La lettre juridique n°470 du 26 janvier 2012 : Contrats administratifs

[Jurisprudence] Chronique de droit interne des contrats publics - Janvier 2012

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par François Brenet, Professeur à la Faculté de droit et des sciences sociales de l'Université de Poitiers - Institut de droit public

le 26 Janvier 2012

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de droit interne des contrats publics de François Brenet, Professeur à la Faculté de droit et des sciences sociales de l'Université de Poitiers-Institut de droit public (EA 2623), laquelle se penchera plus particulièrement sur le contentieux des contrats administratifs. Par deux importants arrêts du 23 décembre 2011, le Conseil d'Etat a, en effet, abandonné la solution datant de plus de vingt ans, selon laquelle le déféré préfectoral dirigé contre un contrat administratif devait s'analyser comme un recours pour excès de pouvoir. Désormais, un tel recours est considéré comme relevant, eu égard à son objet, du contentieux de pleine juridiction (CE 2° et 7° s-s-r., 23 décembre 2011, deux arrêts, n° 348647 et n° 348648, publiés au recueil Lebon). Ensuite, dans un autre arrêt rendu le 23 décembre 2011 (CE 2° et 7° s-s-r., 23 décembre 2011, n° 350231, mentionné aux tables du recueil Lebon), la Haute juridiction administrative a tiré les conséquences logiques de la transformation de l'office du juge du référé précontractuel, à la suite de la jurisprudence "Smirgeomes" (1), en considérant que l'attributaire d'un contrat n'était pas susceptible d'être lésé par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, qu'il n'avait donc pas intérêt à agir à l'encontre de cette procédure de passation du contrat, et qu'il n'était donc pas habilité à en demander l'annulation.
  • Le déféré préfectoral dirigé contre un contrat administratif relève du contentieux de pleine juridiction (CE 2° et 7° s-s-r., 23 décembre 2011, publiés au recueil Lebon, n° 348647 N° Lexbase : A8248H8Y et n° 348648 N° Lexbase : A8249H8Z)

Même s'il tient en quelques mots, l'importance du revirement de jurisprudence opéré par les deux arrêts n° 348647 et n° 348648 du 23 décembre 2011 ne doit pas être mésestimée. En affirmant que le déféré préfectoral dirigé contre un contrat administratif relève, eu égard à son objet, du contentieux de pleine juridiction, le Conseil d'Etat vient, en effet, de rompre avec la solution classant ce déféré sous la bannière du recours pour excès de pouvoir. Dégagée, il y a plus de vingt ans, par un arrêt de Section (2), celle-ci paraissait de plus en plus en décalage et, pour tout dire, d'un autre temps, dans le contexte de renouveau du contentieux des contrats administratifs et de profonde transformation de l'office du juge du contrat.

Le litige à l'origine de cette nouvelle grande décision du contentieux des contrats administratifs était assez simple. Avant leur fusion en 2009, le syndicat intercommunal d'assainissement du Nord (SIAN) et le syndicat intercommunal d'eau du Nord (SIDEN) avaient constitué chacun une régie dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière pour exploiter leurs services à caractère industriel et commercial. Les deux conseils d'administrations de ces régies avaient décidé, le 28 avril 2008, d'autoriser la passation de différents marchés, quatre portant sur l'assainissement pour le premier syndicat, et un marché relatif à la rénovation de canalisations d'eau potable et de branchements pour le second. Le préfet du Nord a considéré que les dispositions de l'article L. 5211-8 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3138IQB) avaient été méconnues et a saisi le tribunal administratif de Lille d'un déféré préfectoral contre les marchés publics litigieux. Ce dernier a été rejeté par un jugement du 5 mai 2009 qui a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 17 février 2011 (3). L'article L. 5211-8 pose le principe selon lequel le mandat des délégués élus par les conseils municipaux "est lié à celui du conseil municipal qui les a désignés. Ce mandat expire lors de l'installation de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale suivant le renouvellement général des conseils municipaux. Après le renouvellement général des conseil municipaux, l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale se réunit au plus tard le vendredi de la quatrième semaine qui suit l'élection des maires". En l'espèce, les élections municipales avaient eu lieu les 9 et 16 mars 2008 et les organes délibérants auraient donc dû être installés au plus tard le 18 avril 2008. Par transposition, les organes délibérants des syndicats mixtes comprenant à la fois des communes et des établissements publics auraient dû l'être le 16 mai 2008. Or, les conseils d'administration qui ont pris les décisions querellées se sont réunis le 28 avril 2008, dans leur composition antérieure aux élections de 2008.

Le Conseil d'Etat a estimé que la cour administrative d'appel de Douai avait correctement interprété les dispositions précitées en jugeant que l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale, à la suite du renouvellement général des conseils municipaux des communes membres de cet établissement, ne pouvait que gérer les affaires courantes jusqu'à l'installation du nouvel organe délibérant. En revanche, il a considéré qu'elle avait commis une erreur de droit en jugeant que les circonstances que la procédure de passation des marchés avait été engagée antérieurement aux élections municipales et que la commission d'appel d'offres avait émis un avis favorable, permettaient, à elles seules, de regarder la conclusion des contrats comme relevant de la gestion des affaires courantes. Réglant l'affaire au fond, le Conseil d'Etat a logiquement considéré que les décisions d'attribuer les marchés ne pouvaient être regardées comme relevant du fonctionnement courant des régies ou indispensables à la continuité du service public, et ne pouvaient donc pas relever de la gestion des affaires courantes des régies. Par conséquence, ni la commission d'appel d'offres, ni le conseil d'administration de la régie n'avaient compétence pour prendre ces décisions. La Haute juridiction prononce donc l'annulation des marchés litigieux mais avec effet différé et conditionnel. Celle-ci ne prendra effet que dans trois mois à compter de la notification de la décision et uniquement si les conseils d'administration ne procèdent pas à la régularisation des marchés en adoptant une délibération régulière dans ce délai.

L'intérêt principal de ces deux arrêts ne tient évidemment pas aux précisions relatives aux règles applicables en cas de renouvellement des organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale. Il réside dans l'intégration du déféré préfectoral dans le contentieux de pleine juridiction, et donc dans l'abandon de la solution conduisant à l'assimiler à un recours pour excès de pouvoir.

La loi du 2 mars 1982 (loi n° 82-213, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions N° Lexbase : L7770AIM) a remplacé, comme chacun sait, la tutelle a priori du préfet sur les actes des collectivités territoriales par la simple faculté, pour le représentant de l'Etat, de déférer au juge administratif "les délibérations, arrêtés, actes et conventions qu'il estime contraire à la légalité". Dans l'optique de ce contrôle désormais juridictionnalisé dans sa phase ultime, certaines conventions, jugées sensibles, doivent être obligatoirement transmises au préfet. Il s'agit, selon l'article L. 2131-2, 4 ° du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9239IEW), des conventions relatives aux emprunts, aux marchés et accords-cadres, aux conventions de concession ou d'affermage de service public, et aux contrats de partenariat. Mais la jurisprudence a, également, considéré que les contrats non soumis à l'obligation de transmission pouvaient faire l'objet d'un déféré préfectoral (4), soit à l'initiative du préfet (déféré spontané), soit à la demande d'un administré (déféré provoqué). Cette possibilité donnée au préfet de contester directement les contrats administratifs locaux est utilement complétée par la faculté qui lui est attribuée d'attaquer devant le juge administratif les actes administratifs unilatéraux détachables de ces mêmes contrats locaux, qu'ils soient administratifs ou privés. Il reste que la création de cette voie de recours spécifiquement dédiée au représentant de l'Etat est intervenue sans qualification et demeurait entière la question de savoir si ce nouveau recours relevait du contentieux de pleine juridiction ou du recours pour excès de pouvoir. En 1991, le Conseil d'Etat a tranché pour la seconde solution en faisant du déféré préfectoral une variété du recours pour excès de pouvoir (5). Dans le contexte de l'époque, cette solution paraissait logique, car l'accès au juge de plein contentieux était réservé aux seules parties contractantes.

Le profond renouveau du contentieux des contrats administratifs a, sans aucun doute, incité le Conseil d'Etat à revenir sur cette solution. Depuis 2007 et la décision "Tropic" (6), les concurrents évincés peuvent, en effet, saisir le juge de plein contentieux d'une action en contestation de validité du contrat administratif. La sphère contractuelle n'est désormais plus une citadelle imprenable pour eux. Surtout, le juge du contrat dispose d'une palette très large de pouvoirs lui permettant de moduler la sanction en prenant en compte la gravité de l'irrégularité identifiée, ainsi que les conséquences de sa décision en termes de sécurité juridique et de satisfaction de l'intérêt général. Le symbole de cette rénovation des pouvoirs du juge du contrat réside dans l'affirmation selon laquelle il dispose dorénavant d'un pouvoir d'annulation du contrat et non du pouvoir de constater sa nullité. L'annulation est une sanction qu'il décide librement, alors que la nullité est une sanction dont on considérait auparavant qu'elle s'imposait à lui. S'est donc opérée une véritable réappropriation de son office par le juge du contrat.

Si le Conseil d'Etat a choisi d'intégrer le déféré préfectoral dirigé contre un contrat administratif dans le contentieux de pleine juridiction, c'est aussi parce qu'il a considéré que l'office du juge de l'excès de pouvoir demeurait largement inadapté, malgré des évolutions notables intervenues ces dernières années. La mission du juge de l'excès de pouvoir demeure, en effet, enfermée dans l'opposition entre annulation de la décision (et donc du contrat dans le cadre d'un déféré préfectoral) et rejet de la requête. Certes, la jurisprudence "AC !" permet, depuis 2004 (7), au juge de l'excès de pouvoir de moduler dans le temps les effets de ses décisions, en prononçant des annulations pour l'avenir ou des annulations avec effet différé. Cependant, cette jurisprudence a vocation à demeurer exceptionnelle, sauf à vider de son contenu le principe du caractère rétroactif de l'annulation prononcée par le juge de l'excès de pouvoir. Et le maintien du déféré préfectoral dirigé contre un contrat administratif dans l'orbite du contentieux de l'excès de pouvoir aurait, sans doute, impliqué une application trop fréquente, voire même systématique, de la modulation des effets temporels de l'annulation pour tenir compte des intérêts attachés au contrat (sécurité juridique, intérêt général, notamment).

Il reste à savoir ce que sont les implications, immédiates et à venir, de ce "reclassement" du déféré préfectoral. Dans l'immédiat, on constate un phénomène de "tropicalisation" du déféré préfectoral. L'on retrouve, en effet, dans l'office du juge du contrat, saisi d'un déféré préfectoral, des éléments de l'office du juge du contrat, saisi par un concurrent évincé. Le juge du contrat est, ainsi, doté d'un important pouvoir de modulation, d'appréciation de la sanction à prononcer en fonction de l'irrégularité identifiée. Lui est, également, attribué un pouvoir de résiliation du contrat, de modification de certaines clauses, et de décider de la poursuite de l'exécution du contrat, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation. Enfin, le juge peut prononcer l'annulation totale ou partielle du contrat, le cas échéant avec un effet différé. Les deux arrêts n° 348647 et n° 348648 ne dupliquent, cependant, pas tous les pouvoirs du juge du contrat, lorsque ce dernier est saisi par un concurrent évincé. Dans le cadre d'un déféré préfectoral, le juge de plein contentieux ne dispose pas d'un pouvoir d'indemnisation, ce dernier n'ayant aucun sens s'agissant d'un requérant qui agit au nom de l'intérêt général et non pour obtenir la réparation d'un quelconque préjudice. De la même façon, les deux arrêts du 23 décembre 2011 ne dupliquent pas parfaitement les pouvoirs du juge du contrat, lorsque ce dernier est saisi par les parties (dans le cadre d'un recours que l'on a pris l'habitude de qualifier de "Béziers I" (8)). Ainsi n'est-il pas fait mention de l'obligation, pour le juge de plein contentieux saisi d'un déféré préfectoral, de prendre en compte l'exigence de loyauté des relations contractuelles ou encore de stabilité des relations contractuelles. Cela nous semble tout à fait logique car l'on ne peut pas demander au préfet d'exercer sa fonction de contrôle de la régularité des contrats administratifs locaux, et, en même temps, lui interdire de soulever certains moyens, soit parce qu'il risquerait de porter atteinte à la stabilité des relations contractuelles, soit parce qu'il méconnaîtrait l'exigence des relations contractuelles, cette dernière lui étant assurément inopposable.

Il faut noter que les arrêts du 23 décembre 2011 ici commentés n'abordent pas, ce que l'on peut regretter, la question de l'articulation entre le déféré préfectoral dirigé contre les actes détachables des contrats locaux et le déféré préfectoral dirigé contre un contrat administratif local. Faut-il considérer, au nom de l'exception de recours parallèle, que le préfet est, désormais, irrecevable à former un déféré préfectoral devant le juge de l'excès de pouvoir contre les actes détachables à compter de la conclusion du contrat ? Cette solution nous semble s'imposer, tant au regard de la lettre de la jurisprudence "Tropic" (les concurrents évincés étant, en effet, irrecevables à former un recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables à compter de la conclusion du contrat, c'est-à-dire à partir du moment où l'accès au juge de plein contentieux leur est ouvert) que de l'esprit des évolutions intervenues au cours des dernières années, et qui conduisent à faire du juge de plein contentieux le seul véritable juge du contrat. Un pas supplémentaire serait franchi si le Conseil d'Etat acceptait d'amender la jurisprudence "Tropic" en permettant aux tiers "ordinaires" disposant d'un intérêt légitime, même s'ils ne possèdent pas la qualité de concurrent évincé, de saisir le juge du contrat.

  • Impossibilité pour l'attributaire d'un marché public de former un référé précontractuel contre la procédure de passation (CE 2° et 7° s-s-r., 23 décembre 2011, n° 350231, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8356H8Y)

L'attributaire d'un marché public peut-il saisir le juge du référé précontractuel afin d'obtenir l'annulation de la procédure de passation qui lui a été, par définition, favorable ? C'est à cette question, a priori étonnante, mais non dénuée d'intérêt d'un point de vue théorique, que l'arrêt n° 350231 du 23 décembre 2011 répond. En l'espèce, le département de la Guadeloupe avait lancé, en 2010, un appel d'offres pour la passation d'un marché de transports scolaires, divisé en 153 lots. La société X avait remis une offre pour la totalité des lots, mais n'en n'avait finalement obtenu que 9. Elle avait, alors, saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Basse-Terre, lequel a annulé la procédure pour l'ensemble des 153 lots.

La question posée au Conseil d'Etat n'était pas inédite. Dans un arrêt du 19 septembre 2007 "Communauté d'agglomération de Saint-Etienne métropole" (9), le Conseil d'Etat avait considéré qu'une entreprise avait toujours intérêt à conclure un marché selon une procédure régulière, que l'attributaire d'un marché était donc susceptible d'être lésé par un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence, et qu'il pouvait donc saisir le juge du référé précontractuel en vue de l'annulation de la procédure. Cette solution pouvait se prévaloir de plusieurs arguments d'importance. En premier lieu, interdire à l'attributaire de saisir le juge du référé précontractuel revient à l'obliger à supporter le risque de l'annulation ultérieure du contrat. Dans cette hypothèse, il est, alors, contraint d'agir sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle et de la responsabilité quasi-délictuelle pour espérer obtenir le remboursement des dépenses engagées à l'occasion du contrat. Or, les règles applicables en la matière sont assez restrictives. Au titre de l'enrichissement sans cause, ne peuvent être remboursées que les dépenses utiles à la collectivité. De même, au titre de la responsabilité quasi-délictuelle, la faute du cocontractant peut conduire à exonérer partiellement la personne publique de sa responsabilité. En second lieu, l'admission du référé précontractuel de l'attributaire du contrat pouvait se justifier au regard de la solution admettant que le cocontractant puisse exercer un recours pour excès de pouvoir contre la décision de signer le contrat.

Bien que reposant sur de solides arguments, la jurisprudence du 19 septembre 2007 précitée devenait difficilement conciliable avec le référé précontractuel, tel qu'il est désormais façonné par la jurisprudence "Smirgeomes" (10). Alors qu'il était autrefois un recours objectif, une sorte de procès fait à une procédure de passation, il est, désormais, un recours subjectivé dans lequel un requérant ne peut obtenir la sanction d'un manquement à une règle de publicité ou de mise en concurrence que s'il l'a réellement lésé. L'arrêt "Smirgeomes" a opéré un retour salutaire à la lettre et à l'esprit de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1591IEN), puisqu'il appartient désormais au juge du référé précontractuel "de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente". Mécaniquement, cette solution implique que le candidat qui a été évincé, ou qui estime qu'il risque de l'être, ne peut invoquer devant le juge du référé précontractuel que les manquements qui lui ont réellement causé préjudice et qui sont donc susceptibles d'avoir eu une incidence sur sa propre situation. Maintenir la jurisprudence "Communauté d'agglomération de Saint-Etienne métropole" aurait pu conduire à remettre en cause l'apport de l'arrêt "Smirgeomes". En effet, comme l'a relevé M. Dacosta dans ses conclusions (11), autoriser un candidat "à invoquer n'importe quel manquement à tout moment au seul motif qu'il pourrait, in fine, être désigné comme attributaire" aurait vidé la jurisprudence "Smirgeomes" d'une partie de sa substance. Pour cette raison, le Conseil d'Etat a retenu une solution opposée, dans son arrêt du 23 décembre 2011, en jugeant que "l'entreprise déclarée attributaire d'un contrat à l'issue de la procédure de passation n'est pas susceptible d'être lésée par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumis ce contrat [...] elle n'a pas intérêt à agir à l'encontre de cette procédure de passation du contrat et n'est donc pas habilitée à en demander l'annulation sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative [...] cette entreprise peut seulement, le cas échéant, si la procédure de passation est entachée d'une irrégularité susceptible de conduire à l'annulation du contrat, retirer son offre avant la conclusion du contrat". Cette solution permet, tout à la fois, de préserver l'effet utile de la jurisprudence "Smirgeomes" et de préserver les droits de l'attributaire. Ce dernier ne sera, en effet, pas obligé de supporter les risques d'une annulation postérieure du contrat car il pourra toujours retirer son offre avant la signature du contrat.


(1) CE, S., 3 octobre 2008, n° 305420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5971EAE), AJDA, 2008, p. 2161, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber, RFDA, 2008, p. 1128, concl. B. Dacosta, p. 1139, note P. Delvolvé.
(2) CE S, 26 juillet 1991, n° 117717, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9996AQB).
(3) CAA Douai, 1ère ch., 17 février 2011, n° 09DA01015, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9405G3Q).
(4) CE 1° et 4° s-s-r., 4 novembre 1994, n° 099643, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3411AS7), Rec. CE, p. 801 ; CE 3° et 5° s-s-r., 14 mars 1997, n° 143800, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8837ADN), Rec. CE, p. 79.
(5) CE S, 26 juillet 1991, n° 117717, publié au recueil Lebon, préc..
(6) CE, Ass., 16 juillet 2007, n° 291545, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4715DXW), AJDA, 2007, p.1577, chron. C. Landais et F. Lénica, RFDA, 2007, p. 696, concl. D. Casas.
(7) CE, Ass., 11 mai 2004, n° 255886, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1829DCQ), Rec. CE, p.197, concl. C. Devys, RFDA, 2004, p. 454, concl., p. 438, art. J.-H. Stahl et A. Courrèges, AJDA, 2004, p. 1183, note C. Landais et F. Lénica.
(8) CE, Ass., 28 décembre 2009, n° 304802, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0493EQC), AJDA, 2010, p.142, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi, RFDA, 2010, p. 506, concl. E. Glaser.
(9) CE 2° et 7° s-s-r., 19 septembre 2007, n° 296192, mentionné au tables du recueil Lebon ([LXB=A4141DYZ)]) : "Considérant que la société [...] a intérêt à conclure avec la communauté d'agglomération Saint-Etienne Métropole un marché de traitement des déchets ménagers et assimilés selon une procédure régulière [...] dès lors, si elle se trouve être le seul attributaire possible du marché litigieux à l'issue de la procédure de passation négociée sans publicité préalable ni mise en concurrence engagée auprès d'elle, la société [...] n'en demeure moins susceptible d'être lésée par une violation des règles de publicité et de mise en concurrence applicables, et doit donc être regardée comme étant au nombre des personnes ayant intérêt à agir au sens de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative".
(10) CE, S., 3 octobre 2008, n° 305420, publié au recueil Lebon, préc..
(11) Que nous remercions pour leur aimable communication.

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