Réf. : Cass. crim., 16 juin 2020, n° 19-86.760, F-P+B+I (N° Lexbase : A71303NE)
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par Adélaïde Léon
le 16 Juillet 2020
► Faute de délai spécifique prévu par la loi, le délai au terme duquel l’auteur d’une demande d’octroi du statut de témoin assisté, formulée auprès du juge d’instruction, peut saisir la chambre de l’instruction, est de deux mois ;
Une fois l’avis de fin d’information délivré, la personne mise en examen ne dispose que des droits limitativement énumérés par l’article 175 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7482LPS) lequel ne comprend pas la requête aux fins d’octroi du statut de témoin assisté.
Résumé des faits. Une personne a été mise en examen du chef de complicité de blanchiment, par concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d’un délit de trafic de stupéfiants. Le 29 avril 2019, l’intéressée a fait l’objet d’un interrogatoire au cours duquel son avocat a fait acter qu’il entendait déposer une demande d’octroi du statut de témoin assisté. Le 2 mai 2019, le juge d’instruction délivrait un avis de fin d’information. Le 9 mai 2019, la mise en examen a présenté une demande d’octroi du statut de témoin assisté puis a, en l’absence de réponse du juge d’instruction et par déclaration au greffe en date du 12 juin suivant, saisi la chambre de l’instruction directement de cette demande.
Par deux ordonnances, le juge d’instruction a déclaré irrecevable la demande d’octroi du statut de témoin assisté et ordonné le renvoi de l’intéressée devant le tribunal correctionnel.
La prévenue a interjeté appel de ces ordonnances.
En cause d’appel. La cour d’appel a déclaré régulière la saisine directe de la chambre de l’instruction, recevable la demande d’octroi du statut de témoin assisté et a annulé l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.
Les juges du fond ont estimé que la demande d’octroi du statut de témoin assisté ne pouvait être déclarée irrecevable au motif de que l’instruction avait pris fin. En effet, l’avis de fin d’information ayant été adressé avant la fin du délai de 10 jours imparti à l’intéressée pour présenter sa requête, la déclarer irrecevable contreviendrait aux dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR).
Ils ont également considéré que l’intéressée pouvait valablement saisir directement la chambre de l’instruction en l’absence de réponse du juge d’instruction dans le délai d’un mois prévu par l’article 81 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9490LP8).
Le procureur général près la cour d’appel a formé un pourvoi contre cette décision.
Moyens du pourvoi. Le procureur général reprochait à la cour d’appel d’avoir accueilli la demande d’octroi du statut de témoin assisté alors que cette possibilité ne figure pas au nombre des droits de l’article 175 du Code de procédure pénale offerts au mis en examen après l’émission d’avis de fin d’information.
Le procureur général critiquait également les juges du fonds en ce qu’ils avaient, en méconnaissance de l’article 802-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4838K8P), déclaré régulière la saisine directe de la chambre de l’instruction alors qu’elle était intervenue moins de deux mois après la demande présentée au juge d’instruction.
Décision. La Haute juridiction casse l’arrêt rendu par la cour d’appel au visa des articles 80-1-1 (N° Lexbase : L2963IZR), 175 et 802-1 du Code de procédure pénale. Elle déclare régulière l’ordonnance du juge d’instruction et irrecevables la saisine directe de la chambre de l’instruction et l’appel interjeté par l’intéressée contre l’ordonnance du juge d’instruction.
Droits du mis en examen à la suite de l’avis de fin d’information. La Cour de cassation affirme sans équivoque qu’une fois l’avis de fin d’information délivré, la personne mise en examen ne dispose que des droits limitativement énumérés par l’article 175 du Code de procédure pénale lequel ne comprend pas la requête aux fins d’octroi du statut de témoin assisté.
La Haute cour souligne que la décision du juge d’instruction de rendre son avis de fin d’information avant la fin du délai de 10 jours imparti pour présenter une demande d’octroi du statut de mis en examen ne constitue par une méconnaissance du droit à un procès équitable. Elle rappelle à ce titre que l’article 175 autorisait l’intéressée à présenter des observations au juge d’instruction, ce dernier ayant l’obligation de motiver son ordonnance de règlement au regard de celles-ci et de préciser les éléments à charge et à décharge.
Délai permettant la saisine directe de la chambre d’instruction en l’absence de réponse du juge d’instruction à une demande d’octroi du statut de témoin assisté. La Cour affirme que tout délai spécifique doit être expressément prévu par la loi. À défaut, c’est le délai de deux mois de l’article 802-1 du Code de procédure pénale qui doit s’appliquer. En l’espèce, la seule circonstance que l’article 80-1-1 dudit code cite l’article 81 ne suffit pas à appliquer le délai d’un mois aux demandes de l’article 80-1-1.
Sur ce point, cet arrêt semble revenir sur une jurisprudence précédente au terme de laquelle la Cour de cassation estimait que le délai d’un mois de l’article 81 était bien applicable à ce recours (Cass. crim., 6 octobre 2015, n° 15-82.700 N° Lexbase : A0593NT7).
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