La lettre juridique n°477 du 15 mars 2012 : Fiscalité du patrimoine

[Le point sur...] Le Royaume-Uni, terre d'asile pour patrimoine français en danger ? - Comparatif de la fiscalité française et britannique

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[Le point sur...] Le Royaume-Uni, terre d'asile pour patrimoine français en danger ? - Comparatif de la fiscalité française et britannique. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/6081686-le-point-sur-le-royaume-uni-terre-d-asile-pour-patrimoine-francais-en-danger-comparatif-de-la-fisca
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par Simon Ginesty, Avocat au barreau des Hauts-de-Seine

le 27 Février 2013

Bien que le principe de sécurité juridique ait été solennellement reconnu par un arrêt du Conseil d'Etat du 24 mars 2006 (1), il semblerait que le législateur fasse fi de son application sur le plan fiscal. Plus grave, cette tendance aurait même la désagréable habitude de s'accentuer. Qu'on en juge plutôt : pas moins de six lois de finances ont été adoptées en treize mois, dont quatre lois de finances rectificatives pour la seule année 2011. En 2012, la première loi de finances rectificative a été adoptée, deux mois après l'entrée en vigueur de la loi de finances initiale.

A cela, d'aucuns nous répondront qu'il s'agit là ni plus ni moins que de la résultante d'un contexte économique et budgétaire extraordinaire, la dégradation de la notation financière de la France en étant la malheureuse illustration. Néanmoins, le praticien pourra, quant à lui, s'interroger sur la cohérence de ces mesures, certaines d'entre elles venant même défaire ce qui avait été mis en place quelques années, voire quelques mois plus tôt (2). L'élaboration d'une stratégie fiscale équivaut, dans ces conditions, à pratiquer l'art de la divination.

Toutefois, reconnaissons tout de même au législateur une constante parmi tous les textes fiscaux qui ont été adoptés récemment : la recherche d'une pression fiscale accrue sur les revenus du patrimoine. De fait, le contribuable aisé pourrait perdre rapidement le sourire qu'il avait retrouvé voici quelques années, au vu de la pluie de mauvaises nouvelles qui s'est abattue sur lui.

De ce point de vue, l'approche retenue par la France se différencie nettement de ses voisins où les législations fiscales en vigueur ne semblent pas souffrir de tels bouleversements. C'est, par exemple, le cas de l'Allemagne, à laquelle la France est souvent comparée, ou tout au moins, qui représente une source importante d'inspiration pour le législateur (3). C'est également le cas de la Grande-Bretagne, dont la physionomie générale est pourtant proche de notre pays (de par sa population, son industrie ou encore sa richesse nationale) mais qui, sans doute à tort, ne bénéficie pas de l'écho de notre voisin d'Outre-rhin. La Grande-Bretagne n'est pourtant pas épargnée par la crise économique, et le temps où les "golden boys" et autres seigneurs de la finance faisaient couler un flot continu de Sterlings sur la capitale apparaît aujourd'hui lointain (4). Pourtant, et malgré ce contexte économique difficile, la Grande-Bretagne continue d'être attractive, y compris pour les français (5).

De nombreux facteurs peuvent expliquer ce phénomène : la recherche d'une expérience étrangère, la proximité de la France, la langue, mais aussi peut être tout simplement la curiosité d'une autre culture.

La fiscalité en fait-elle partie ?
- Assurément non, si l'on se fie au taux marginal de l'impôt sur le revenu : 50 %, soit 9 points de plus que le taux français.
- Oui, si l'on en croit le nombre important de milliardaires venus poser leurs bagages dans le très chic quartier de Kensington.

Cet apparent antagonisme ne résiste pourtant pas à un examen plus approfondi de la législation locale. En effet, si la Grande-Bretagne s'avère, dans l'ensemble, loin d'être un paradis fiscal, il existe néanmoins quelques "niches" permettant à certains contribuables de s'exonérer, en tout ou partie, d'impôt sur le revenu.

L'actualité 2012 plaçant ce pays sous les feux des projecteurs (6), l'occasion nous est ainsi donnée de faire un rapide tour d'horizon de la fiscalité patrimoniale des deux cotés de la Manche et de (re)découvrir, face à la pression fiscale en vigueur en France, les charmes du parapluie britannique.

I - Une pression fiscale française accrue sur les revenus du capital

Après plusieurs années d'accalmie, voire de répit, la fiscalité patrimoniale se trouve aujourd'hui dans le collimateur du législateur. Symbole de ce retournement de tendance, le bouclier fiscal, qui soufflera cette année sa cinquième et dernière bougie. Sans entrer dans la liste des mesures adoptées, ce que Prévert n'aurait pas renié (7), voici un rapide tour d'horizon des principales réformes, étant souligné que les droits d'enregistrement frappant les transmissions (donations et successions) ont été, pour l'heure, remarquablement épargnés.

1 - Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus

Une contribution "exceptionnelle" (8) sur les hauts revenus a été adoptée par le législateur dans le cadre de la loi de finances pour 2012. Son montant a été fixé à :
- 3 % pour la fraction comprise entre 250 000 euros et 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés (ce montant est doublé pour les contribuables imposés communément) ;
- 4 % pour la fraction supérieure à 500 000 euros pour les célibataires et assimilés (ce montant est doublé pour les contribuables mariés).

Applicable aux revenus 2011, cette contribution ne constitue pas une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu puisqu'elle est assise sur le revenu fiscal de référence (CGI, article 1417, IV N° Lexbase : L5275IRS (9)). Ce dernier, beaucoup plus large, est calculé en tenant compte notamment des plus-values soumises à un taux proportionnel, mais aussi des sommes ou versements soumis au prélèvement libératoire, ou encore les revenus ou profits exonérés d'impôt sur le revenu.

Il est, par ailleurs, intéressant d'observer que l'application du quotient familial a été expressément exclue pour le calcul de cette contribution, seul un dispositif spécifique ayant été prévu pour lisser les revenus exceptionnels.

2 - Plafonnement global des avantages fiscaux

Le Gouvernement a également décidé une déduction supplémentaire de 15 % de l'avantage en impôt procuré pour les dispositifs de réductions ou crédits d'impôt compris dans le champ du plafonnement global (CGI, art. 200-0 A N° Lexbase : L5282IR3). Parallèlement, le plafonnement global de certains avantages fiscaux a été renforcé, le plafond étant désormais fixé à 18 000 euros et 4 % du revenu imposable (au lieu de 18 000 euros + 6 % pour 2011). Ce nouveau plafond concerne les avantages accordés pour des dépenses payées et des investissements réalisés à compter du 1er janvier 2012 ou des aides accordées à compter de cette date. Des mesures transitoires ont toutefois été prévues pour certains investissements (location meublée non-professionnelle, "Scellier" et investissement outre-mer, notamment).

3 - Prélèvements libératoires

Non content d'inclure les revenus soumis aux prélèvements libératoires au nouveau prélèvement exceptionnel, le législateur a également décidé de relever assez significativement les taux eux-mêmes. Ils sont désormais fixés à :
- 21 % pour les dividendes perçus par les résidents fiscaux français (soit, en incluant les prélèvements sociaux, un taux global de 34,5 % (10)).
- 30 % pour les dividendes perçus par les non-résidents (taux de droit commun (11)).
- 24 % pour les produits de placement à revenu fixe (soit 37,5 % avec les prélèvements sociaux)

4 - Plus-values

S'agissant des plus-values, là encore, le législateur a sensiblement modifié les règles du jeu, dans un sens très largement défavorable aux contribuables.

Pour les plus-values mobilières d'abord, puisque l'abattement pour durée de détention a été supprimé, ou tout du moins fortement remanié. Voici donc une mesure abandonnée avant même sa mise en oeuvre effective, puisque celle-ci était censée s'appliquer, sauf rares exceptions, à partir de 2012 (12). On rappellera simplement que cette mesure prévoyait l'application, aux gains nets de cession à titre onéreux de titres, d'un abattement d'un tiers par année de détention révolue au-delà de la cinquième (conduisant, mécaniquement, à une exonération totale au-delà de 8 ans).

En lieu et place, le Gouvernement a introduit un nouveau mécanisme de report/exonération des plus-values sous condition de remploi, dont le bénéfice est subordonné, entre autres, au respect des conditions suivantes :
- le cédant doit avoir détenu (directement, indirectement ou par l'intermédiaire de certains membres de sa famille) au moins 10 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres sont cédés, pendant les huit années précédant la cession ;
- il doit réinvestir au moins 80 % du montant des plus-values, dans un délai de 36 mois, dans la souscription au capital initial ou dans l'augmentation de capital d'une société exerçant une activité professionnelle, l'apport devant représenter au moins 5 % du capital de celle-ci ;
- il ne doit pas avoir été associé de cette société avant l'opération d'apport, ni y exercer de fonction de direction.
Après cinq ans de détention des titres ainsi acquis, et si l'ensemble des conditions demeurent satisfaites, la plus-value bénéficiant du sursis serait alors définitivement exonérée. Autrement dit, ce régime s'adressera à un nombre relativement restreint de contribuables.

Pour les plus-values immobilières ensuite, avec un allongement de l'exonération totale des plus-values réalisées, désormais portée à 30 ans au lieu de 15. Entrée en vigueur au 1er février 2012, cette mesure ne concerne que la cession d'une résidence autre que la résidence principale (une exonération est toutefois possible dans l'hypothèse où le contribuable réinvestit les sommes issues d'une cession d'un bien immobilier dans l'acquisition de sa résidence principale).

5 - ISF et bouclier fiscal

L'impôt de solidarité sur la fortune a subi un lifting important au printemps dernier. Applicable pour la première fois en 2012, cet impôt ne comporte plus que trois tranches d'imposition (au lieu de sept précédemment), à savoir :

- 0 % pour les patrimoines nets taxables compris entre 0 et 1 299 999 euros ;
- 0,25 % pour les patrimoines nets taxables compris entre 1 300 000 et 3 000 000 d'euros ;
- 0,50 % pour les patrimoines nets taxables supérieurs à 3 000 000 d'euros.

Par ailleurs, cette réforme s'accompagne d'une simplification bienvenue des obligations déclaratives pour les patrimoines inférieurs à 3 millions d'euros, puisque le contribuable sera invité à déclarer le montant de son patrimoine imposable au 1er janvier, directement sur sa déclaration des revenus, l'impôt correspondant étant recouvré par voie de rôle (le contribuable aura également la possibilité d'opter pour un prélèvement mensuel).

Contrepartie de cette mesure, le bouclier fiscal, qui avait fait son apparition en 2007, disparaît. L'année 2012 constituera donc la dernière année de remboursement pour les contribuables concernés.

6 - Exit tax

Si toutes ces mesures venaient à tenter un éventuel contribuable de quitter notre beau pays, le Gouvernement a parachevé son oeuvre par la création d'un ovni fiscal : l'"exit tax".

Introduit par la première loi de finances rectificative pour 2011 (article 48), l'article 167 bis du CGI (N° Lexbase : L5276IRT) prévoit une imposition des contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France à compter du 3 mars 2011, au titre des plus-values latentes sur certains titres, des créances de complément de prix et de certaines plus-values en report d'imposition. Applicable originellement aux personnes qui détenaient une participation d'au moins 1 % dans les bénéfices d'une société ou une participation dont la valeur excède 1,3 millions d'euros (prise isolément), le champ d'application de l'"exit tax" vient d'être étendu, s'agissant des transferts de domicile intervenus à compter du 30 décembre 2011, aux plus-values latentes afférentes :
- soit aux seuls titres représentant au moins 1 % des droits aux bénéfices sociaux de la société émettrice, lorsque la valeur de ces titres, cumulée avec celle des autres titres (hors SICAV) détenus par le foyer fiscal, n'excède pas 1,3 million d'euros ;
- soit à l'ensemble des titres (hors SICAV) détenus par le foyer fiscal, dès lors que leur valeur cumulée excède 1,3 million d'euros.

En comparaison, la Grande-Bretagne n'a pas connu de tels bouleversements. Ce pays s'apparenterait même à un territoire idéal pour tous les candidats à l'exode -volontaire ou forcé-, puisqu'en qualité de pays membre de l'Union Européenne, l'"exit tax" pourra faire l'objet d'un report d'imposition (laquelle se transformera en exonération définitive au bout de huit ans).

II - La Grande-Bretagne, "paradis fiscal" sous conditions

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Grande-Bretagne s'avère particulièrement accueillante pour les étrangers, plus encore lorsqu'il s'agit de contribuables très aisés ("high net worth individual"). A cela rien d'étonnant, le Royaume s'étant, en effet, doté d'une législation fiscale particulière, avec une distinction entre résidence "ordinaire" et "non-ordinaire", cette dernière pouvant s'avérer, nous le verrons, particulièrement attrayante.

1 - Territorialité : "to be or not to be", that is definitely the question

La question de la territorialité de l'impôt en Grande-Bretagne est d'importance. En effet, les conséquences fiscales qui s'attachent à chaque statut diffèrent grandement, d'où le soin à apporter à cette question, sous peine de grande désillusion.

A - Résidence

Dans l'attente d'une reforme d'envergure attendue pour l'année prochaine, les règles relatives à la résidence sont relativement complexes et disparates. Schématiquement, sont ainsi considérées comme résidents fiscaux :
- les personnes effectivement présentes au Royaume-Uni plus de 183 jours au cours d'une année d'imposition (13) ;
- celles qui y ont effectué des séjours réguliers d'au moins 91 jours en moyenne au cours de trois années fiscales consécutives ; la qualité de résident est alors acquise lors de la quatrième année.

Sauf exceptions, lorsque l'une de ces deux conditions est remplie, l'individu sera considéré comme résident, non pas durant la seule période où il était physiquement présent, mais durant la totalité de l'année d'imposition (soit du 6 avril au 5 avril de l'année suivante).

B - Résidence fiscale "ordinaire" et "non-ordinaire"

A côté de la résidence fiscale proprement dite, le Royaume-Uni distingue deux catégories de résidents : les "résidents ordinaires" ("resident and ordinary resident - R/OR") et les "résidents non-ordinaires" ("resident but not-ordinary resident - R/NOR").

A la différence de la notion précédente, ce concept s'attache un peu plus à l'intention du contribuable, plutôt que de simplement comptabiliser, de manière arithmétique, les jours passés sur le sol britannique. On se rapproche ici de la définition française de la résidence fiscale, où divers facteurs (tels que la famille, l'emploi,...) jouent un rôle prépondérant dans l'appréciation du domicile fiscal. Selon "Her Majesty's Revenue and Customs" (HMRC), équivalent de l'administration fiscale française, une personne physique est considérée comme "ordinary resident" si elle remplit l'une des conditions suivantes :
- à son arrivée en Grande-Bretagne, elle manifeste l'intention de s'installer durablement. L'idée est ici d'apprécier la volonté du contribuable de se "fixer", même pour une courte durée, sur le sol britannique ;
- ou bien si elle manifeste l'envie d'y habiter régulièrement pour une durée supérieure à trois ans.

C'est, en fait, la notion de séjour régulier ou durable qui prévaut pour décider de la qualité d'"ordinary resident". Ainsi, si une personne physique fait l'acquisition d'un bien immobilier, cela traduit, pour l'administration fiscale, la volonté d'un séjour durable au Royaume-Uni. Dès lors, la qualité d'"ordinary resident" sera acquise pour l'année fiscale où cet événement s'est produit. A défaut, cette qualité sera attribuée lors de la quatrième année fiscale qui suit son arrivée.

C - Notion de "domicile"

Le "domicile" est une notion générale de droit anglais, qui se différencie de toutes les autres notions indiquées précédemment (ce y compris de la notion de domicile telle que communément entendue dans le langage courant français).

Pour l'HMRC, il s'agit ni plus ni moins que de sonder les reins et les coeurs, avec une particularité toutefois : changer de domicile s'avère très difficile. Ainsi, "on peut dire qu'une personne considérée comme domiciliée au Royaume-Uni perd difficilement cette qualité. Par contre, une personne qui n'y est pas domiciliée l'acquiert difficilement" (14).

Ce domicile s'acquiert selon deux modes :
- par origine. Il s'agit normalement du domicile hérité de ses parents. Par ailleurs, et en cas de changement de domicile du parent avant l'âge de 16 ans, c'est ce nouveau pays qui constitue le domicile d'une personne physique ;
- par choix. Lorsqu'une personne physique a plus de 16 ans, elle a la possibilité de choisir son propre domicile. Il ne doit, bien sûr, pas s'agir d'un choix aléatoire ou temporaire, mais doit être, au contraire, la traduction d'un choix clair et délibéré de s'installer dans un nouveau pays, avec la ferme intention d'y résider jusqu'à la fin de ses jours.

S'agissant d'étrangers désireux de venir s'expatrier en Grande-Bretagne, et sauf cas particuliers (enfants nés de parents résidents britanniques par exemple), ils demeureront "non-domiciliés" sur le territoire britannique.

2 - Conséquences fiscales

A - Le principe : une pression fiscale importante

Les personnes physiques résidentes du Royaume-Uni sont, en principe, imposables à raison de leurs revenus de source britannique et étrangère (imposition sur le revenu mondial - "arising basis"). Il s'agit d'un principe similaire à celui en vigueur en France où les résidents français sont également assujettis à l'impôt sur le revenu sur la base de leurs revenus mondiaux.

L'impôt sur le revenu y est établi selon un barème progressif par tranche, fixé, pour l'année fiscale 2011/2012, à :
- 20 % lorsque le revenu imposable est inférieur à 35 000 livres sterling (41 583,5 euros environ) ;
- 40 % lorsque le revenu imposable est compris entre 35 000 livres sterling et 150 000 livres sterling (178260 euros environ) ;
- 50 % lorsque le revenu imposable excède 150 000 livres sterling.
Il convient de préciser qu'il n'existe pas au Royaume-Uni d'imposition commune par foyer, chaque personne physique étant imposée en son nom propre.

Les revenus patrimoniaux sont soumis à ce barème progressif, à l'exception des dividendes, qui sont soumis à des taux différents (soit, toujours pour l'année 2011/2012, respectivement 10 %, 32,5 % et 42,5 % (15)).
Quant aux plus-values, elles sont généralement imposables au taux de 28 %, mais bénéficient d'un abattement annuel s'élevant, pour l'année 2011/2012, à 10 600 livres sterling (12 596 euros environ) (16).

La pression fiscale en Grande-Bretagne apparaît ainsi relativement comparable, voire même supérieure, à celle supportée par les contribuables français. Toutefois, outre le fait qu'il n'existe pas d'ISF, le Royaume se distingue par l'option offerte à certains contribuables d'une règle d'imposition différente laquelle, en y prêtant attention, peut s'avérer particulièrement avantageuse.

B - L'exception : la règle de la" remittance basis"

Les personnes résidentes du Royaume-Uni qui sont "non-domiciliées" sur le territoire britannique ou qui n'ont pas la qualité d'"ordinary resident", peuvent bénéficier d'un traitement particulier, à savoir n'être imposables que sur leurs revenus de source britannique.
Il s'agit donc d'une option pour les contribuables concernés qui peuvent, au titre de chaque année fiscale, choisir d'être imposés selon le régime normal ("arising basis") ou selon ce mode particulier ("remittance basis").

L'option pour ce second régime, si avantageux qu'il puisse paraître, n'est pour autant pas dépourvue d'inconvénients :
- perte de l'abattement général pour tous les contribuables dont le revenu fiscal annuel est inférieur à 100 000 livres sterling (118 820 euros environ) (17) (ce montant est fixé, pour l'année fiscale 2011/2012, à 7 475 livres sterling -8 882,5 euros environ) ;
- option payante. En effet, les contribuables considérés comme résidents au Royaume-Uni pendant au moins 7 des 9 dernières années fiscales précédentes sont redevables d'une taxe forfaitaire de 30 000 livres sterling (35 649 euros environ) pour chaque année au titre de laquelle ils optent pour ce régime (18) ;
- définition restrictive des revenus de source étrangère, puisque seuls sont considérés comme tels les revenus dont la source est située en dehors de la Grande-Bretagne (salaire, revenus de patrimoine, plus-values, etc., c'est-à-dire tous revenus afférents à une activité ou un patrimoine situés en dehors du territoire britannique), qui n'ont pas été rapatriés ("remitted income"). L'idée sous-jacente est la suivante: si un contribuable perçoit des revenus à l'étranger mais qu'il utilise, directement ou indirectement, l'argent ainsi perçu sur le sol britannique, alors l'HMRC considère qu'il s'agit de revenus de source britannique. C'est, par exemple, le cas lorsqu'une personne physique utilise la carte de crédit de son compte à l'étranger pour effectuer des achats en Grande-Bretagne. Dans cette hypothèse, l'administration fiscale considérera que l'argent utilisé a été "rapatrié" sur son sol, et deviendra donc taxable ;
- la Convention fiscale entre la France et la Grande-Bretagne (19) limite ce droit. En effet, l'article 29 dispose que "les personnes résidentes d'un Etat contractant qui ne sont imposées dans cet Etat que sur le montant de leurs revenus ou gains en capital qui y sont reçus ou transférés ne peuvent bénéficier des réductions ou exonérations de retenue à la source ou de prélèvements, prévues par la convention, sur les revenus ou gains en capital dont la source se situe dans l'autre Etat contractant que si ces revenus ou gains sont imposés dans leur Etat de résidence". Ce dernier point, assez méconnu, signifie concrètement que les personnes résidentes du Royaume-Uni qui ont opté pour ce régime d'imposition ("remittance basis") ne bénéficient d'une exonération ou d'une réduction de retenue à la source ou de prélèvement sur leurs revenus ou gains en capital de source française que si ces revenus ou gains ne sont pas exonérés au Royaume-Uni (20).

Ce régime s'adresse donc aux contribuables les plus fortunés, tout au moins ceux que la taxe annuelle de 30 000 livres sterling n'effraie pas. Il conviendra, par ailleurs, d'être particulièrement attentif lors des mouvements de fonds, afin d'éviter de tomber sur la notion de sommes rapatriées, le plus simple pour cela étant de créer un compte bancaire off-shore ad hoc.

Sous réserve de ces précautions, le contribuable "non-domicilié" ou "résident non-ordinaire" pourra ainsi exonérer l'intégralité de ses revenus de source étrangère. L'on comprend mieux pourquoi tant de contribuables très aisés sont venus s'installer à Londres.


(1) CE Ass., 24 mars 2006, n° 288460, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7837DNL).
(2) Voire jamais appliqué. Ce fut ainsi le cas pour la taxe de 2 % sur les nuitées d'hôtels, instituée à l'article 302 bis ZO du CGI par l'article 5 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 (loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 N° Lexbase : L1269IRG) et supprimée par l'article 2 de la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 (loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 N° Lexbase : L4994IRE).
(3) L'idée étant "d'harmoniser la fiscalité française et la fiscalité allemande". Voir, sur ce sujet, le rapport "Les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne" établi par la Cour des comptes, en date du 4 mars 2011 (lire Comparaison des systèmes fiscaux français et allemand : la Cour des comptes publie son rapport - Questions à Franck Le Mentec, avocat associé au sein du cabinet Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral N° Lexbase : N7559BRE).
(4) Le montant total estimé des "bonus" versés au titre de l'année 2011 est "seulement" de 4,2 milliards de livres sterling, bien loin de records des années précédentes. Au delà, c'est bien la philosophie générale du système qui commence à perturber les citoyens britanniques (M. Cameron, Premier ministre, s'est ainsi élevé contre le bonus attribué au Président-Directeur Général de l'une des plus grande banque du Pays, excipant de son caractère "immoral").
(5) Il est toutefois délicat de dénombrer le nombre de Français résidant en Grande-Bretagne avec exactitude (114 000 inscrits au registre des Français hors de France, le consulat évaluant leur nombre réel à près de 400 000).
(6) A savoir, dans l'ordre, la célébration du soixantième anniversaire du règne de sa Gracieuse Majesté Elizabeth II suivie, cet été, des prochains Jeux Olympiques.
(7) Citons, néanmoins, outre les reformes indiquées ci-après, l'introduction de nouvelles règles relatives au trusts (loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de finances rectificative pour 2011 [LXB= L0278IRQ], art. 14 et rescrit n° 2011/37 du 23 décembre 2011 N° Lexbase : L5458IRL) et aux retraites-chapeaux (loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, de finances rectificative pour 2011, art. 28 N° Lexbase : L4994IRE).
(8) L'utilisation de ce terme peut néanmoins prêter à sourire quand on sait par exemple que la contribution "exceptionnelle" et "temporaire" de solidarité (CET) a été créée en.... 1997.
(9) Appréciation du montant des revenus à retenir pour l'application des abattements, exonérations et dégrèvements prévus aux articles 1391 (N° Lexbase : L9902HLC), 1391 B (N° Lexbase : L9905HLG), 1411 (N° Lexbase : L5724IRG), 1414 (N° Lexbase : L3540IG9) et 1414 A (N° Lexbase : L4876IQN) du CGI (instruction du 5 juin 1998, BOI 6 D-2-98 N° Lexbase : X1849AKP).
(10) Et même 36,5 %, en incluant le relèvement de deux points de la CSG voté par le Parlement au sein de la loi de finances rectificative pour 2012, en attente de publication.
(11) Le taux réduit (applicable aux revenus éligibles à l'abattement de 40 % versés à des personnes résidentes d'un Etat de l'EEE) a, par ailleurs, été porté de 19 % à 21 %, tandis que le taux majoré (applicable aux dividendes perçus par un résident d'un Etat et territoire non coopératif) est passé de 50 % à 55 %.
(12) CGI, art. 150-0 D bis (N° Lexbase : L5278IRW), institué par le I l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2005 (loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 N° Lexbase : L6430HEU). Pour l'application de ce dispositif, lorsque les titres cédés ont été acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, la durée de détention devait être décomptée à partir du 1er janvier 2006 ; à compter de cette date, la durée de détention était décomptée à partir du 1er janvier de l'année d'acquisition ou de souscription des titres cédés.
(13) Il est à noter que les jours de présence n'ont pas forcément besoin d'être consécutifs et le décompte s'effectue par simple addition du nombre de jours au cours desquels une personne est physiquement présente à minuit.
(14) Françoise Fontaneau-Vandoren, La résidence fiscale en droit anglais : une brève description, Revue Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires, 1998/2.
(15) Income tax Act 2007, S.19. Par exemple, un contribuable ayant perçu 30 000 livres sterling de revenus non-patrimoniaux et 10 000 livres sterling (11 885 euros environ) de dividendes sera imposé à hauteur de :
- 6 000 livres sterling (7 128 euros environ) sur ses revenus salariaux (soit 30 000 livres sterling x 20 %) ;
- 2 125 livres sterling (2 525 euros environ) sur les dividendes perçus (soit 5 000 livres sterling au taux de 10 % - tranche inférieure à 35 000 livres sterling - et 5 000 livres sterling (5 942 euros environ) à hauteur de 32,5 % - tranche comprise entre 35 000 livres sterling et 150 000 livres sterling).
(16) TCGA 1992, S.3. Les contribuables dont le revenu imposable n'excède pas la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu (soit 35 000 livres sterling pour l'année 2011/2012) sont imposés sur les plus-values réalisées a hauteur de 18 % jusqu'à hauteur de cette tranche, puis 28 % au-delà.
(17) Le montant de cet abattement est réduit, pour les revenus supérieurs à 100 000 livres sterling, d'une livre sterling toutes les deux livres sterling de revenu. Ainsi, un contribuable bénéficiant d'un revenu fiscal de 110 000 livres sterling (130 702 euros environ) verra son abattement réduit de 5 000 livres sterling (soit un abattement restant de 2 475 livres sterling -2 940,3 euros). Ainsi, et mathématiquement, tout contribuable dont le revenu excède 114 950 livres sterling (136 549,1 euros environ) pour l'année fiscale 2011/2012 ne bénéficiera plus de cet abattement.
(18) ITA 2007, S.809H ("Remittance Basis Charge"). Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit de porter ce montant à 50 000 livres sterling (59 415 euros environ) annuel, dans l'hypothèse où un contribuable aurait été résident pendant au moins 12 ans au cours des 14 dernières années précédentes.
(19) Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008 (N° Lexbase : L5161IEU).
(20) En ce sens, lire l'instruction du 29 juillet 2011, BOI 14 B-1-11 (N° Lexbase : X9612AIT). Cette clause n'est toutefois pas applicable en matière de bénéfices des entreprises et de dividendes.

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