Réf. : Cass. crim., 8 décembre 2020, n° 19-84.245, FS-P+B+I (N° Lexbase : A584439C)
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par Yann Le Foll
le 28 Décembre 2020
► La remise en état des lieux après démolition de l’ouvrage illégalement édifié peut être ordonnée cumulativement au titre de l’action publique et au titre de l’action civile (Cass. crim., 8 décembre 2020, n° 19-84.245, FS-P+B+I N° Lexbase : A584439C).
Faits. Entre 2005 et 2014, plusieurs procès-verbaux d’infractions ont été dressés en raison de nombreux travaux effectués sur un domaine situé à Grasse, ayant abouti à la réalisation d’un ensemble commercial destiné à l’organisation de grandes réceptions, situé en zone NA du plan d’occupation des sols de la commune n’autorisant que l’extension et l’aménagement des constructions existantes ainsi que l’extension des constructions liées à une exploitation agricole. Deux entreprises et un particulier ont été poursuivis pour exécution de travaux sans permis de construire, violation du plan local d’urbanisme ou du plan d’occupation des sols, poursuite de travaux malgré plusieurs arrêtés interruptifs de travaux.
Première instance. Les juges du premier degré ont déclaré les prévenus coupables, dit que le permis de construire obtenu le 18 juillet 2006 était frauduleux, que la fraude a entaché l’ensemble du projet, les a condamnés à payer diverses amendes et a ordonné la démolition de l’ensemble des ouvrages sous astreinte. Le tribunal a reçu les constitutions de partie civile et a condamné les prévenus à leur payer des dommages et intérêts. Toutes les parties et le ministère public ont formé appel.
Décision – permis de construire. En faisant état dans sa demande de permis d’une superficie existante, dont une partie avait été édifiée par lui sans la moindre autorisation et de façon tout à fait irrégulière pour obtenir une autorisation d’extension dans la proportion de celle qui lui a été accordée, le pétitionnaire a usé de moyens frauduleux afin de tromper les services de l’urbanisme de la commune et d’une façon générale l’administration.
Décision – démolition. Pour écarter le grief tiré de ce que la démolition ordonnée porterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété et au droit de mener une vie familiale normale au regard de l’impératif d’intérêt général , l’arrêt attaqué (CA Aix-en-Provence, 25 mars 2019) retient à bon droit que le demandeur ne saurait invoquer le préjudice considérable que lui causerait la remise en état des lieux dans leur état antérieur au prétexte de l’ampleur de son investissement dans cet ensemble immobilier de prestige, dès lors qu’il a manifestement fait le choix d’enfreindre, pour parvenir à sa réalisation, la réglementation applicable et de s’affranchir des autorisations d’urbanisme nécessaires en la matière.
En outre, pour ordonner la remise en état des lieux sous astreinte, les juges d’appel retiennent que les travaux sont irréguliers et ne peuvent être régularisés par les permis de 2006 et de 2008 qui, entachés de fraude, sont nuls et de nul effet et ne sont pas régularisables au regard du règlement d’urbanisme applicable. En effet, un permis obtenu frauduleusement est inexistant et exclut toute application de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0039LNR), lequel limite les hypothèses dans lesquelles une construction illégale doit être démolie (voir Cass. civ. 3, 21 mars 2019, n° 18-13.288, FS-P+B+I N° Lexbase : A5068Y4H).
Décision - demandes de remise en état au titre des réparations civiles. Pour rejeter la demande de remise en état formée au titre de l’action civile, l’arrêt relève qu’il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande dès lors que la mesure a déjà été prononcée sur l’action publique. Or, en premier lieu aucune disposition du Code de l’urbanisme ne s’oppose à ce que la remise en état soit ordonnée cumulativement au titre de l’action publique et au titre de l’action civile. En outre, la demande de remise en état n’était pas sollicitée à titre de mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite, mais à titre de réparation du préjudice subi par les parties civiles dans les motifs de leurs conclusions d’appel.
En statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision et la cassation de son arrêt est encourue sur ce point.
Pour aller plus loin : L'action pénale du contentieux répressif de l'urbanisme : les pouvoirs des juridictions - la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, in Droit de l’urbanisme (N° Lexbase : E4950E7H). |
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