Le Quotidien du 5 octobre 2020 : Avocats/Responsabilité

[Brèves] Participation d’une avocate à l’émission « Faites entrer l'accusé » sans l’accord de sa cliente victime : un action peut-être engagée sur le fondement de l'article 9 du Code civil

Réf. : Cass. civ. 1, 9 septembre 2020, n° 19-16.415, FS-P+B (N° Lexbase : A55143TE)

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[Brèves] Participation d’une avocate à l’émission « Faites entrer l'accusé » sans l’accord de sa cliente victime : un action peut-être engagée sur le fondement de l'article 9 du Code civil. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/60738599-breves-participation-dune-avocate-a-lemission-faites-entrer-laccuse-sans-laccord-de-sa-cliente-victi
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par Marie Le Guerroué

le 01 Octobre 2020

► Si la diffusion de l'identité d'une personne et de la nature sexuelle des crimes ou délits dont elle a été victime est poursuivie sur le fondement de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881, la divulgation, sans le consentement de l'intéressée, d'informations relatives aux circonstances précises dans lesquelles ces infractions ont été commises est un fait distinct constitutif d'une atteinte à sa vie privée, qui peut être sanctionné sur le fondement de l'article 9 du Code civil ; une action sur ce fondement peut, par conséquent, être engagée à l’encontre de l’avocate qui avait sans recueillir l’accord de sa cliente, participé à l’émission « Faites entrer l'accusé » et relaté les faits dont celle-ci avait été victime (Cass. civ. 1, 9 septembre 2020, n° 19-16.415, FS-P+B N° Lexbase : A55143TE).

Faits/Procédure. La demanderesse avait été victime en 1985 de faits d'enlèvement, séquestration, violences volontaires et viol. Six autres femmes avaient subi des faits similaires dont deux avaient été assassinées. La cour d'assises avait condamné un des auteurs à la peine de vingt ans de réclusion criminelle, au terme de débats tenus à huis clos. Lors de ce procès, la demanderesse s'était constituée partie civile et avait été assistée par une avocate inscrite au barreau de Pau. En 2007, une société avait produit pour la société France télévisions un numéro de l'émission de télévision intitulée « Faites entrer l'accusé » consacré à cette affaire, qui avait été diffusé en 2007 et 2009 sur la chaîne France 2. Ayant constaté que son avocate avait, sans recueillir son accord, participé à cette émission et relaté les faits dont elle avait été victime, la demanderesse, qui, quant à elle, n'avait pas donné suite aux sollicitations du producteur, l’avait notamment assigné pour obtenir réparation de l'atteinte portée au respect dû à sa vie privée. Soutenant que l'action engagée par son ancienne cliente relevait des dispositions de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW), l’avocate avaient sollicité sa requalification et soulevé la nullité de l'assignation et la prescription de l'action.

Position de la cour d’appel. La cour (CA Bordeaux, 14 juin 2018, n° 17/03496 N° Lexbase : A1059XRN) pour dire que l'action engagée par la cliente de l’avocate relevait de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 et la déclarer irrecevable comme prescrite, l'arrêt retenait que l'entier préjudice invoqué par celle-ci au titre de l'atteinte à sa vie privée tenait à la révélation de son identité, puisqu'à défaut d'identification de la victime des crimes subis, cette atteinte ne pouvait être constituée, et que son action n'est pas dissociable de celle encadrée par les dispositions spéciales de la loi du 29 juillet 1881.

Réponse de la Cour. La Cour rappelle qu’aux termes des articles 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) et 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881, chacun a droit au respect de sa vie privée. Le second article, qui est d'interprétation stricte, dispose que : « Le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable est puni de 15 000 euros d'amende. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la victime a donné son accord écrit ».  Pour la cour il résulte de la combinaison de ces textes que, si la diffusion de l'identité d'une personne et de la nature sexuelle des crimes ou délits dont elle a été victime est poursuivie sur le fondement de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881, la divulgation, sans le consentement de l'intéressée, d'informations relatives aux circonstances précises dans lesquelles ces infractions ont été commises est un fait distinct constitutif d'une atteinte à sa vie privée, qui peut être sanctionné sur le fondement de l'article 9 du Code civil.

En statuant comme elle l’a fait, alors que, selon ses propres constatations, la demanderesse au pourvoi invoquait l'atteinte au respect dû à sa vie privée résultant de la révélation d'informations précises et de détails sordides sur les circonstances des crimes dont elle avait été victime, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Cassation. La Cour casse et annule l'arrêt rendu le 14 juin 2018 par la cour d'appel de Bordeaux.

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