Lecture: 15 min
N8925BSD
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble, membre de l'Institut universitaire de France
le 24 Novembre 2011
En procédure civile, les arrêts d'Assemblée plénière s'enchaînent, depuis quelques années, à un rythme soutenu. L'arrêt commenté, rendu le 7 octobre 2011, tranche une question apparemment technique, mais d'une portée essentielle, puisqu'elle concerne l'exercice des voies de recours et leur recevabilité.
En 1994, le tribunal de grande instance de Bordeaux a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de deux époux. En 2004, près de dix ans plus tard, l'épouse interjeta appel de ce jugement. Saisie du recours, la cour d'appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 17 novembre 2009 N° Lexbase : A5251EUZ) le déclara irrecevable, car ayant été formé plus de deux ans après le prononcé de la décision attaquée, contrairement aux termes de l'article 528-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6677H7G), qui dispose que, "si le jugement n'a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l'expiration dudit délai".
Dans cette affaire, le jugement avait fait l'objet d'une notification simplifiée. En vertu de l'article R. 631-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L0995HZU) (applicable devant le tribunal de grande instance), la notification doit être réalisée par le greffier par l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception. Pourtant, en l'espèce, cette notification fut irrégulière, car le greffier n'avait pas indiqué le prénom de l'épouse contrairement aux prescriptions de l'article 665 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6839H7G). La lettre n'arriva pas à son destinataire et fut retournée au greffe avec la mention "Homonymie Précisez Prénom". La situation juridique était complexe puisqu'une notification avait bien été faite par le greffier, mais cette notification, irrégulière, n'avait pas atteint son destinataire. Un doute existait sur l'application de l'article 528-1 du Code de procédure civile et donc sur la recevabilité de l'appel.
La décision rendue par la cour d'appel fit l'objet d'un premier pourvoi en cassation examiné par la deuxième chambre civile (Cass. civ. 2, 21 février 2008, n° 06-14.726, F-D N° Lexbase : A0484D73). La Cour de cassation affirma alors clairement que la décision de première instance "avait été notifiée et peu important que la notification fût entachée d'une irrégularité susceptible d'en affecter l'efficacité". En d'autres termes, l'article 528-1 du Code de procédure civile ne s'appliquait pas en raison de la notification et le délai de deux ans imposé par cette disposition devait être écarté.
L'affaire renvoyée devant la cour d'appel de Bordeaux fit l'objet d'un arrêt de résistance. Ainsi, la juridiction de renvoi considéra que la lettre recommandée renvoyée à son expéditeur sans avoir été délivrée "ne constitue pas une notification au sens de l'article 665 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6839H7G)". Cette décision fit l'objet d'un nouveau pourvoi naturellement accompagné d'une saisine de l'Assemblée plénière.
Le problème soulevé par cette affaire présentait tout à la fois une grande complexité juridique et un intérêt pratique considérable. Il s'agissait de savoir quelle était la portée d'une notification irrégulière qui n'avait pas atteint son destinataire, sur l'exercice d'une voie de recours.
La solution adoptée par l'Assemblée plénière, simple en apparence, mérite quelques explications. L'arrêt est rendu au visa de l'article 528-1 du Code de procédure civile. Selon la Haute juridiction, "une lettre recommandée adressée par le greffe constitue la notification prévue par ce texte, peu important que celle-ci soit entachée d'une irrégularité". En conséquence, elle casse l'arrêt rendu par la cour d'appel de renvoi qui avait déclaré l'appel irrecevable.
Par principe, l'appel contre une décision de première instance est encadré par deux délais. Le délai d'appel est d'un mois à compter de la notification du jugement. Si la notification n'a pas eu lieu, l'appel peut tout de même être exercé, mais il doit l'être dans le délai de deux ans à compter du prononcé du jugement. A l'issue des deux ans, l'appel est irrecevable. Cette seconde règle vise à sécuriser la décision de justice lorsqu'un délai suffisamment long s'est écoulé pour signifier le désintérêt des parties à l'égard de la décision de justice. Soit cette décision a été exécutée volontairement, soit la partie gagnante n'a pas souhaité en obtenir l'exécution et elle a négligé de la notifier.
En revanche, si la notification a eu lieu, l'article 528-1 est inapplicable. La notification n'entraîne pas une interruption du délai de deux ans, mais plus radicalement son exclusion. Le délai d'appel peut devenir éternel, comme nous le verrons plus loin.
La portée de la notification irrégulière sur l'existence du délai d'exercice du recours a fait l'objet de trois interprétations différentes dans cette affaire.
La première cour d'appel saisie a considéré que le jugement n'"avait pas été régulièrement notifié". De façon implicite, la cour d'appel se situait sur le terrain de la nullité procédurale. Le prénom de l'épouse ne figurait pas sur la lettre recommandée. Il s'agit là d'une formalité prévue à peine de nullité textuelle. La formalité n'ayant pas été respectée, la partie concernée n'avait pas eu connaissance du jugement et s'était vue privée de son droit d'appel. L'irrégularité avait donc causé un grief et l'on pouvait considérer que la notification faite par le greffier était atteinte de nullité. L'acte nul ne pouvant produire d'effet, le délai de deux ans prévu à l'article 528-1 trouvait à s'appliquer et l'appel formé dix ans après la décision était irrecevable.
La seconde cour d'appel se situait sur un autre terrain plus incertain. Celui de l'inexistence ou de l'omission de l'acte. La cour de renvoi considérait ainsi que la lettre recommandée, qui avait été retournée au greffier pour correction du destinataire, ne constituait pas une notification. Implicitement, l'irrégularité rendait la notification inexistante. Cette position est aujourd'hui délicate à tenir. En effet, depuis un arrêt de Chambre mixte rendu le 7 juillet 2006, la Cour de cassation a mis fin à la théorie de l'inexistence en affirmant que "quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117 du nouveau Code de procédure civile" (Cass. mixte, 7 juillet 2006, n° 03-20.026, P+B+R+I, N° Lexbase : A4252DQK). Ainsi, l'irrégularité procédurale ne peut affecter un acte au point de le rendre inexistant. Malgré tout, cette jurisprudence n'exclut pas qu'un acte de procédure ne produise aucun effet dès lors qu'il n'a pas été réalisé. Une lettre recommandée ne peut donc valoir notification si elle n'a pas été délivrée à son destinataire. On peut ainsi estimer que la notification est omise ou qu'elle n'existe pas. C'est le sens de la décision de la cour d'appel de renvoi.
La Cour de cassation adopte une attitude radicalement opposée en considérant que la lettre recommandée, même irrégulière, constitue une notification au sens de l'article 528-1. Pour comprendre que la Cour de cassation fasse produire un effet à un acte irrégulier, il faut se reporter au rapport du conseiller rapporteur. Pour le magistrat, l'esprit de l'article 528-1 est de sanctionner le justiciable qui fait preuve d'inertie en ne notifiant pas le jugement. A l'inverse, "en présence d'une notification irrégulière, l'auteur de la notification a, malgré l'irrégularité dont cette dernière est affectée, montré sa volonté de se prévaloir du jugement ou de le critiquer par les voies de recours". Cette volonté de se prévaloir du jugement suffit donc à écarter le délai de deux ans. Le rapporteur est plus clair encore lorsqu'il affirme : "il y a eu une tentative de notification de sorte que l'on peut retenir qu'il y a eu notification". La simple volonté de notifier produirait, dans l'esprit du Code de procédure civile, la mise à l'écart du délai de deux ans.
La solution n'est pas convaincante. Elle l'est d'autant moins dans l'espèce étudiée, puisque la notification n'avait pas été initiée par une partie, mais par le greffier. En effet, par principe, les jugements doivent être signifiés entre les parties pour produire leurs effets (exécution, point de départ des voies de recours). Par dérogation, certains jugements sont notifiés de façon simplifiée par le greffier et par simple lettre recommandée avec avis de réception. Cette procédure présente des avantages évidents, mais elle ne permet pas de manifester une volonté de notification émanant de l'une des parties. Celles-ci peuvent se désintéresser du jugement, malgré la notification. C'est d'ailleurs ce qui semble s'être passé dans les faits puisque l'épouse placée en redressement judiciaire a interjeté appel du jugement près de dix années après son prononcé.
En adoptant une telle solution, la Cour de cassation confirme pourtant une jurisprudence constante. Dans un arrêt du 2 mars 2000, la deuxième chambre civile jugeait déjà qu'une décision "était notifiée, peu important que la notification fût entachée d'une irrégularité susceptible d'en affecter l'efficacité" (Cass. civ. 2, 2 mars 2000, n° 98-13.648 N° Lexbase : A7296CEX). Cette solution a été reprise par la Chambre commerciale dans un arrêt du 7 janvier 2003 (Cass. com., 7 janvier 2003, n° 98-13.133, FS-D N° Lexbase : A6026A4X). Enfin, c'est en ce sens que la deuxième chambre civile avait statué dans l'arrêt du 21 février 2008 (Cass. civ. 2, 21 février 2008, n° 06-14.726, F-D N° Lexbase : A0484D73) qui fit l'objet d'un renvoi dans l'espèce étudiée. Dès lors, il y avait peu de raisons de douter que l'Assemblée plénière, saisie après résistance d'une cour d'appel, confirme la solution adoptée de façon uniforme par les chambres civile et commerciale.
Mais dans l'espèce étudiée, une autre raison de fait pouvait conduire à la mise à l'écart du délai de deux ans. Le greffier avait commis une faute susceptible d'entraîner la responsabilité de l'Etat du fait du dysfonctionnement du service public de la justice. En effet, l'article 670-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6850H7T) dispose qu'en cas de retour d'une lettre recommandée dont l'avis de réception n'a pas été signé par le destinataire, le greffier doit inviter "la partie à procéder par voie de signification". Pourtant, dans l'affaire qui était soumise à l'assemblée plénière, le greffier avait omis cette formalité. Le jugement d'ouverture du redressement judiciaire n'avait donc été ni notifié régulièrement en la forme ordinaire par le greffier, ni signifié par les parties. Si la Cour de cassation appliquait l'article 528-1 du Code de procédure civile, elle rendait l'appel irrecevable en raison d'une faute du greffier. La responsabilité de l'Etat aurait très probablement été engagée.
Il y avait donc autant de raisons de droit, que de fait, d'écarter l'application de l'article 528-1 du Code de procédure civile et la seule manière de le faire était de considérer que la notification, même irrégulière, constituait bien une notification au sens de l'article 528-1 et avait pour effet de rendre inapplicable le délai de deux ans.
Mais la solution retenue ne manque pas de surprendre par la contradiction qu'elle contient.
En effet, de la combinaison des articles 528 (N° Lexbase : L6676H7E) et 528-1, on devrait déduire que :
- en cas de notification, le délai d'appel est d'un mois à compter de la signification ;
- en absence de notification, le délai d'appel est de deux ans à compter du prononcé du jugement.
En présence d'une notification irrégulière, la Cour de cassation devrait se trouver face à une alternative :
- soit, retenir que la notification ne produit pas d'effet et appliquer le délai de deux ans ;
- soit, retenir que la notification produit un effet malgré l'irrégularité et appliquer le délai d'un mois.
Mais la solution retenue est toute autre. La Cour de cassation considère que la notification irrégulière produit son effet au regard de l'article 528-1 en écartant le délai de deux ans. Et implicitement, elle estime que la notification irrégulière ne peut faire courir le délai d'appel d'un mois, puisqu'elle n'est pas parvenue à son destinataire.
En d'autres termes, face à une notification irrégulière, aucun délai d'appel ne s'impose plus. La solution est contraire à la finalité de l'article 528-1. En effet, dans un arrêt du 30 janvier 2003, la deuxième chambre civile avait pu affirmer que "les principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice qui fondent les dispositions de l'article 528-1 du nouveau Code de procédure civile constituaient des impératifs qui n'étaient pas contraires aux dispositions de l'article 6.1" de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) (Cass. civ. 2, 30 janvier 2003, n° 99-19.488, FS-P+B N° Lexbase : A8178A4N). La conformité de l'article 528-1 vis-à-vis du procès équitable tient précisément dans la volonté d'introduire de la sécurité juridique dans l'exercice des voies de recours en limitant ce recours dans le temps.
Il semble que cet impératif de sécurité juridique soit le grand oublié de la décision d'Assemblée plénière. La notification irrégulière ouvre un droit d'appel sans limite temporelle, qui permet à une personne de former un recours plus de dix années après qu'un jugement de redressement judiciaire ait été prononcé contre elle. Est-ce l'équilibre voulu par le Code de procédure civile entre le respect du droit au recours et la nécessité de sécuriser les relations juridiques entre les parties ? Nous pouvons nous permettre d'en douter.
La preuve de la libération du débiteur est une question qui fait l'objet de développements jurisprudentiels récents au sein de la première chambre civile, comme en atteste l'arrêt rendu le 4 novembre 2011.
En l'espèce, un établissement bancaire avait assigné des époux en paiement d'échéances d'un prêt qui, selon la banque, demeuraient impayées. Les époux produisaient toutefois en justice une quittance délivrée par la banque qui établissait que le prêt avait été intégralement remboursé. De son côté, la banque invoquait que cette quittance avait été délivrée par erreur et elle tentait de démontrer par tout moyen que des échéances restaient dues.
La cour d'appel admit ce raisonnement. Elle déduisit le défaut de paiement d'un faisceau d'indices. En effet, à l'époque de la délivrance de la quittance libératoire, le compte des époux était débiteur et ces derniers avaient fait l'objet d'une procédure de surendettement qui incluait la créance de la banque. Tous ces éléments permettaient de considérer que les époux étaient bien débiteurs de la banque et que, dès lors, la quittance avait été émise par erreur.
Pourtant, la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel en affirmant que "si celui qui a donné quittance peut établir que celle-ci n'a pas la valeur libératoire qu'implique son libellé, cette preuve ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1341 et suivants du Code civil".
La solution n'est pas nouvelle. Dans un arrêt du 10 mars 1993, la troisième chambre civile avait déjà jugé que "si la quittance d'une somme payée en dehors de la comptabilité du notaire ne fait foi que jusqu'à preuve contraire, celle-ci ne peut être administrée qu'en conformité avec les règles prévues par les articles 1341 (N° Lexbase : L1451ABD) et 1347 (N° Lexbase : L1457ABL) du Code civil" (Cass. civ. 3, 10 mars 1993, n° 91-14.781 N° Lexbase : A5700ABQ).
Elle est cependant intéressante, car ce problème de preuve se trouve au coeur de plusieurs règles dont l'application pourrait s'avérer contradictoire.
D'abord, la Cour de cassation écarte l'application de l'article 1282 du Code civil (N° Lexbase : L1392AB8) à la quittance. Selon cette disposition, "la remise volontaire du titre original sous signature privée, par le créancier au débiteur, fait preuve de la libération" et selon une jurisprudence constante, "cette remise vaut présomption irréfragable de libération du débiteur". En d'autres termes, la présomption irréfragable ne supporte pas la contestation. A l'inverse, dans l'arrêt étudié, les époux ne détenaient pas le titre original, mais une quittance délivrée par la banque. La Cour de cassation en a déduit que la preuve contraire pouvait être produite. De façon plus explicite encore, en 1993, la troisième chambre civile avait jugé que "la quittance d'une somme payée en dehors de la comptabilité du notaire ne fait foi que jusqu'à preuve contraire". Une quittance est une preuve écrite, mais elle n'a pas la valeur du titre original.
La preuve contraire de la quittance peut être apportée, mais se pose alors la question du moyen de preuve. La question de la libération du débiteur est consubstantielle à celle du paiement. Or, dans un important arrêt du 16 septembre 2010, la première chambre civile a considéré que "la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens" (Cass. civ. 1, 16 septembre 2010, n° 09-13.947, F-P+B+I N° Lexbase : A4755E9Y). La Cour de cassation a ainsi admis que pour se libérer d'une reconnaissance de dette, une personne verse au débat des attestations et formule une demande d'enquête. Face à une reconnaissance de dette, le débiteur peut prouver sa libération par tout moyen.
Il est alors étonnant que la même chambre de la Cour de cassation juge au contraire que face à une quittance libératoire, la preuve de l'absence de paiement doive être apportée conformément à l'article 1341 du Code civil c'est-à-dire par écrit.
On enseigne traditionnellement qu'en matière de fait juridique, la preuve est libre. Cette liberté qui s'applique à la preuve du paiement devrait, en retour, s'appliquer à la preuve du non-paiement. Telle n'est pourtant pas la solution adoptée dans l'arrêt commenté. En invoquant l'article 1341, la Cour de cassation vise le principe selon lequel "il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes". Si la preuve du paiement est établie dans un écrit sous-seing privé, en l'espèce une quittance, la première chambre civile exige en retour que la preuve de l'absence de paiement soit apportée selon le même formalisme. C'est là une combinaison étrange des systèmes de la preuve libre et de la preuve légale.
En pratique, pour que la banque parvienne à prouver que la quittance était erronée, elle aurait dû produire une reconnaissance de dette écrite postérieure à la quittance. Une hypothèse bien improbable qui confine à probatio diabolica.
Une partie appelée et non-comparante se voit généralement opposer un jugement réputé contradictoire (C. pr. civ., art. 473, al. 2 N° Lexbase : L6585H7Z). N'ayant pas comparu, celle-ci peut généralement interjeter appel de la décision sur le fond, si cette décision a été rendue en premier ressort. En revanche, le Code de procédure civile est largement silencieux sur les droits de la partie non-comparante durant la première instance. La solution est logique puisqu'il est difficile d'octroyer des droits procéduraux à la partie qui refuse de se défendre.
L'espèce étudiée montre au contraire que le défaut de comparution n'empêche pas certains justiciables de réclamer le droit à une procédure contradictoire qu'ils ont volontairement évitée. Dans les faits, un syndicat de copropriétaires avait agi contre l'un des copropriétaires en paiement des charges de copropriété. Le défendeur n'avait pas comparu et ne s'était pas fait représenter. Durant l'audience, le juge de proximité avait invité le demandeur à produire des pièces en délibéré. Dans cette hypothèse, l'article 444 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1120INS) prévoit que le président doit ordonner la réouverture des débats lorsque les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements qui leur ont été demandés. Cette disposition semble devoir s'appliquer uniquement dans l'hypothèse où toutes les parties sont comparantes.
Pourtant, dans l'arrêt commenté, le défendeur non-comparant a invoqué une violation de l'article 444 précité et de l'article 6 § 1 de la CESDH en reprochant au juge de n'avoir pas réouvert les débats après avoir invité le demandeur à produire des pièces en délibéré. Pour le défendeur, le juge ne pouvait fonder sa décision sur des documents qui n'avaient pas été soumis au débat contradictoire.
L'argument semblait tout à la fois absurde et dilatoire. Il s'agissait, pour la partie qui s'était dérobée à la première instance, d'obtenir de la Cour de cassation une nouvelle audience au fond devant une juridiction de renvoi.
Les Hauts magistrats ne s'y sont pas trompés. Dans une décision qui semble aller de soi, la Cour de cassation affirme que la partie "qui n'a pas comparu bien que régulièrement convoquée, ne peut se prévaloir utilement d'un défaut de communication de pièces dont le président a demandé à l'audience la production en cours de délibéré".
Autrement dit, celui qui refuse le débat ne peut pas reprocher au juge de n'avoir pas respecté la contradiction. On y trouve là une illustration originale de l'adage nemo auditur, habituellement applicable en droit des contrats. Et cet arrêt a été particulièrement mis en valeur par la Haute juridiction puisqu'il a été rendu en formation plénière de chambre et qu'il est destiné à la publication au bulletin. Ainsi, il est des évidences procédurales dont il est bon de faire la publicité.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:428925