Réf. : Cass. civ. 1, 13 janvier 2021, n° 19-22.721, F-P+I (N° Lexbase : A07194CM)
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par Marie Le Guerroué
le 20 Janvier 2021
► Le constat du retour de l’étranger sur le territoire français après l’exécution effective d’une mesure de transfert suffit à caractériser un « risque non négligeable de fuite » au sens de l’article L. 551-1, II, du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (N° Lexbase : L2116LMC).
Procédure. Un afghan, entré irrégulièrement en France, avait déposé une demande d’asile le 14 février 2019. La consultation du fichier Eurodac avait mis en évidence qu’il avait précédemment introduit une demande de protection internationale en Allemagne. Après avoir été remis aux autorités allemandes le 23 mai, il était revenu sur le sol français et avait déposé une nouvelle demande d’asile le 13 juin. Le 12 juillet, le préfet lui avait notifié deux arrêtés, l’un portant remise aux autorités allemandes, l’autre placement en rétention. Le juge des libertés et de la détention avait été saisi, par l’étranger, d’une requête en contestation de la régularité de la décision et par le préfet, d’une demande en prolongation de la mesure. Le préfet du Bas-Rhin fait grief à l’ordonnance d’annuler la décision ayant placé le défendeur en rétention et de décider la remise en liberté de celui-ci, alors « que le risque non négligeable de fuite est caractérisé, aux termes de l’article L. 551-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, si l’étranger est de nouveau présent sur le territoire français après l’exécution effective d’une mesure de transfert ; qu’en retenant que [l'intéressé], quand ils constataient que ce dernier, après avoir été remis aux autorités allemandes, était revenu irrégulièrement sur le territoire français, le magistrat délégataire du premier président a violé l’article L. 551-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
Réponse de la Cour. Selon l’article L. 551-1, II, du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’étranger qui fait l’objet d’une décision de transfert vers un autre Etat, responsable de l’examen de sa demande d’asile, ne peut être placé en rétention que pour prévenir un risque non négligeable de fuite, et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionné et si les conditions d’une assignation à résidence ne sont pas remplies. Le risque non négligeable de fuite peut, sauf circonstance particulière, être regardé comme établi notamment si l’étranger est de nouveau présent sur le territoire français après l’exécution effective d’une mesure de transfert. Pour annuler la décision ayant placé l’intéressé en rétention et ordonner sa remise en liberté, l’ordonnance retenait que celui-ci n’avait jamais fait obstacle à une mesure d’éloignement, qu’une précédente décision de remise aux autorités allemandes avait pu être exécutée et que l’intéressé avait répondu à la convocation de la préfecture du Bas-Rhin. Mais pour la Cour, en statuant ainsi, alors qu’il avait constaté que l’intéressé, était de nouveau présent sur le territoire français après exécution effective d’une mesure de transfert vers l’Allemagne, le premier président, qui n’a fait état d’aucune circonstance particulière, a violé le texte susvisé.
Moyen. Le préfet du Bas-Rhin faisait le même grief à l’ordonnance, alors « que le placement en rétention est justifié lorsque les dispositions relatives à l’assignation à résidence ne peuvent être appliquées ; que dans le cadre de son appel, [l’intéressé] ne faisait pas état d’une résidence en France ; qu’en s’abstenant de viser l’existence d’une pièce, établissant l’existence de cette résidence et soumise au débat contradictoire, le magistrat délégataire du premier président a violé l’article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6565H7B) ».
Réponse de la Cour. Selon l’article 455 du Code de procédure civile, tout jugement doit être motivé. Pour statuer comme elle le fait, l’ordonnance se borne à énoncer que l’intéressé dispose manifestement d’une adresse en France où il peut être joint. En se déterminant ainsi, sans mentionner les éléments de preuve sur lesquels il fondait sa décision, le premier président n’a pas, selon la Haute juridiction, satisfait aux exigences du texte précité.
Cassation. La Cour censure par conséquent l’ordonnance litigieuse rendue le 16 juillet 2019 par le premier président de la cour d’appel de Colmar.
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