Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 21 septembre 2020, n° 429487, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A43243UP)
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par Marie-Claire Sgarra
le 02 Octobre 2020
► L’applicabilité de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à la procédure administrative d'établissement de rappels de taxe sur la valeur ajoutée à la suite d'une fraude met à la charge de l’administration l’obligation de mettre en mesure le contribuable de se voir communiquer les éléments qui peuvent être utiles à l'exercice des droits de la défense.
Les faits. Le requérant, gérant et associé majoritaire d’une SCI, a fait l'objet d'une plainte pénale et d'une procédure judiciaire d'enquête préliminaire, à la suite de la saisie auprès d'un tiers de fichiers informatiques laissant apparaître qu'il était susceptible de détenir en Suisse des avoirs non déclarés. Les perquisitions et auditions effectuées dans ce cadre ont fait apparaître une pratique de fausse facturation mise en place par la SCI. La société a fait l'objet d'une procédure de contrôle sur pièces, à la suite de laquelle l'administration a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant au montant de la taxe mentionnée sur les factures regardées par l'administration comme fictives.
Le tribunal administratif d’Amiens a rejeté la demande de la SCI tendant à la décharge de ces rappels de TVA. La cour administrative d’appel de Douai a rejeté l’appel formé contre ce jugement (CAA Douai, 5 février 2019, n° 16DA01934 N° Lexbase : A8701YW8).
Principe. Aux terme de l’article 47 de la CDFUE, toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés, a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice.
Jurisprudence européenne. S'agissant du respect des droits de la défense invoqués dans un litige fiscal portant sur une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, la CJUE a jugé, dans un arrêt du 16 octobre 2019 (CJUE, 16 octobre 2019, aff. C-189/18, Glencore Agriculture Hungary N° Lexbase : A0837ZRG), que ce principe a pour corollaire le droit d'accès au dossier au cours de la procédure administrative et qu'une violation du droit d'accès au dossier commise lors de la procédure administrative n'est pas, en principe, régularisée du simple fait que l'accès au dossier a été rendu possible au cours de la procédure juridictionnelle concernant un éventuel recours visant à l'annulation de la décision contestée.
Ainsi, le respect des droits de la défense n'impose pas à l'administration fiscale une obligation générale de fournir un accès intégral au dossier dont elle dispose, mais exige que l'assujetti ait la possibilité de se voir communiquer, à sa demande, les informations et les documents se trouvant dans le dossier administratif et pris en considération par cette administration en vue d'adopter sa décision, lesquels incluent en principe l'ensemble des éléments du dossier sur lesquels l'administration fiscale entend fonder sa décision mais aussi ceux qui peuvent être utiles à l'exercice des droits de la défense.
Législation française. L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue à l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L0638IH4) ou de la notification prévue à l'article L. 76 du même Livre (N° Lexbase : L3318LCU). Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande.
Solution du Conseil d’État :
La SCI n'est donc pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité au regard des dispositions de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne aux motifs qu'elle n'aurait pas eu accès, à ce stade, aux mêmes éléments que ceux pris en considération par l'administration fiscale et que celle-ci se serait abstenue de dresser une liste exhaustive des pièces consultées lors de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire.
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