Le Quotidien du 8 mars 2021 : Baux commerciaux

[Brèves] Constitutionnalité des modalités de détermination de l'indemnité d'éviction en cas de non-renouvellement d'un bail commercial

Réf. : Cons. constit., décision n° 2020-887 QPC du 5 mars 2021 (N° Lexbase : A80334ID)

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N6697BYP

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[Brèves] Constitutionnalité des modalités de détermination de l'indemnité d'éviction en cas de non-renouvellement d'un bail commercial. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/65485401-breves-constitutionnalite-des-modalites-de-determination-de-lindemnite-deviction-en-cas-de-nonrenouv
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par Vincent Téchené

le 05 Mars 2021

► Les dispositions de l’article L. 145-14 du Code de commerce (N° Lexbase : L5742AII), relatives à la détermination de l’indemnité d’éviction en cas de non-renouvellement du bail, en ce qu’elle « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée selon les usages de la profession », ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété et ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

Dispositions contestées. L'article L. 145-14 du Code de commerce prévoit que l’indemnité d’éviction due par le bailleur au preneur en cas de non-renouvellement du bail « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ».

QPC. Selon la société requérante, ces dispositions contraindraient le bailleur, lorsqu'il refuse de renouveler un bail commercial, à payer au locataire une indemnité d'éviction qui pourrait atteindre un montant disproportionné. Ce caractère disproportionné résulterait, d'une part, de ce que cette indemnité comprendrait nécessairement la valeur marchande du fonds de commerce quel que soit le préjudice réellement subi par le locataire et, d'autre part, de ce que cette valeur ne serait pas plafonnée. Il en découlerait une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur ainsi qu'à la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre.

Selon la requérante toujours, ces dispositions institueraient, en outre, une double différence de traitement contraire au principe d'égalité devant la loi. D'une part, en prévoyant que la valeur marchande du fonds de commerce comprise dans l'indemnité d'éviction est déterminée suivant les usages de la profession, ces dispositions introduiraient une différence de traitement injustifiée entre les bailleurs de baux commerciaux selon la nature de l'activité qui est exercée dans leur immeuble. D'autre part, seuls les baux commerciaux donnent lieu au paiement d'une indemnité d'éviction en cas de refus de renouvellement du bail alors que les autres types de baux, en particulier les baux professionnels, ne donnent pas lieu à un tel paiement.

Enfin, la société requérante soutient que ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative faute de préciser suffisamment les règles de détermination de l'indemnité d'éviction.

La Cour de cassation a donc transmis au Conseil constitutionnel la question de la constitutionnalité de l’article L. 145-14 du Code de commerce (Cass. QPC, 10 décembre 2020, n° 20-40.059, FS-P+I N° Lexbase : A581539A ; S. Andjechaïri-Tribillac, Bail commercial et QPC : l’absence de plafonnement de l’indemnité d’éviction est-elle susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur ?, Lexbase Affaires, janvier 2021, n° 661 N° Lexbase : N6045BYK).

Décision. Le Conseil constitutionnel examine donc les deux griefs formulés. 

  • Sur l’atteinte au droit de propriété

Le Conseil constitutionnel relève que ces dispositions restreignent bien le droit du bailleur de disposer librement de son bien à l'expiration du bail et portent donc atteinte au droit de propriété.

Toutefois, il retient que le législateur a ainsi souhaité permettre au preneur la poursuite de son activité et éviter que la viabilité des entreprises commerciales et artisanales soit compromise. Il a de la sorte poursuivi un objectif d'intérêt général.

Par ailleurs, le Conseil relève qu’il résulte du premier alinéa de l'article L. 145-14 du Code de commerce que l'indemnité due au locataire évincé est égale au préjudice que lui cause le non-renouvellement de son bail. L'indemnité ne comprend donc que la part de la valeur marchande du fonds de commerce perdue par le locataire. D'autre part, il résulte de l'article L. 145-17 du même code (N° Lexbase : L5745AIM) que l'indemnité d'éviction n'est due que lorsque le locataire a effectivement exploité son fonds de commerce dans des conditions conformes au bail au cours des trois années ayant précédé sa date d'expiration.

Enfin, le bailleur conserve la possibilité de vendre son bien ou d'en percevoir un loyer.

Dès lors, le Conseil constitutionnel en conclut que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété au regard de l'objectif poursuivi.

  • Sur la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi

Pour les Sages de la rue Montpensier, en prévoyant que la valeur du fonds de commerce comprise dans l'indemnité d'éviction doit être déterminée en fonction des usages de la profession, les dispositions contestées se bornent à préciser les modalités d'évaluation du fonds de commerce et n'instituent aucune différence de traitement.

Par ailleurs, ils relèvent que les parties à un bail commercial sont dans une situation différente des parties à un contrat de location d'un local dans lequel n'est pas exploité un fonds de commerce. Dès lors, la différence de traitement qui résulte de ce que le législateur n'impose que pour un bail commercial le paiement d'une indemnité en cas de refus de renouvellement du bail, qui est en rapport avec l'objet de la loi, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi.

Ainsi, la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écartée.

Constitutionnalité. Il en résulte pour le Conseil constitutionnel, que les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et ne méconnaissent pas non plus la liberté contractuelle ou la liberté d'entreprendre, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le droit du locataire à l'indemnité d'éviction en cas de non-renouvellement, L'indemnité d'éviction - généralitésin Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase (N° Lexbase : E5198AEA).

 

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