Le Quotidien du 3 mars 2021 : Assurances

[Brèves] Garantie pertes d’exploitation des restaurateurs et Covid-19 : la cour d'appel d'Aix-en-Provence retient l’inopposabilité de la clause d’exclusion de garantie !

Réf. : CA Aix-en-Provence, 25 février 2021, n° 20/10357 (N° Lexbase : A21574IQ)

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[Brèves] Garantie pertes d’exploitation des restaurateurs et Covid-19 : la cour d'appel d'Aix-en-Provence retient l’inopposabilité de la clause d’exclusion de garantie !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/65480836-breves-garantie-pertes-dexploitation-des-restaurateurs-et-covid19-la-cour-dappel-daixenprovence-reti
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 03 Mars 2021

► La cour d’appel d’Aix-en-Provence aura été la première cour à se prononcer, en appel, dans le cadre du contentieux opposant AXA à de nombreux restaurateurs réclamant la prise en charge des « pertes d’exploitation » subies du fait de la fermeture administrative imposée durant la crise sanitaire, dans le cadre de leur contrat d’assurance multirisques professionnelles, au titre de la « garantie perte d’exploitation en cas de fermeture administrative à la suite d’une épidémie » telle que prévue par le contrat ;
la cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé, à son tour, à l’instar d’un certain nombre de tribunaux, que doit être déclarée inopposable la clause excluant une telle garantie « lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

  • Rappel des principes

Les conseillers aixois rappellent qu’en application de l’article 1170 du Code civil (N° Lexbase : L0876KZH), dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016 : « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite », et qu’en outre, en vertu de l’article 1171, alinéa premier, du même code (N° Lexbase : L1981LKL), dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016, « Dans un contrat d’adhésion toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite ». Par ailleurs, l’article L. 113-1, alinéa premier, du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH) énonce que : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». Enfin, lorsqu’il s’agit d’interpréter un contrat, dans le doute, il convient de privilégier l’interprétation favorable au débiteur, et, lorsqu’une clause est susceptible deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun (C. civ., art. 1190 N° Lexbase : L0903KZH et 1191 N° Lexbase : L0902KZG).

Les juges rappellent, alors, qu’en matière d’assurance, l’assuré doit connaître l’étendue des garanties incluses dans le contrat d’assurance qu’il a souscrit et être en mesure de les comprendre, et qu’il a été jugé qu’il résulte de l’article L. 113-1 du Code des assurances que les clauses d’exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu’elles doivent être interprétées et qu’elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées (cf. tout récemment : Cass. civ. 2, 26 novembre 2020, n° 19-16.435, F-P+B+I N° Lexbase : A173538R).

  • Analyse, au cas d’espèce, des conditions particulières du contrat d’assurance multirisque

Selon la cour, il résultait des différentes pièces produites par les parties que si une épidémie peut être définie comme étant le résultat du développement et de la propagation rapide d’une maladie contagieuse dans une population, cette population peut être celle d’un lieu limité, mais aussi d’un village, d’une ville, d’une région, d’un ou de plusieurs pays. Pour la garantie souscrite par la société auprès de la compagnie AXA, aucune distinction n’est opérée quant à la population visée, aucune définition des termes maladie contagieuse et épidémie ne figure au contrat.

La cour en déduit que l’obligation essentielle de l’assureur était donc celle d’indemniser son assuré des pertes d’exploitation subies à la suite de fermeture administrative en raison d’une épidémie. Or, en l’espèce, c’est bien à la suite de plusieurs décisions administratives interdisant aux restaurateurs de recevoir du public en raison de l’épidémie de coronavirus, dit Covid 19, et donc de la fermeture administrative en résultant, que l’assuré a subi des pertes d’exploitation dont il demande l’indemnisation.

C’est alors que l’assureur déniait toute garantie en invoquant la clause d’exclusion suivante : « Sont exclues les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

Mais, selon la cour d’appel, l’exclusion ainsi définie n’est nullement limitée puisqu’elle vise :

- tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité ;
- faisant l’objet d’une fermeture administrative pour une cause identique ;
- sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d’un village ou d’une ville.

L’application pure et simple de cette clause d’exclusion aboutirait donc à ne pas garantir l’assuré des pertes d’exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie.

La cour d'appel estime que c’est donc avec raison que les premiers juges ont estimé que la clause d’exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l’article L. 113-1 du Code des assurances et qu’elle devait être réputée non écrite. 

Pour aller plus loin :

  • cf. V. Moralès, La garantie pertes d’exploitation des restaurateurs en temps de Covid-19 : tour de table des premières décisions !, Lexbase Droit privé, octobre 2020, n° 840 (N° Lexbase : N4918BYS) ;
  • cf. M-S. Baud, Épidémie, pertes d’exploitation et contrats d’assurance : une équation à plusieurs inconnues, Lexbase, Droit privé, décembre 2020, n° 847 (N° Lexbase : N5668BYL).

Pour un récapitulatif des précédentes décisions des tribunaux de commerce :

 

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