La lettre juridique n°472 du 9 février 2012 : Responsabilité médicale

[Panorama] Panorama de responsabilité médicale (novembre 2011 - février 2012)

Lecture: 16 min

N0096BTQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Panorama] Panorama de responsabilité médicale (novembre 2011 - février 2012). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/5922988-panorama-panorama-de-responsabilite-medicale-novembre-2011-fevrier-2012
Copier

par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit médical"

le 09 Février 2012

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver le panorama de responsabilité civile médicale de Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV et Directeur scientifique de l’Ouvrage "Droit médical", consacrée à l'actualité parue de novembre 2011 à février 2012. En matière de faute médicale, on relèvera, entre autres, un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 16 novembre 2011, duquel il ressort que les juges du fond ne peuvent accorder la réparation intégrale du préjudice consécutif au décès du patient lorsque la maladie qui n'avait pas été diagnostiquée à temps était incurable ; seule une perte de chance d'avoir pu ralentir son évolution peut être indemnisée (CE 7° s-s., 16 novembre 2011, n° 342541). Pour ce qui concerne les produits de santé, il convient de relever la décision très attendue de la CJUE, en date du 21 décembre 2011, qui a retenu que la Directive du 25 juillet 1985, relative à la responsabilité des producteurs, n'était pas applicable au simple utilisateur de produits de santé, ce qui est le cas de l'hôpital utilisant une couverture chauffante (CJUE, 21 décembre 2011, aff. C-495/10). A noter, enfin, à propos du dispositif "anti-Perruche", l'arrêt en date du 15 décembre 2011, par lequel la première chambre civile de la Cour de cassation retient qu'il ne résulte pas des termes de la décision du Conseil constitutionnel 2010-2 QPC du 11 juin 2010 que l'abrogation du dernier alinéa de l'article L. 114-5 du Code de l'action sociale et des familles devrait être limitée aux actions engagées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; l'abrogation doit donc bénéficier également aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de celle-ci, même s'ils n'avaient pas encore engagé d'action (Cass. civ. 1, 15 décembre 2001, n° 10-27.473, FS-P+B+R+I). I - Faute médicale
  • Les juges du fond ne peuvent écarter la responsabilité d'un médecin en présence d'une faute de diagnostic, sous prétexte que la cause du décès est inconnue, sans établir que cette faute n'a pas fait perdre au patient une chance de bénéficier d'un diagnostic et d'un traitement qui auraient pu éviter son décès (Cass. civ. 1, 22 septembre 2011, n° 10-21.799, F-D N° Lexbase : A9689HX7)

Intérêt de l'arrêt. Cet arrêt non publié confirme les termes de deux précédentes décisions intervenues en 2010 et qui sanctionnent les juges du fond lorsqu'ils écartent toute application de la théorie de la perte de chance, alors qu'une faute médicale a été établie, sous prétexte que toutes les causes du dommage qui est finalement survenu n'ont pas été identifiées (1).

L'affaire. Un patient était décédé quelques jours après avoir subi une adénomectomie prostatique. La cour d'appel avait mis hors de cause les praticiens poursuivis par les proches, alors pourtant qu'un erreur fautive de diagnostic avait été relevée (les médecins en charge de la surveillance post-opératoire avaient interprété comme une crise de goutte une douleur au pied droit dont le patient s'était plaint la veille sans mettre en oeuvre les investigations qui auraient pu permettre de confirmer ou éliminer le diagnostic de phlébite, l'embolie pulmonaire massive étant la première cause de décès en matière de chirurgie prostatique), sous prétexte que la cause exacte du décès restait inconnue, ce qui interdisait de tenir pour établi le lien de cause à effet entre cette faute et le décès ainsi qu'entre la faute et la perte de chance de survivre alléguée par les appelants.

Cet arrêt est cassé au visa de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1910IEH), pour manque de base légale, la Cour de cassation reprochant aux juges du fond de n'avoir pas recherché "si, comme cela le lui était demandé, l'absence d'investigations complémentaires reprochée aux praticiens n'avait pas fait perdre à [la victime] une chance de bénéficier d'un diagnostic et d'un traitement qui auraient pu éviter son décès, peu important que la cause de celui-ci demeure indéterminée".

Une solution justifiée. Les demandeurs ne prétendaient pas que les fautes médicales relevées étaient à l'origine de l'entier dommage, mais seulement que l'erreur de diagnostic avait pu contribuer à retarder la mise en oeuvre d'un traitement approprié susceptible de sauver la victime, à tout le moins d'améliorer ses chances de survie. Le fait qu'on ignore pourquoi ce dernier avait fait une embolie pulmonaire était finalement secondaire dès lors qu'il était certain que la faute avait nécessairement retardé sa prise en charge. Certes, la mesure de la fraction de cette chance perdue sera délicate à établir, mais elle n'aurait pas été plus aisée à déterminer si l'origine de l'embolie avait été connue, ce qui suffit à démontrer que cette circonstance était indifférente au règlement du différend.

La faute de diagnostic à l'origine d'une présomption de causalité. Cette sévérité à l'égard des médecins fait qu'en présence d'une faute de diagnostic susceptible de faire perdre au patient une chance de bénéficier d'une prise en charge plus rapide de son mal, le préjudice est en quelque sorte présumé, à moins que le médecin ne démontre que la cause du dommage exclut toute perte de chance, notamment parce qu'il n'y avait rien à faire pour éviter ou même seulement ralentir l'issue finale. Si la cause du décès est inconnue, c'est alors à la victime de la faute médicale que le doute doit profiter (2).

  • Les juges du fond ne peuvent accorder la réparation intégrale du préjudice consécutif au décès du patient lorsque la maladie qui n'avait pas été diagnostiquée à temps était incurable ; seule une perte de chance d'avoir pu ralentir son évolution peut être indemnisée (CE 7° s-s., 16 novembre 2011, n° 342541 N° Lexbase : A9287HZY)

Cadre juridique. En présence d'une faute commise dans le diagnostic d'une affection ou du retard dans son traitement, le juge dispose de trois possibilités ; s'il est certain que sans la faute le dommage ne se serait pas réalisé, alors la réparation des dommages doit être intégrale (3) ; s'il est certain que cette faute a été sans conséquence sur l'issue fatale, alors aucune réparation ne sera due (4) ; s'il est certain que cette faute a accéléré l'issue fatale, ou a rendu sa survenance plus probable, alors le juge aura recours à la théorie de la perte de chance.

Les faits. Un jeune homme avait fait, en 1995, une demande de volontariat en service outre-mer. A la suite d'examens ayant révélé la présence de sang dans les urines, un néphrologue avait en juin 1996 attiré l'attention du médecin aspirant du régiment sur la nécessité de faire examiner le patient par une équipe de néphrologues en métropole pour effectuer une biopsie rénale, le diagnostic envisagé étant celui d'une néphropathie glomérulaire sans insuffisance rénale et sans hypertension. Ces informations ne furent communiquées au médecin traitant qu'en août 1998 et il fallut attendre septembre 2000 pour qu'une biopsie rénale soit enfin réalisée.

Un rapport d'expertise avait conclu à la responsabilité de l'Etat dans le retard de diagnostic de la pathologie du patient.

Par un arrêt du 17 juin 2010 (5), la cour administrative d'appel de Nancy a condamné l'Etat à verser une indemnité à la caisse primaire d'assurance maladie et une indemnité au patient au titre du trouble dans les conditions d'existence et du préjudice corporel.

Cet arrêt est annulé, le Conseil d'Etat considérant qu'"il n'existe à ce jour aucun traitement permettant d'obtenir la guérison" de l'affection qui a causé le décès et "que les seules options thérapeutiques disponibles consistent à retarder l'évolution de la maladie". Pour la Haute juridiction, "le retard pris dans le diagnostic de la maladie, a seulement eu pour effet de faire perdre une chance au patient C de ne pas voir se réaliser l'ensemble des préjudices qu'il a subis", ce qui s'oppose à la réparation intégrale, le Conseil d'Etat évaluant l'indemnité à 25 % du dommage subi par le patient.

  • Le manquement à l'obligation d'information cause nécessairement un préjudice au patient qu'il convient de réparer (Cass. civ. 1, 26 janvier 2012, n° 10-26.705, F-D N° Lexbase : A4344IBI)

En affirmant, dans cet arrêt, que "toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir et que le non-respect du devoir d'information qui en découle cause à celui auquel l'information était légalement due un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation", la Cour de cassation confirme ici les termes de sa jurisprudence "Seurt" (6) .

II - Produits de santé

  • La Directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité des producteurs n'est pas applicable au simple utilisateur de produits de santé, ce qui est le cas de l'hôpital utilisant une couverture chauffante (CJUE, 21 décembre 2011, aff. C-495/10 N° Lexbase : A6909H8E)

Intérêt de la décision. La solution était attendue, espérée même depuis que le Conseil d'Etat avait saisi la CJUE d'une question préjudicielle portant sur l'applicabilité de la Directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 (N° Lexbase : L9620AUT) aux simples "utilisateurs" de produits de santé (7) . Il s'agissait plus précisément de déterminer si le juge administratif pouvait continuer de faire application de sa jurisprudence "Marzouk", dégagée en 2003 et qui a consacré l'existence d'une responsabilité sans faute pour les dommages causés par les dispositifs médicaux (8), s'agissant singulièrement d'une couverture chauffante dont un hôpital s'était servi pour réchauffer un patient, lui occasionnant de sérieuses brûlures.

La réponse. La CJUE répond positivement aux deux questions qui lui étaient posées et considère que la responsabilité du simple utilisateur de produits n'entre pas dans le champ de la directive. Elle considère, en effet, que "la responsabilité d'un prestataire de services qui utilise, dans le cadre d'une prestation de services telle que des soins dispensés en milieu hospitalier, des appareils ou des produits défectueux dont il n'est pas le producteur au sens des dispositions de la Directive 85/374 et cause, de ce fait, des dommages au bénéficiaire de la prestation ne relève pas du champ d'application de cette Directive". La Cour précise que la Directive "ne s'oppose dès lors pas à ce qu'un Etat membre institue un régime, tel que celui en cause au principal, prévoyant la responsabilité d'un tel prestataire à l'égard des dommages ainsi occasionnés, même en l'absence de toute faute imputable à celui-ci, à condition, toutefois, que soit préservée la faculté pour la victime et/ou ledit prestataire de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci".

Une solution justifiée. La solution semble parfaitement logique dans la mesure où le régime de responsabilité issu de la Directive est le fruit d'un savant compris entre le désir de faciliter l'indemnisation des victimes tout en préservant les intérêts des producteurs. Cette recherche d'équilibre, parfaitement rappelée dans les conclusions de l'avocat général et dans l'arrêt lui-même, suppose que l'on soit bien en présence d'un producteur, à tout le moins d'un distributeur qui rend la commercialisation des produits possibles. Or, du point de vue des dispositifs médicaux dont les médecins et établissements se servent, il ne s'agit ici ni de fabricants, ni de professionnels de la vente ou de la fournitures uniquement chargés de favoriser la diffusion de ces produits, mais d'hôpitaux ayant des missions bien particulières, qui en sont les utilisateurs finaux et qui sont soumis par ailleurs soumis à des régimes de responsabilité civile qui leur sont propres.

Une portée considérable. Compte tenu de la justification de la distinction introduite entre producteurs/ fournisseurs et utilisateurs, la portée de la décision sera certainement considérable car la même solution doit être logiquement appliquée à tous les dispositifs médicaux (instruments, appareillages, etc.).

Régime applicable au sang et aux médicaments. On peut toutefois s'interroger sur la question de "l'utilisation" du sang et des médicaments par les établissements. Il semble a priori plus difficile de leur étendre la solution dans la mesure où il s'agit de biens consomptibles qui vont faire être assimilés par les patients ; la notion d'utilisateur semble dès lors plus discutable, d'autant plus que, par le passé, la jurisprudence les avait qualifiés de "fournisseurs" (9).

Il nous semble pourtant que l'exclusion devrait leur être appliquée dans la mesure où la solution retenue tient non pas aux caractéristiques des produits concernés mais au rôle joué par les protagonistes dans la chaîne de circulation du produit ; les établissements ne sont en effet pas les "producteurs" des produits ou des médicaments lorsque ces derniers leur sont fournis par l'EFS ou les laboratoires, ni même des distributeurs puisqu'il ne s'agit pas pour eux de les commercialiser pour permettre aux patients de les utiliser, en dehors de leur contrôle, comme des pharmaciens, mais bien de les utiliser directement et personnellement dans le cadre d'une prestation médicale.

Fondement désormais visé. Reste à déterminer sur quels fondements la responsabilité des établissements pourra être engagée s'agissant des produits utilisés, si ce n'est pas sur le régime de responsabilité du fait des produits défectueux.

Il semble acquis que le Conseil d'Etat semble désireux de poursuivre dans la voie de l'application de sa jurisprudence "Marzouk", c'était d'ailleurs le sens de la seconde question posée à la Cour de justice, et que la Cour de cassation pourrait continuer de se référer à la figure de l'obligation de sécurité de résultat qu'elle avait visé avant 2002 (10).

Il nous semble toutefois que l'article L. 1142-1, I du Code de la santé publique devrait être visé en ce qu'il pose comme principe que la responsabilité des professionnels et établissements en raison du "défaut des produits de santé" est engagée sans qu'il soit nécessaire de prouver la faute. Si la référence au "défaut" s'imposerait alors au juge, ce dernier demeurerait libre notamment de ne pas retenir les nombreuses causes d'exonération de la directive, notamment le risque de développement.

III - Dispositif "anti-Perruche"

  • Il ne résulte pas des termes de la décision 2010-2 QPC du 11 juin 2010 que l'abrogation du dernier alinéa de l'article L. 114-5 du Code de l'action sociale et des familles devrait être limitée aux actions engagées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; l'abrogation doit donc bénéficier également aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de celle-ci, même s'ils n'avaient pas encore engagé d'action (Cass. civ. 1, 15 décembre 2001, n° 10-27.473, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2913H8E) (11)

Contexte. Nous avons évoqué à de nombreuses reprises le contentieux né de l'entrée en vigueur de l'article 1er de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 (N° Lexbase : L1457AXA), transféré dans le Code de l'action sociale et des familles (à l'article L. 114-5 N° Lexbase : L8912G8L) à l'occasion de l'adoption de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (N° Lexbase : L5228G7R). On sait que le dernier alinéa de l'article L. 114-5 du Code de l'action sociale et des familles, qui prétendait faire une application immédiate du dispositif "anti-Perruche" à toutes les demandes antérieures n'ayant pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée, a été successivement considéré comme contraire au droit européen (12) puis à la Constitution et finalement abrogé par le Conseil constitutionnel dans une décision 2010-2 QPC du 11 juin 2010 (13) .

Doutes sur la portée effective de l'abrogation. Restait une question délicate en suspens concernant la portée effective de l'abrogation.

On sait que, s'agissant de la contrariété de l'application immédiate du dispositif avec le droit aux biens de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la CESDH, la Cour de cassation avait retenu comme critère du maintien de sa jurisprudence "Perruche" la date de naissance de l'enfant, par hypothèse antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, et non la date à laquelle l'action en justice aurait été introduite (14). Or, dans sa décision en date du 11 juin 2010, le Conseil constitutionnel s'est référé, dans ses motifs, à la date de l'action et non à la date de naissance, de sorte qu'on pouvait s'interroger sur la portée effective de l'abrogation pour les enfants nés avant le 7 mars 2002 mais exerçant une action après cette date.

Le Conseil d'Etat a, pour sa part, considéré "qu'il résulte de la décision du Conseil constitutionnel et des motifs qui en sont le support nécessaire qu'elle n'emporte abrogation, conformément au deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 que dans la mesure où cette disposition rend les règles nouvelles applicables aux instances en cours au 7 mars 2002" (15), mais contre l'avis de son rapporteur public (16).

Intérêt de la question sur le plan constitutionnel. La question posait, tout d'abord, un épineux problème constitutionnel, car même si, en principe, seul le dispositif d'une décision rendue par le Conseil s'impose aux juridictions, cette autorité s'étend également aux motifs "qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même".

Or, pour la Cour de cassation, tel n'est pas le cas en l'espèce car il n'existe pas de "motifs clairs et précis qui en seraient indissociables".

Même si la question intéresse avant tout les spécialistes de contentieux constitutionnel et ne change finalement pas grand-chose à la situation, puisque la Cour de cassation a tranché la question, il nous semble que cette analyse doit être approuvée car la question de la portée de l'abrogation ne doit pas être confondue avec celle de ses motifs (17). Or, on peut parfaitement considérer que l'atteinte au principe de la garantie des droits, qui constitue le fondement de l'abrogation du texte litigieux impose tout autant de protéger les intérêts des enfants ayant agi avant le 7 mars 2002 que de ceux qui seraient nés avant cette date mais n'auraient pas agi, car dans les deux cas il s'agit d'éviter non seulement l'intrusion du législateur dans le cours de la justice, mais aussi plus de garantir le respect du principe de sécurité juridique. Mais même si ce principe n'a pas de valeur constitutionnelle propre, on peut admettre qu'il doit guider le juge dans son interprétation des règles qui portent atteinte à la confiance légitime en amplifiant des solutions qui pourraient être fondées sur d'autres règles, ce qui était bien le cas ici.

L'affirmation a un autre intérêt évident qui est d'unifier les solutions issues du contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité du dispositif car, à imaginer qu'on considère le texte comme abrogé uniquement pour les victimes qui auraient saisi le juge avant le 7 mars 2002, le texte n'en demeure pas moins contraire au droit aux biens s'agissant des enfants nés avant l'entrée en vigueur du texte mais qui n'avaient pas encore saisi le juge. C'est d'ailleurs bien le sens de l'arrêt qui affirme, dans un deuxième temps, cette contrariété, nonobstant la question de la portée de la décision d'abrogation (18).


(1) Cass. civ. 1, 28 janvier 2010, n° 08-20.755, F-P+B (N° Lexbase : A7639EQY), nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (février et mars 2010), Lexbase Hebdo n° 390 du 8 avril 2010 - édition privée (N° Lexbase : N7306BNW) : s'agissant d'un enfant dont le handicap de naissance n'avait pu être expliqué ; Cass. civ. 1, 14 octobre 2010, n° 09-69.195, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7906GBG), RTDCiv., 2011, p. 128, obs. P. Jourdain ; D., 2010, p. 2682, note P. Sargos ; D., 2011, p. 37, obs. O. Gout ; et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (15 juin - 30 octobre 2010), Lexbase Hebdo n° 415 du 4 novembre 2010 - édition privée (N° Lexbase : N4537BQ4) : retard de diagnostic concernant une affectation dont toute l'étiologie n'avait pu être établie avec certitude.
(2) Sur l'application de ce mécanisme dans le contentieux de la vaccination anti-hépatite B, notre chron., Causalité juridique et causalité scientifique : de la différence à la dialectique, D., 2012, chron.
(3) Le Conseil d'Etat a pour sa part tendance, dans cette hypothèse, à viser la théorie de la perte de chance tout en accordant à la victime la réparation d'une perte de chance de... 100 %. Dans ce même cas de figure, la Cour de cassation ne vise pas la théorie de la perte de chance mais l'existence d'une causalité directe et certaine. Le résultat indemnitaire est le même.
(4) A moins de considérer, comme c'est désormais le cas en présence d'un défaut d'information, que cette faute cause nécessairement un préjudice qu'il convient de réparer.
(5) CAA Nancy, 3ème ch., 17 juin 2010, n° 09NC00994 (N° Lexbase : A1894E3K).
(6) Cass. civ. 1, 3 juin 2010, n° 09-13.591, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1522EYZ) et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (avril à juin 2010), Lexbase Hebdo n° 401 du 30 juin 2010 - édition privée (N° Lexbase : N4400BPN) ; Resp. civ. et assur., 2010, comm. 222, note S. Hocquet-Berg ; D., 2010. 1484, obs. I. Gallmeister, 1522, note P. Sargos, 1801, point de vue D. Bert, et 2092, chron. N. Auroy et C. Creton ; RDSS, 2010, 898, note F. Arhab-Girardin ; RTDCiv., 2010, 571, obs. P. Jourdain ; JCP éd. G., 2010, 788, note S. Porchy-Simon, et Chron. resp. civ., 1015, spéc. n° 3 et 6 ; C. Corgas-Bernard, RLDC, oct. 2010, 21 ; LPA, 17-18 août 2010, note R. Milawski. Dans le même sens, Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-21.241, F-D (N° Lexbase : A6137HYX) : nos obs. in Panorama de responsabilité médicale (juin à octobre 2011), Lexbase Hebdo n° 463 du 23 novembre 2011 - édition privée (N° Lexbase : N8879BSN).
(7) CE, 5° et 4° s-s-r., 4 octobre 2010, n° 327449 (N° Lexbase : A3527GBA), nos obs., in Panorama de responsabilité civile médicale (15 juin - 30 octobre 2010), préc..
(8) CE 5° et 7° s-s-r., 9 juillet 2003, n° 220437 (N° Lexbase : A1898C98).
(9) Dernièrement, Cass. civ. 2, 17 juin 2010, n° 09-10.786, FS-P+B (N° Lexbase : A0924E3M), à propos du fondement du recours entre cofournisseurs de produits sanguins, nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (15 juin - 30 octobre 2010), préc..
(10) Cass. civ. 1, 17 novembre 2000, n° 99-12.255 (N° Lexbase : A7794AH7) : D., 2001, somm., p. 2236, obs. D. Mazeaud.
(11) JCP éd. G, 2012, p. 72, note P. Sargos ; RDA, 2012, comm. 20, obs. F. Melleray.
(12) Par la CEDH (CEDH, deux arrêts, 6 octobre 2005, Req. 11810/03 N° Lexbase : A6794DKT, et Req. 1513/03 N° Lexbase : A6795DKU : Resp. civ. et assur., 2005, comm. 327, obs. Ch. Radé), puis la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, n° 02-13.775 FP-P+B N° Lexbase : A5688DMM : Resp. civ. et assur., 2006, comm. 94, nos obs. ; JCP éd. G, 2006, II, 10062, note A. Gouttenoire et S. Porchy-Simon ; Dr. Famille, 2006, comm. 94, obs. B. Beignier et concl. J. Sainte-Rose) et le Conseil d'Etat (CE, 5° et 6° s-s-r., 24 février 2006, n° 250704 N° Lexbase : A3958DNW : Resp. civ. et assur., 2006, comm. 127).
(13) Cons. const., décision n° 2010-2 QPC, du 11 juin 2010 (N° Lexbase : A8019EYN).
(14) Cass. civ. 1, 8 juillet 2008, n° 07-12.159, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A5290D9S), JCP éd. G, 2008, II, 10166, avis C. Melloté, note P. Sargos ; et nos obs. in Panorama de responsabilité médicale (avril à septembre 2008), Lexbase Hebdo n° 321 du 6 octobre 2008 - édition privée (N° Lexbase : N3835BHI).
(15) CE, Ass., 13 mai 2011, n° 317808 (N° Lexbase : A8711HQP) et n° 329290 (N° Lexbase : A8726HQA), publiés au recueil Lebon : RGDM, 2011, n° 40, p. 355, note J. Saison-Demars et M. Girer ; JCP éd. A, 2011, n° 29, p. 29, note B. Pacteau ; RDSS, 2011, p. 749, note D. Cristol ; RFDA, 2011, p. 772. Egalement, mais dans une formule n'excluant pas formellement les naissances antérieures : CE, 5° s-s., 18 juillet 2011, n° 328881, (N° Lexbase : A3149HWK) : "que cette décision emporte abrogation, conformément au deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 dans la mesure où cette disposition rend les règles nouvelles applicables aux instances en cours au 7 mars 2002".
(16) RFDA, 2011, p. 772, concl. J.-Ph. Thiellay.
(17) Dans le même sens, P. Sargos au JCP éd. G, 2012, préc..
(18) Dans le même sens, P. Sargos, préc..

newsid:430096