Le Quotidien du 26 mai 2020 : Fiscalité internationale

[Brèves] Taxe visant les activités publicitaires et fondée sur le chiffre d’affaires : le régime de sanction est incompatible avec le droit de l’Union européenne

Réf. : CJUE, 3 mars 2020, aff. C-482/18 (N° Lexbase : A04453HX)

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N3280BY7

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[Brèves] Taxe visant les activités publicitaires et fondée sur le chiffre d’affaires : le régime de sanction est incompatible avec le droit de l’Union européenne. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57998309-breves-taxe-visant-les-activites-publicitaires-et-fondee-sur-le-chiffre-daffaires-le-regime-de-sanct
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par Marie-Claire Sgarra

le 13 Mai 2020

Le principe de la libre prestation des services énoncé à l’article 56 TFUE (N° Lexbase : L2705IPU) ne s’oppose pas à la réglementation hongroise soumettant les prestataires de services publicitaires établis dans un autre Etat membre à une obligation de déclaration, aux fins de leur assujettissement à la taxe hongroise sur la publicité. Il en va ainsi en dépit du fait que les prestataires de tels services établis en Hongrie sont dispensés de cette obligation au motif qu’ils sont soumis à des obligations de déclaration ou d’enregistrement au titre de leur assujettissement à toute autre taxe applicable sur le territoire hongrois ;

►En revanche, le principe précité s’oppose à la réglementation hongroise par laquelle ces prestataires, ne s’étant pas conformés à l’obligation de déclaration, se voient infliger, en quelques jours, une série d’amendes pouvant s’élever à plusieurs millions d’euros, sans que l’autorité compétente, avant l’adoption de sa décision fixant de manière définitive le montant cumulé de ces amendes, accorde aux prestataires susvisés le temps nécessaire pour s’acquitter de leurs obligations, leur donne l’occasion de présenter leurs observations et examine elle-même la gravité de l’infraction.

Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt du 5 mars 2020 (CJUE, 3 mars 2020, aff. C-482/18 N° Lexbase : A04453HX).

En l’espèce, une société de droit irlandais, qui exerçait une activité soumise à la taxe hongroise sur la publicité, a méconnu son obligation de déclaration en rapport avec cette taxe. L’administration fiscale a infligé à la société une amende d’un montant de 31 000 euros. Par des décisions adoptées les quatre jours suivants, l’administration fiscale a infligé à la société quatre nouvelles amendes, dont le montant de chacune est égal à trois fois celui de l’amende prononcée précédemment. La société a introduit un recours tendant à l’annulation de ces décisions. La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de la loi hongroie avec l’article 56 du TFUE et le principe de non-discrimination.

La Cour rappelle dans un premier temps que l’article 56 du TFUE s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre les Etats membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un Etat. En effet, l’article 56 TFUE exige la suppression de toute restriction à la libre prestation des services imposée au motif que le prestataire est établi dans un État membre différent de celui dans lequel la prestation est fournie. Echappent à cette interdiction les mesures dont le seul effet est d’engendrer des coûts supplémentaires pour la prestation en cause et qui affectent de la même manière la prestation de services entre Etats membres et celle interne à un Etat membre.

L’obligation de déclaration ne conditionne pas l’exercice de l’activité de diffusion publicitaire sur le territoire hongrois et que, d’autre part, sont soumis à cette obligation les prestataires de services publicitaires qui, avant le début de leur activité publicitaire imposable, ne sont pas enregistrés fiscalement en Hongrie, tandis que sont dispensés de cette obligation les prestataires de services publicitaires qui sont déjà enregistrés fiscalement dans cet Etat membre au titre d’un impôt quelconque, et ce indépendamment du lieu d’établissement de l’ensemble de ces prestataires. Cette obligation de déclaration, qui est une formalité administrative, ne constitue pas, en tant que telle, un obstacle à la libre prestation des services. Aucune différence de traitement susceptible de constituer une restriction à la libre prestation de services n’a pu être constatée en l’espèce, tout prestataire étant dispensé de l’obligation de déclaration dans la mesure où il est déjà déclaré ou enregistré au titre d’une

quelconque autre imposition directe ou indirecte prélevée en Hongrie. Cette dispense n’a pas d’effet dissuasif, mais évite aux prestataires déjà enregistrés d’accomplir une formalité inutile.

D’un point de vue formel, le régime de sanctions en cause est indistinctement applicable à tous les assujettis qui ne se conforment pas à leur obligation de déclaration, indépendamment de l’Etat membre sur le territoire duquel ils sont établis. Toutefois, seules les personnes fiscalement non-résidentes en Hongrie courent réellement le risque de se voir infliger ces sanctions. Les prestataires de services publicitaires établis en Hongrie sont susceptibles d’être sanctionnés pour l’inexécution des obligations similaires de déclaration et d’enregistrement qui leur sont imposées au titre des dispositions générales de la législation fiscale nationale. Toutefois, le régime de sanctions se rattachant à la loi relative à la taxe sur la publicité permet d’infliger des amendes d’un montant significativement plus élevé que celui des amendes prévues en cas de méconnaissance, par un prestataire de services publicitaires établi en Hongrie, de son obligation d’enregistrement. D’ailleurs, ni les montants ni les délais de ce dernier régime ne sont aussi rigoureux que ceux applicables dans le cadre des sanctions prévues par la loi relative à la taxe sur la publicité.

Cette différence de traitement, qu’elle juge disproportionnée et donc non justifiée, constitue une restriction à la libre prestation de services interdite par l’article 56 du TFUE.

 

 

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