Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 2 mars 2020, n° 418640, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A93063GR)
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par Charlotte Moronval
le 11 Mars 2020
► Lorsqu'un employeur diligente une enquête interne visant un salarié à propos de faits, venus à sa connaissance, mettant en cause ce salarié, les investigations menées dans ce cadre doivent être justifiées et proportionnées par rapport aux faits qui sont à l'origine de l'enquête et ne sauraient porter d'atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie privée.
Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 2 mars 2020 (CE 1° et 4° ch.-r., 2 mars 2020, n° 418640, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A93063GR).
Faits et procédure. Un syndicat diligente une enquête interne visant un de ses salariés, sans en informer ce dernier, après qu'un client eut signalé avoir fait l'objet, à l'occasion d'un différend d'ordre privé, de menaces de la part de ce salarié, fondées sur de prétendus mouvements suspects sur ses comptes bancaires. Les investigations réalisées par le service chargé du contrôle dans le cadre de cette enquête interne ont porté non seulement sur le point de savoir si le salarié avait consulté les comptes bancaires du client à l'origine du signalement, mais également sur les comptes personnels détenus par le salarié au sein de la banque et sur ceux du syndicat dont il était trésorier. Il résulte de ces dernières investigations que le salarié avait commis des détournements de fonds au détriment du syndicat.
Une inspectrice du travail refuse le licenciement de ce salarié protégé. Le ministre du Travail décide, quant à lui, d’annuler cette décision. L’employeur se pourvoit en cassation contre l'arrêt (CAA Nancy, 28 décembre 2017, n° 16NC01022 N° Lexbase : A7516XBY) par lequel la cour administrative d'appel a rejeté l'appel qu'il a formé contre le jugement du tribunal administratif ayant annulé la décision du ministre du Travail.
Solution. Enonçant la solution susvisée, les Hauts magistrats rejettent le pourvoi formé par l’employeur. Ils relèvent que l'employeur du salarié protégé a procédé, sans l'en informer, à la consultation des comptes bancaires personnels de ce salarié, auquel il n'a pu avoir accès qu'à raison de sa qualité de fédération d'établissements bancaires, alors que cette consultation n'était pas nécessaire pour établir la matérialité des allégations qui avaient été portées à sa connaissance par un tiers. En l'espèce, le trouble causé par le salarié rendant impossible son maintien dans l'entreprise, invoqué par l'employeur dans sa demande d'autorisation de licenciement, ne résultant que des éléments ainsi obtenus, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que l’employeur avait porté une atteinte excessive au respect de la vie privée du salarié, dans des conditions insusceptibles d'être justifiées par les intérêts qu'elle poursuivait. La cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit ni méconnaître l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR), que le ministre du Travail n'avait pu légalement, pour annuler la décision de l'inspectrice du travail, se fonder sur le motif tiré de ce que le détournement de fonds commis par le salarié constituait un trouble manifeste dans le fonctionnement de l'entreprise.
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