Réf. : Cass. civ. 3, 25 juin 2020, n° 19-15.780, F-D (N° Lexbase : A70913PC)
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N3965BYI
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 01 Juillet 2020
► La Cour de cassation poursuit la clarification de sa jurisprudence sur la caractérisation de la réception tacite ; la prise de possession de l’ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage.
Le législateur de 1978 a pris le soin de définir, à l’article 1792-6 du Code civil (N° Lexbase : L1926ABX), la réception comme un acte juridique, justement pour éviter, autant que possible, l’insécurité consécutive à la réception tacite. La réception tacite semble donc exclue. Mais il est des cas où il n’est pas possible d’établir cet acte contradictoirement, ce qui suscite un contentieux pour la réparation des désordres de la construction.
La Cour de cassation opère, comme l’illustre l’arrêt commenté confirmatif, à cet égard, d’une jurisprudence éculée (Cass. civ. 3, 6 novembre 1996, n° 94-21.598 N° Lexbase : A7681CNS, RDI 1997, p. 83), un contrôle de motivation des conditions d’existence d’une telle réception qu’elle a, très tôt, résumé à « la caractérisation de la volonté non équivoque du maître de recevoir l’ouvrage » (Cass. civ. 3, 4 octobre 1989, n° 88-12.061 N° Lexbase : A0797CGM). La formule est, depuis, reprise inlassablement.
Sont ainsi insuffisants, pris isolément, à caractériser une réception tacite, la prise de possession des lieux (Cass. civ. 1, 4 octobre 2000, n° 97-20.990 N° Lexbase : A7732AHT Constr. Urb. 2000, n° 298), le paiement du prix (Cass. civ. 3, 30 septembre 1998, n° 96-17.014 N° Lexbase : A5487AC9, Constr. Urb. 1998, com 409), la signature d’une déclaration d’achèvement des travaux et d’un certificat de conformité (Cass. civ. 3, 11 mai 2000, n° 98-21.431 N° Lexbase : A4667CRB, AJDI, 2000, 741), des difficultés financières (CA Metz, 12 mars 2003) l’achèvement de l’ouvrage (Cass. civ. 3, 25 janvier 2011, n° 10-30.617, F-D N° Lexbase : A8600GQL), la succession d’une entreprise à une autre (Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-17.129, FS-P+B N° Lexbase : A0851RQL) le paiement du solde dû à l’entreprise (Cass. civ. 3, 22 juin 1994, n° 90-11.774 N° Lexbase : A6284ABD), surtout lorsque des réserves importantes sont émises par le maître d’ouvrage (Cass. civ. 3, 10 juillet 1991, n° 89-21.825 N° Lexbase : A2841ABT, Bull. civ. III, n°204).
Mais, la prise de possession des lieux doublée du paiement complet du prix peut suffire à caractériser cette volonté (Cass. civ. 3, 18 mai 2017, n° 16-11.260, FS-P+B N° Lexbase : A4987WD3) même si les travaux ne sont pas achevés (Cass. civ. 3, 8 novembre 2006, JCP G 2006, IV, 3336). C’est ainsi que depuis une jurisprudence amorcée le 24 novembre 2016 (Cass. civ. 3, 24 novembre 2016, n° 15-25.415, FS-P+B N° Lexbase : A3460SLQ) clairement confirmée en 2019 (Cass. civ. 3, 30 janvier 2019, n° 18-10.197, FS-P+B+I N° Lexbase : A5083YUS ; Cass. civ. 3, 18 avril 2019, n° 18-13.734, FS-P+B+I N° Lexbase : A3818Y9B), la réception tacite est présumée lorsqu’il y a paiement intégral du prix et prise de possession. La Haute juridiction y tient. Elle a déjà eu l’occasion d’y revenir cette année (Cass. civ. 3, 5 mars 2020, n° 19-13.024, FS-D N° Lexbase : A54163IG, obs. J. Mel, Lexbase, éd. priv., n° 819 N° Lexbase : N2886BYK) et réitère en l’espèce.
Des particuliers commandent un bungalow en bois installé le 13 mai 2014 et dont le solde du prix a été réglé le 20 juin 2014. Se plaignant de désordres, ils assignent l’entreprise aux fins d’indemnisation. Les conseillers d’appel avaient considéré que l’ouvrage n’avait pu être réceptionné pour être inachevé.
La Haute juridiction censure. D’un côté, l’achèvement n’est pas une condition de la réception. De l’autre, la prise de possession et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage, avec ou sans réserve.
Cette décision s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la troisième chambre civile.
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