Le Quotidien du 21 février 2020 : Construction

[Brèves] Un enduit de façade est-il un ouvrage ou un élément d’équipement ?

Réf. : Cass. civ. 3, 13 février 2020, n° 19-10.249, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A75253EG)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay

le 20 Février 2020

► Un enduit de façade n’est pas un élément d’équipement puisqu’il ne fonctionne pas ;

► un enduit de façade est un ouvrage s’il assure une fonction d’étanchéité.

Tels sont les principes rappelés par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 13 février 2020 (Cass. civ. 3, 13 février 2020, n° 19-10.249, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A75253EG).

Le présent titre surprend. Pourquoi un enduit serait-il susceptible d’être qualifié d’élément d’équipement ? A se rappeler les jurisprudences relatives au carrelage (Cass. civ. 3, 11 septembre 2013, n° 12-19.483, FS-P+B+I N° Lexbase : A1577KLY) ou, mieux (ou pire selon) les jurisprudences rendues depuis juin 2017 sur les éléments d’équipement sur existants (V. notamment, Cass. civ. 3 15 juin 2017, n° 16-19.640, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6831WHH ; Cass. civ. 3 14 septembre 2017, n° 16-17.323, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6554WR8 ; Cass. civ. 3, 26 octobre 2017, n° 16-18.120, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8797WWQ ; J. Mel, La saga sur les éléments d’équipement continue, Lexbase, éd. priv., n° 731, 2018 N° Lexbase : N2704BXG), il devient pourtant compréhensible que les juges du fond peinent à trouver un véritable critère de rattachement à chacune de ces notions. L’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation ce 13 février 2020 vient rappeler des principes simples qui méritaient manifestement d’être confirmés.

Dans cette espèce, un particulier confie à un auto-entrepreneur la réalisation de travaux d’enduit de façades. Des fissures sont apparues. Le maître d’ouvrage assigne, après une expertise judiciaire, le constructeur et son assureur de responsabilité civile décennale au fond en réparation des désordres.

Dans un arrêt rendu le 5 novembre 2018, la cour d’appel de Toulouse a condamné l’assureur de responsabilité civile décennale in solidum avec son assuré à réparer les désordres (CA Toulouse, 5 novembre 2018, n° 16/02296 N° Lexbase : A0347YK3). Les conseillers ont considéré que l’enduit constituait un élément d’équipement dès lors que sa composition lui conférait un rôle d’imperméabilisation, lequel rendait l’ouvrage existant impropre à sa destination. Aussi, en application de l’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ), peu importe que l’élément d’équipement soit dissociable ou non, la responsabilité décennale s’applique dès lors que l’ouvrage lui-même est impropre à sa destination, ce qui était le cas compte-tenu des fissures affectant la façade.

La cassation était prévisible.

Selon sa nouvelle technique de rédaction, particulièrement pédagogue, la Haute juridiction rappelle, d’un côté, le principe de la responsabilité décennale du constructeur posé à l’article 1792 du Code civil. Puis elle confirme, de l’autre, sa jurisprudence antérieure aux termes de laquelle un enduit de façade constitue un ouvrage lorsqu’il assure une fonction d’étanchéité et pas d’imperméabilisation.

Et qu’il ne peut, en tout état de cause, constituer un élément d’équipement puisqu’il n’a pas vocation à fonctionner.

Depuis bien longtemps maintenant, la Haute juridiction opère une distinction, de façon d’ailleurs assez critiquable, par le curieux critère de l’étanchéité, entre les travaux ayant une fonction purement esthétique, qui ne sont pas éligibles à la responsabilité décennale des constructeurs (Cass. civ. 3, 28 février 2018, n° 17-13.478, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6549XEB), et ceux destinés à préserver la pérennité de l’existant (pour un ravalement, Cass. civ. 3, 3 mai 1990, n° 88-19.642 N° Lexbase : A4042AH8, Bull. civ. III, n° 105 ; pour un radier ayant une fonction d’étanchéité, CA Paris, 24 janvier 2007, n° 03/15822 N° Lexbase : A1336DUZ). Il s’agit là finalement de la mise en application d’un des critères déterminant de la caractérisation d’un ouvrage : lorsque les travaux participent à la construction d’un ensemble comprenant le clos et le couvert.

La solution selon laquelle un enduit de façade ne peut pas être un élément d’équipement puisqu’il n’a pas vocation à fonctionner ne peut qu’être approuvée, même si cela restreint la catégorie des éléments d’équipement. La Haute juridiction avait, d’ores et déjà, pu considérer que les éléments inertes n’étaient pas réparables sur le fondement de la garantie biennale de bon fonctionnement puisque, justement, ils ne fonctionnent pas (par exemple, pour du carrelage, cf. Cass. civ. 3, 7 juin 2018, n° 16-15.803, F-D N° Lexbase : A7377XQB ; Cass. civ. 3, 13 décembre 2013, n° 12-12.016, FS-P+B N° Lexbase : A0449I87).

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