Le Quotidien du 2 avril 2020 : Marchés publics

[Brèves] Pratiques anticoncurrentielles lors de la passation de marchés publics : condamnation solidaire des entreprises impliquées et méthode d’évaluation du préjudice subi

Réf. : CE 2° et 7° ch-r., 27 mars 2020, deux arrêts, publiés au recueil Lebon, n° 421758 (N° Lexbase : A42513KN) et n° 420491 (N° Lexbase : A42493KL)

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[Brèves] Pratiques anticoncurrentielles lors de la passation de marchés publics : condamnation solidaire des entreprises impliquées et méthode d’évaluation du préjudice subi. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57569729-breves-pratiques-anticoncurrentielles-lors-de-la-passation-de-marches-publics-condamnation-solidaire
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par Yann Le Foll

le 01 Avril 2020

Lorsqu'une personne publique est victime, à l'occasion de la passation d'un marché public, de pratiques anticoncurrentielles, il lui est loisible de mettre en cause la responsabilité quasi-délictuelle non seulement de l'entreprise avec laquelle elle a contracté, mais aussi des entreprises dont l'implication dans de telles pratiques a affecté la procédure de passation de ce marché, et de demander au juge administratif leur condamnation solidaire ;

pour évaluer l'ampleur du préjudice subi, il convient de se fonder sur la comparaison entre les marchés passés pendant l'entente et une estimation des prix qui auraient dû être pratiqués sans cette entente, en prenant, notamment, en compte la chute des prix postérieure à son démantèlement, ainsi que les facteurs exogènes susceptibles d'avoir eu une incidence sur celle-ci.

Telles sont les solutions dégagées par le Conseil d'Etat dans deux arrêts rendus le 27 mars 2020 (CE 2° et 7° ch-r., 27 mars 2020, deux arrêts, publiés au recueil Lebon, n° 421758 N° Lexbase : A42513KN et n° 420491 N° Lexbase : A42493KL).

Décision CE n° 421758

Rappel. Si une personne publique est, en principe, irrecevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu'elle a le pouvoir de prendre, la faculté d'émettre un titre exécutoire dont elle dispose ne fait pas obstacle, lorsque la créance trouve son origine dans un contrat, à ce qu'elle saisisse le juge d'administratif d'une demande tendant à son recouvrement ;

L'action tendant à l'engagement de la responsabilité quasi-délictuelle de sociétés en raison d'agissements dolosifs susceptibles d'avoir conduit une personne publique à contracter avec l'une d'entre elles, à des conditions de prix désavantageuses, qui tend à la réparation d'un préjudice né du contrat lui-même et résultant de la différence éventuelle entre les termes du marché effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l'être dans des conditions normales, doit être regardée, pour l'application de ces principes, comme trouvant son origine dans le contrat, y compris lorsqu'est recherchée la responsabilité d'une société ayant participé à ces agissements dolosifs sans conclure ensuite avec la personne publique.

Faits. Par une décision du 22 décembre 2010 (n° 10-D-39 N° Lexbase : X9268AHQ), l'Autorité de la concurrence a condamné la société requérante, ainsi que sept autres entreprises, pour avoir participé entre 1997 et 2006 à une entente visant à se répartir au niveau national les marchés publics de signalisation routière et à en augmenter les prix.

Par un arrêt, devenu définitif, en date du 29 mars 2012, la cour d'appel de Paris (CA Paris, pôle 5, ch , n° 2011/01228  N° Lexbase : A8128IG7) a confirmé cette sanction dans son principe en se bornant à diminuer son quantum pour certaines des entreprises concernées, mais non pour la société X.

Décision. En déduisant de ces constats, par un arrêt suffisamment motivé, d'une part, que le comportement fautif de la société était en lien direct avec le surcoût supporté par le département de l'Orne lors de l'exécution des marchés à bons de commande passés en 1999, 2002 et 2005 et, d'autre part, que sa responsabilité solidaire était engagée, alors même qu'elle n'avait présenté qu'une offre en 2002 et aucune en 1999 et 2005, la cour administrative d’appel (CAA Nantes, 27 avril 2018, n° 17NT01719  N° Lexbase : A2881XPE) n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

Décision n° 420491

La cour administrative d'appel (CAA Nantes, 16 mars 2018, n° 17NT01526 N° Lexbase : A2907XPD) s'est fondée, pour évaluer l'ampleur du préjudice subi par le département au titre du surcoût lié aux pratiques anticoncurrentielles, sur la comparaison entre les marchés passés pendant l'entente et une estimation des prix qui auraient dû être pratiqués sans cette entente, en prenant, notamment, en compte la chute des prix postérieure à son démantèlement ainsi que les facteurs exogènes susceptibles d'avoir eu une incidence sur celle-ci.

En estimant implicitement qu'en l'espèce cette chute des prix ne résultait pas de l'augmentation de la pondération du critère du prix dans les marchés postérieurs ou de la réduction alléguée des marges bénéficiaires des entreprises concernées, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier (cf. l'Ouvrage "Marchés publics" N° Lexbase : E6798E9N).

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