Le Quotidien du 11 décembre 2020 : Droit international privé

[Brèves] Exequatur d’un jugement de divorce étranger et respect de l’ordre public international français : précisions intéressantes

Réf. : Cass. civ. 1, 2 décembre 2020, n° 18-20.691, FS-P (N° Lexbase : A9547384)

Lecture: 6 min

N5692BYH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Exequatur d’un jugement de divorce étranger et respect de l’ordre public international français : précisions intéressantes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/62278998-breves-i-exequatur-i-dun-jugement-de-divorce-etranger-et-respect-de-lordre-public-international-fran
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

le 10 Décembre 2020

► Une décision rendue par une juridiction étrangère qui, par application de sa loi nationale, refuse de donner effet à un contrat de mariage reçu en France, n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français de fond et ne peut être écartée que si elle consacre de manière concrète, au cas d'espèce, une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels ;
► si le principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale relève de l'ordre public international français, la circonstance qu'une décision étrangère réserve à l'un des parents le soin de prendre seul certaines décisions relatives aux enfants, ne peut constituer un motif de non-reconnaissance qu'autant qu'elle heurte de manière concrète les principes essentiels du droit français.

Les faits. En l’espèce, un homme, de nationalité française, et une femme, de nationalité russe et américaine, s’étaient mariés à Paris le 28 mai 1991 sous le régime de la séparation de biens, suivant contrat de mariage reçu par notaire le 21 mai. Ils s’étaient installés aux Etats-Unis où étaient nés leurs deux enfants.

La mère avait, le 8 novembre 2001, saisi la Supreme Court de l'Etat de New York d'une requête en divorce. Par « Decision and Order » du 28 juin 2002, un premier juge avait rejeté la demande du père tendant à voir dire le contrat de mariage français valide et exécutoire et écarté l'application de ce contrat. Un deuxième juge avait ensuite rendu une « Trial Decision » le 3 octobre 2003, puis un « Judgement of Divorce » le 9 janvier 2004, lequel avait prononcé le divorce aux torts du mari, confié la garde des enfants mineurs à la mère, avec un droit de visite et d'hébergement au profit du père, en précisant que la mère devrait consulter le père sur toutes les décisions significatives concernant les enfants mais qu'elle aurait le pouvoir de décision finale, fixé les modalités de contribution du père à l'entretien et l'éducation des enfants, alloué à l'épouse une pension alimentaire mensuelle pendant sept ans et statué sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux. Sur ce dernier point, le jugement avait été partiellement réformé par une décision de la cour d'appel de l'Etat de New York du 3 mai 2005, qui avait notamment dit que l'intégralité du solde du produit de la vente de l'appartement new-yorkais devait revenir à l’ex-époux.

Par acte du 9 février 2005, l’ex-épouse avait saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande d'exequatur des décisions américaines des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 en leurs seules dispositions relatives aux pensions alimentaires.

A titre reconventionnel, l’ex-époux avait demandé que soit déclaré inopposable en France le jugement du 28 juin 2002 ; il faisait grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 3 avril 2018 (CA Paris, Pôle 1, 1ère ch., 3 avril 2018, n° 16/24795 N° Lexbase : A0118XKL) de déclarer ce jugement opposable, soutenant qu’il était contraire à l’ordre public international français, et ce sur trois points en particulier.

  • Procédure suivie à l’étranger/exigence d’impartialité du juge et ordre public international

Le requérant invoquait, d’abord, la contrariété l'ordre public international français, en ce que la procédure suivie à l'étranger violait les exigences de l'article 6, § 1, de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), notamment l'exigence d'impartialité du juge. Il n’obtiendra pas gain de cause devant la Cour suprême qui approuve la décision des juges d’appel en ce qu’elle faisait ressortir, d'une part, que l'appréciation portée par le juge sur les affirmations de l’ex-époux ne révélait aucun parti pris hostile, d'autre part, que les mesures prises étaient fondées sur des éléments objectifs tirés de la situation personnelle des parties, enfin, que l'exercice par le requérant des voies de recours ouvertes contre ces décisions lui avait permis de faire entendre sa cause devant une autre juridiction dont l'impartialité n'était pas discutée, ce qui était de nature à exclure toute atteinte à ses droits ; la cour d'appel en avait exactement déduit l'absence de violation de l'ordre public international de procédure.

  • Refus de donner effet à un contrat de mariage reçu en France et ordre public international

La contrariété à l’ordre public international français était ensuite soulevée en ce que le jugement étranger refusait de donner effet au contrat de mariage reçu en France ; le requérant soutenait qu’un jugement étranger qui écarté, sans aucune raison, un acte authentique français, reçu par un officier public français au nom de la République française était nécessairement contraire à l'ordre public international français.

L’argument est écarté par la Haute juridiction rétorquant qu’une décision rendue par une juridiction étrangère qui, par application de sa loi nationale, refuse de donner effet à un contrat de mariage reçu en France, n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français de fond et ne peut être écartée que si elle consacre de manière concrète, au cas d'espèce, une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, ainsi que l’avait valablement apprécié la cour d’appel.

  • Absence d’égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale et ordre public international

C’est enfin au regard du principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale, que le requérant invoquait l’absence de conformité à l'ordre public international français. Là encore, il n’obtiendra pas gain de cause. La Cour suprême énonce alors, comme énoncé plus haut, que si le principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale relève de l'ordre public international français, la circonstance qu'une décision étrangère réserve à l'un des parents le soin de prendre seul certaines décisions relatives aux enfants, ne peut constituer un motif de non-reconnaissance qu'autant qu'elle heurte de manière concrète les principes essentiels du droit français.

Tel n’était pas non plus le cas en l’espèce, ainsi qu’il ressortait des constatations et énonciations de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris qui, ayant avait fait ressortir que les mesures relatives aux enfants avaient été arrêtées par référence à leur intérêt supérieur et que les droits du père n'étaient pas méconnus, celui-ci devant, dans tous les cas, être consulté avant toute décision, avait exactement retenu que les décisions américaines, en l'absence de violation de l'ordre public international, devaient être reconnues dans l'ordre juridique français.

newsid:475692

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus