Réf. : CA Toulouse, 24 juin 2020, n° 18/00822 (N° Lexbase : A44483PG)
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N4405BYS
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par Manon Rouanne
le 09 Septembre 2020
► Dans un contrat de crédit-bail, la clause contractuelle intitulée par les parties « clause de résiliation » et offrant la faculté au crédit-bailleur de, notamment, résilier le contrat de manière anticipée en cas de non-paiement, par son cocontractant, à l’échéance, d’un seul loyer et de percevoir une indemnité d’un montant égal à la totalité des loyers restant à échoir postérieurement à la résiliation, doit être requalifiée de clause pénale, laquelle peut être modérée par le juge si elle est manifestement excessive.
Faits. Dans cette affaire, deux sociétés ont conclu un contrat de crédit-bail portant sur la mise à disposition, par le crédit-bailleur, d’une balayeuse moyennant le paiement, par le crédit-preneur, d’un loyer d’un montant déterminé. Dans ce contrat, a été insérée une clause intitulée par les parties « clause de résiliation » et réservant, d’une part, le droit au crédit-bailleur de résilier, avant l’arrivée de son terme, de plein droit et sans mise en demeure préalable, le contrat en cas de non-paiement, par le crédit-preneur, d’un seul loyer échu. D’autre part, cette clause a également prévu, lorsque le crédit-bailleur exerce ce droit de résilier le contrat, le paiement, à ce dernier par le crédit-preneur, d’une indemnité d’un montant égal à la totalité des loyers restant à échoir postérieurement à la résiliation anticipée du contrat majoré d'une pénalité de 10 % de la totalité des loyers restant à échoir, elle-même majorée du montant de l'option d'achat. Le crédit-preneur n’ayant pas payé les loyers dus pendant dix mois, le crédit-bailleur a, alors, mis en jeu la clause en cause en résiliant le contrat de crédit-bail de manière anticipée et en réclamant, outre la restitution du matériel objet du contrat, le paiement de l’indemnité attachée à celle-ci.
Sans remettre en cause la résiliation anticipée du contrat pour non-paiement des loyers échus, les premiers juges ont, néanmoins, requalifié la clause litigieuse en clause pénale et, dès lors, exercé leur pouvoir modérateur du montant de celle-ci, le jugeant manifestement excessif, en réduisant le montant de l’indemnité à la somme d’un euro.
Ne s’opposant pas à la qualification de clause pénale conférée par les juges de première instance à la clause de résiliation anticipée, le crédit-bailleur a interjeté appel du jugement contestant la diminution de l’indemnité par le juge en alléguant qu’elle n’était manifestement pas excessive.
La question de la qualification juridique que doit revêtir une clause de résiliation anticipée offrant le droit à l’une des parties de résilier le contrat de manière anticipée en contrepartie du paiement, à son cocontractant, d’une indemnité égale au montant dû si le contrat avait été exécuté jusqu’à son terme fait l’objet d’un contentieux important et est à l’origine de divergences jurisprudentielles (sur la qualification de cette clause de clause de dédit, v. CA Douai, 11 juin 2020, n° 19/04807 N° Lexbase : A59283NU ; Cass. civ. 1, 6 mars 2001, n° 98-20.431 N° Lexbase : A4543ARP ; sur la qualification de cette clause de clause pénale, v. Cass. com., 25 septembre 2019, n° 18-14.427, F-D N° Lexbase : A0406ZQ4 ; sur ce sujet, v. G. Maire, Clause de résiliation anticipée et indemnité de rupture, Lexbase, Droit Privé, juillet 2020, n° 832 N° Lexbase : N4107BYR). La qualification d’une telle clause n’est pas évidente lorsqu’elle prévoit l’obligation pour celui qui initie la résiliation anticipée du contrat de payer, en contrepartie de la mise en œuvre de cette faculté, le paiement d’une indemnité. Dans cette hypothèse, l’indemnité apparaît comme étant la contrepartie d’un droit. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce où l’indemnité apparaît comme étant une sanction forfaitaire en cas d’inexécution d’une obligation ; celle-ci n’est pas due en contrepartie de la résiliation du contrat, mais vient s’ajouter à cette dernière comme sanction de l’inexécution, par le crédit-preneur, de ses obligations contractuelles, de sorte qu’elle doit revêtir la qualification de clause pénale.
Décision. La cour d’appel est allée dans ce sens en confirmant, après avoir rappelé la définition légale de la clause pénale, la requalification de la clause de résiliation litigieuse en clause pénale. De même, dans l’exercice de leur pouvoir de modérer la pénalité qu’elle prévoit lorsqu’elle est manifestement excessive ou dérisoire, les juges du fond confirment le caractère excessif du montant de l’indemnité attachée à la mise en jeu de la clause et, dès lors, le réduisent mais dans une moindre mesure que les premiers juges.
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