Réf. : Cass. civ. 2, 14 janvier 2021, n° 19-20.316, FS-P+R+I (N° Lexbase : A22954CY)
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N6106BYS
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par Alexandra Martinez-Ohayon
le 21 Janvier 2021
► Deux principes relatifs aux causes interruptives du délai de prescription sont à retenir de l’arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ; le premier, selon lequel la requête en vue de l’obtention d’une mesure in futurum n’interrompt pas le délai de prescription de l’action au fond ; le second, selon lequel la demande en référé en mainlevée du séquestre des documents recueillis et conservés par l’huissier de justice ordonné sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49), interrompt quant à elle le délai de prescription de l’action au fond du fait qu’elle est virtuellement comprise dans l’action visant à l’obtention de la mesure in futurum.
Faits et procédure. Dans cette affaire, le président du tribunal de commerce a été saisi le 22 octobre 2010 d’une requête sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile par une société se plaignant de faits de concurrence déloyale. La requête a été accueillie et un huissier de justice a été désigné par ordonnance, aux fins d’effectuer des investigations dans les locaux des deux sociétés défenderesses.
Le 8 février 2011, la société requérante a assigné en référé les défenderesses, sur le même fondement, devant le président de la même juridiction, en vue de voir ordonner la mainlevée du séquestre des documents recueillis et conservés par l’huissier de justice conformément à l’ordonnance. La mainlevée a été ordonnée par un arrêt rendu le 16 novembre 2011 (CA Paris, 16 novembre 2011, n° 11/05787 N° Lexbase : A6344H3D).
Le 25 juin 2014, la demanderesse a assigné les sociétés défenderesses devant le tribunal de commerce aux fins de les voir condamner solidairement à l’indemniser. Les défenderesses ont opposé la prescription de l’action depuis le 18 juin 2013, pour la rupture des relations commerciales, et depuis le 7 septembre 2013, pour les faits de concurrence déloyale.
Le pourvoi. La demanderesse fait grief à l’arrêt (CA Paris, 10 avril 2019, n° 16/07328 N° Lexbase : A8266Y8N) d’avoir infirmé le jugement entrepris, en déclarant prescrite son action, et en la déboutant de toutes ses demandes.
Dans un premier temps, l’intéressée invoque la violation de l’article 2241 du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9), faisant grief à la cour d’appel d’avoir ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas et d’avoir entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard du même article. Elle énonce que toute demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, et que le délai de prescription avait été de nouveau interrompu par la signification de la requête.
Réponse de la Cour. Après avoir énoncé le premier principe précité et indiqué que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et de forclusion selon les dispositions de l’article 2241, alinéa 1 ,du Code civil, la Cour de cassation, énonce que la requête reposant sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, introduisant une procédure non contradictoire, ne constitue pas une demande en justice au sens de l’article énoncé. La cour d’appel a donc exactement déduit que la requête en vue d’obtenir une mesure in futurum n’avait pas interrompu le délai de prescription de l’action au fond.
Dans un second temps, l’intéressée énonce « qu’en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ». En l’espèce, après avoir retenu que le délai de prescription avait commencé à courir le 18 juin 2008, l'arrêt retient que l’assignation en responsabilité, et l’action en mainlevée n’avaient pas le même « objet ». Les juges d’appel, pour déclarer prescrite l’action avaient rejeté l’argument selon lequel la saisine du juge des référés, dont la finalité était la levée du séquestre avait interrompu la prescription. Ils ont énoncé que la demande au sens de l’article 2241 du Code civil, concerne exclusivement la prescription du droit qui en est l’objet, qui en l’espèce était relatif à l’exécution déloyale du contrat.
Réponse de la Cour. Le raisonnement est censuré par la Cour de cassation qui, après avoir énoncé la seconde solution précitée au visa de l’article 2241 du Code civil, selon lequel par principe l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre ; il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.
Solution. La Cour suprême, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt d’appel.
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