie des droits du condamné.

III. Extension du champ d’application de l’amende forfaitaire minorée aux contraventions de la 5e classe

Là encore, le texte promulgué le 8 avril 2021 illustre un ajustement procédural qui fait suite aux dispositions créées par la loi du 23 mars 2019. Applicable à l’ensemble du champ des amendes forfaitaires délictuelles – étendu par la réforme à plusieurs délits du Code de la santé publique [10], du Code pénal [11], du Code de la construction et de l’habitation [12] et du Code des transports [13] – le dispositif de la minoration ne concernait en revanche que les contraventions prévues à l’article 529-7 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2485LBN) [14].

Aussi, dans sa rédaction issue de la nouvelle loi, l’article 529-2-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0610L4D) permet la généralisation du mécanisme de l’amende forfaitaire minorée aux contraventions de cinquième classe et laisse également la possibilité au pouvoir règlementaire d’appliquer la minoration aux autres classes de contraventions.

La logique d’accélération du recouvrement de l’amende par l’incitation financière concerne donc maintenant, et de manière plus censée que pour les délits précités, l’ensemble de la matière contraventionnelle.

IV. Correctifs à la procédure applicable en appel ou lors d’un pourvoi en cassation

Inspirés par le rapport de la Cour de cassation pour l’année 2019, les modifications apportées par le texte de loi sont d’ordre purement technique et tendent à simplifier les règles applicables au désistement de l’accusé ayant fait appel d’une décision rendue par la cour d’assises. L’article 380-11 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0609L4C) dispose désormais qu’au même titre que le président de la Chambre criminelle de la Cour de cassation ou le président de la cour d’assises, le premier président de la cour d’appel peut également constater le désistement, ce que l’ancienne rédaction ne permettait pas [15].

Accélération, déjudiciarisation, simplification… la loi du 8 avril 2021 n’est pas porteuse de révolution mais ajoute quelques notes pour jouer la même partition.

 

[1] V. Circulaire ministérielle, n° JUST2034764C, du 15 décembre 2020, relative à la mise œuvre de la justice de proximité (N° Lexbase : L1790LZC) ; tableau des infractions en lien avec la justice de proximité et décret n° 2020-1640, du 21 décembre 2020, renforçant l’efficacité des procédures pénales et les droits des victimes (N° Lexbase : L2171LZG).

[2] V. l’exposé de la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale (n° 3941), publié sur le site de l’Assemblée nationale [en ligne].

[3] Énoncé à l’article 74 de la Constitution (N° Lexbase : L1344A9N), le principe de spécialité législative est un principe en vertu duquel les lois et règlements ne sont applicables dans les territoires concernés que sur mention expresse du texte en cause ou s’ils y ont été rendus applicables par un texte spécial. 

[4] C. proc. pén., art. 41-1, 8° et 9°.

[5] C. proc. pén., art. 41-2, 17° ter (N° Lexbase : L0658L47).

[6] Loi n° 2004-204, du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, art. 69 (N° Lexbase : C43417BE).

[7] C. pén., art. 131-8 (N° Lexbase : L7580LPG). La durée maximum de la peine de travail d’intérêt général a été portée de 280 heures à 400 heures.

[8] (…) et si la mesure prévue consiste en une amende d'un montant n'excédant pas 3 000 euros ou en la confiscation d'un objet dont la valeur n'excède pas ce montant. V. Loi n° 2019-22, du 23 mars 2019, op. cit., art. 59 (N° Lexbase : C43297BX).

[9] C. pén., art. 131-22.

[10] Délit d’offre ou de vente de boissons non autorisées (CSP, art. L. 3352-5 N° Lexbase : L7490LP4), usage de stupéfiants (CSP, art. L. 3421-1 N° Lexbase : L0676L4S), vente aux mineurs de boissons alcooliques (CSP, art. L. 3353-3 N° Lexbase : L9489LP7).

[11] Vente à la sauvette (C. pén., art. 446-1 N° Lexbase : L7487LPY).

[12] Occupation en réunion des halls et toits d’immeuble (CCH, art. L. 126-3 N° Lexbase : L7485LPW).

[13] Transport routier avec carte de conducteur non conforme (C. transp., art. L. 3315-5 N° Lexbase : L7486LPX).

[14] Soit les contraventions au Code de la route des deuxième à cinquième classes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, à l'exception de celles relatives au stationnement (C. proc. pén., art. 529-7).

[15] Soit les contraventions au Code de la route des deuxième à cinquième classe.

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