Le Quotidien du 2 mars 2021 : Justice

[A la une] Affaire dite « des écoutes Paul Bismuth » : les « amis » Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog et Gilbert Azibert lourdement condamnés

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[A la une] Affaire dite « des écoutes Paul Bismuth » : les « amis » Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog et Gilbert Azibert lourdement condamnés. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/65478260-alauneaffaireditedesecoutespaulbismuthlesamisnicolassarkozythierryherzogetgilbertaz
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par Vincent Vantighem, Grand Reporter à 20 Minutes

le 30 Mai 2023

Lâchées en décembre, au cœur de l’audience, les deux petites phrases étaient quasiment passées inaperçues. La première avait été prononcée par Thierry Herzog. « Gilbert Azibert, c’est d’abord un ami avant d’être un magistrat... », disait-il alors de son coprévenu. La seconde émanait de Nicolas Sarkozy à l’endroit de son conseil historique. « Thierry Herzog, ce n’est pas mon avocat. Ce n’est pas mon ami. C’est quelqu’un de ma famille. Je lui parle tous les jours... ».

C’est en raison de ces « liens très étroits d’amitié » que la 32ème chambre du tribunal judiciaire de Paris a décidé, lundi 1er mars, de condamner à de lourdes peines les trois hommes pour des faits de « corruption » et de « trafic d’influence » dans le cadre de l’examen du dossier dit des « écoutes de Paul Bismuth ». À tous, la même peine : trois ans de prison, dont deux années assorties d’un sursis simple. À Thierry Herzog, la peine complémentaire de cinq ans d’interdiction d’exercer la profession d’avocat. Lui qui avait justement reçu le soutien quasi unanime de tous ses confrères, scandalisés qu’un avocat ait pu être placé sur écoutes. Le voilà reconnu coupable d’avoir « dressé un pont entre deux amitiés dans son intérêt et celui de [Nicolas Sarkozy] en s’affranchissant de ses obligations déontologiques et au mépris de la justice », selon les termes du jugement que Lexbase a pu consulter.

« Relations »... « Liens »… « Amitiés »… Les mots se sont bousculés dans la bouche de Christine Mée, la présidente de la 32ème chambre, avant qu’elle ne prononce les peines et ne plonge ainsi le prétoire dans un profond silence. Car c’est là qu’elle et ses deux assesseurs ont puisé le fondement de leur décision. « La preuve du pacte de corruption ressort d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants résultant des liens très étroits d’amitié noués entre les protagonistes, des relations d’affaires renforçant ces liens […] et des écoutes téléphoniques », a-t-elle ainsi expliqué peu avant 14 heures 30.

Les trois prévenus font appel du jugement

Quelques minutes plus tard : sourire crispé et grandes enjambées, Nicolas Sarkozy, 66 ans, quittait la salle d’audience sans un mot. Jacqueline Laffont, son avocate, rembarrait gentiment tous les journalistes qui se pressaient vers elle pour obtenir une réaction. Mais deux heures plus tard, depuis son cabinet où elle avait pris le temps de lire les six pages de motivation du jugement, elle annonçait finalement que son client voulait faire appel de sa condamnation. « Il n’y a pas le moindre début d’une démonstration, assénait-elle alors. Dire qu’il y a un pacte de corruption, c’est une affirmation sans preuve. »

Sur la même ligne, Gilbert Azibert et Thierry Herzog expliquaient également qu’ils allaient former appel du jugement. Où l’on discutera encore et encore de ce deal supposé : Nicolas Sarkozy aurait sollicité Gilbert Azibert pour obtenir des informations sur la procédure « Bettencourt » en cours devant la Cour de cassation. En échange, il lui aurait promis d’intercéder pour qu’il obtienne un poste prestigieux à Monaco. Et Thierry Herzog aurait joué le rôle d’intermédiaire.

Peu importe finalement que la décision de la Cour de cassation ait été défavorable à l’ancien chef de l’État. Peu importe que Gilbert Azibert n’ait finalement pas candidaté pour le poste à Monaco. Le seul fait que Nicolas Sarkozy ait tenté de se renseigner sur la procédure a permis « à une stratégie d’influence de se mettre en place, ce qui n’est pas sans conséquence », a estimé le tribunal.

Avant le procès en appel « Bismuth », l’audience « Bygmalion » 

Bien évidemment, rien n’aurait été possible si Gilbert Azibert n’avait pas été l’un des magistrats de la plus haute juridiction de France à l’époque. Si Thierry Herzog n’avait pas été un avocat réputé. Et si Nicolas Sarkozy n’était pas un ancien président de la République convaincu qu’il pourrait refaire une pige de cinq ans à l’Élysée.

Et c’est évidemment en raison du statut particulier des trois prévenus que les peines prononcées ont été aussi lourdes, quoiqu’en deçà de celles requises par le parquet national financier (quatre ans de prison, dont deux ans avec sursis) et qui doit être bien soulagé aujourd’hui. « En instillant l’idée selon laquelle les procédures devant la Cour de cassation peuvent faire l’objet d’arrangements occultes destinés à satisfaire des intérêts privés, les délits ont porté gravement atteinte à la confiance publique », a ainsi asséné Christine Mée. Avant de justifier que ce « dévoiement portant atteinte à l’État de droit et à la sécurité juridique [exigeait] une réponse pénale ferme ».

Une « réponse pénale ferme ». Soit trois années de prison, dont deux assorties du sursis simple. Annonçant cela comme on lâche une enclume sur un parquet, la magistrate, qui a relaxé Bernard Tapie et condamné Ziad Takieddine par le passé, s’est empressée de préciser que la partie ferme de la peine de Nicolas Sarkozy pourrait être aménagée « sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique eu égard à sa situation actuelle » (pour en savoir plus sur cet aménagement de peine, v. Y. Carpentier, La détention à domicile sous surveillance électronique N° Lexbase : E99693RN, Droit pénal général, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase).

La question ne se pose plus vu qu’il compte former un appel ce qui suspend le jugement de fait. Il y aura donc un nouveau procès où l’on reparlera « de Paul Bismuth ». Mais avant ça, Nicolas Sarkozy sait qu’il va devoir faire face à une nouvelle épreuve judiciaire dans la même enceinte. Celle-ci porte le nom de « Bygmalion » et elle débutera le 17 mars pour une durée d’un mois.

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