La lettre juridique n°462 du 17 novembre 2011 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Novembre 2011

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N8749BST

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var

le 17 Novembre 2011

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, les auteurs ont choisi de s'arrêter sur deux arrêts rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 25 octobre 2011, tous deux promis aux honneurs du Bulletin. Dans le premier, commenté par le Professeur Le Corre, la Cour régulatrice avait à répondre à la question de savoir si le liquidateur peut, du fait des règles du dessaisissement, obtenir l'expulsion du débiteur de son immeuble, alors que la cession n'est pas encore parfaite. Et, sans réelle surprise, la Cour de cassation, au contraire de la cour d'appel dont elle va casser la décision, va répondre par la négative. Enfin dans le second arrêt commenté cette semaine par Emmanuelle Le Corre-Broly, la Chambre commerciale, amenée un nouvelle fois à se prononcer en matière de déclaration de créance effectuée par le mandataire d'un créancier, consacre le principe de la régularité de la déclaration effectuée par le collaborateur de l'avocat du créancier.
  • La portée du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire (Cass. com., 25 octobre 2011, n° 10-21.146, FS-P+B N° Lexbase : A0530HZN)

La traduction majeure de la réduction des droits du débiteur résulte de l'article L. 622-9 du Code de commerce, dans la rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L7004AIA, anciennement loi du 25 janvier 1985, art. 152 N° Lexbase : L6541AHQ). Aux termes de son alinéa 1er, "le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur". Précisons immédiatement que l'article L. 641-9-I du Code de commerce (N° Lexbase : L8860INH), qui résulte de la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), reprend exactement la solution. Il en résulte que les développements qui suivent, qui intéressent une décision rendue sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, conservent toute leur actualité sous le régime de la loi de sauvegarde des entreprises.

L'arrêt commenté illustre parfaitement la différence qui existe entre le dessaisissement et une incapacité. Le débiteur dessaisi ne devient pas un incapable majeur. Il perd seulement certains pouvoirs, qui sont transférés au liquidateur judiciaire.

A ce stade, il importe de tenter une définition du dessaisissement. Nous suggérons, à la suite d'un auteur, de considérer que le dessaisissement désigne la réduction des pouvoirs du débiteur résultant de l'effet de saisie collective (1) des droits patrimoniaux du débiteur par la procédure collective. Cette notion correspond au groupement des créanciers antérieurs, mais englobe aussi, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, les créanciers postérieurs non éligibles au traitement préférentiel, ainsi que le représentant de leur intérêt collectif, le liquidateur.

Le dessaisissement a fondamentalement pour objet la défense du gage commun des créanciers. Si le gage des créanciers n'est pas en cause, il n'y a aucune raison de réduire les pouvoirs du débiteur. En outre, seul le gage commun doit être en cause, ce qui explique que si les biens en cause ne font pas partie du gage commun, pour n'être que le gage de certains créanciers de la procédure collective, le liquidateur, qui défend l'intérêt collectif des créanciers en protégeant leur gage commun, est sans qualité à agir.

Récemment, une très belle illustration de cette vision a été apportée par la Cour de cassation, qui a refusé au liquidateur le droit de vendre un immeuble objet d'une déclaration notariée d'insaisissabilité (2). Pourquoi ? Précisément parce que l'immeuble, qui ne pouvait être saisi que par certains créanciers -ceux auxquels la déclaration notariée d'insaisissabilité était inopposable-, mais non par ceux auxquels la déclaration notariée était opposable, c'est-à-dire les créanciers professionnels postérieurs à la publication de la déclaration notariée, n'était pas le gage commun de ces créanciers. Il n'était le gage que des créanciers auxquels la déclaration notariée était inopposable. Pour cette raison, le liquidateur ne pouvait plus être autorisé à vendre cet immeuble, car le produit de sa vente n'aurait profité qu'à une catégorie de créanciers, non à tous. Le produit de la vente n'aurait pas été collectif. En somme, il n'était plus question de vendre le bien appartenant au gage commun et c'est pourquoi l'immeuble en question échappe au dessaisissement.

Dans l'arrêt du 25 octobre 2011, il était également question de vente d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire. Il ne s'agissait pas d'un problème de déclaration notariée, mais, ici encore, ce qui était au centre des débats, c'était la portée du dessaisissement.

La question posée dans le présent arrêt est de savoir si le liquidateur peut, du fait des règles du dessaisissement, obtenir l'expulsion du débiteur de son immeuble, alors que la cession n'est pas encore parfaite. Sans surprise, la Cour de cassation, au contraire de la cour d'appel dont elle va casser la décision, va répondre par la négative : "le dessaisissement de plein droit de l'administration de ses biens par M. [P.] en application des dispositions de l'article L. 622-9 du Code de commerce n'entraîne pas la disparition de son droit de propriété sur l'immeuble indivis litigieux de sorte que le liquidateur n'a pas qualité pour poursuivre l'expulsion de ce dernier avant la réalisation définitive de la cession de cet immeuble".

Dans le présent arrêt, la Cour de cassation réaffirme, comme elle l'avait déjà fait en 2008 (3), que le débiteur ne cesse, au prétexte qu'il est dessaisi de l'administration de ses droits patrimoniaux, d'être propriétaire de ses biens. Dans l'arrêt de 2008, la conséquence qui avait été tirée de ce principe était que le débiteur restait redevable des diverses taxes sur les immeubles qui sont sa propriété (4). Antérieurement, une solution identique avait été posée par le Conseil d'Etat, selon lequel le dessaisissement n'a pas pour effet d'entraîner un changement dans la personne du contribuable, qui reste le débiteur (5).

Dès lors que le débiteur reste propriétaire de ses biens, il ne peut en être privé tant que les raisons d'être du dessaisissement n'ont pas joué. Comme nous l'avons déjà précisé, le dessaisissement a pour objet la protection du gage commun des créanciers. On comprend donc que le débiteur ne puisse vendre le bien ni même le donner à bail, car, ce faisant, il porterait atteinte au gage des créanciers. En revanche, tant que le bien n'est pas vendu, il n'existe aucune bonne raison d'en priver le débiteur. L'expulsion du débiteur d'un immeuble qui lui appartient est donc impossible. En revanche, dès que l'immeuble ne lui appartient plus, alors l'acquéreur doit pouvoir jouir d'un bien avec tous ses attributs. Le prix qu'il a payé, et qui est destiné à assurer la satisfaction des créanciers, participant ainsi à la défense du gage commun en ce qu'il remplace dans le patrimoine du débiteur le bien vendu, tient compte du fait que le bien est libre d'occupation. Il est en conséquence logique que l'expulsion puisse être ordonnée, une fois que l'acquéreur est définitivement devenu propriétaire. La vente ne devra pas seulement être parfaite au sens où l'entend le droit des entreprises en difficulté. Ainsi, ne suffira-t-il pas que l'ordonnance d'autorisation de vente, dans le cas de la vente de gré à gré, soit passée en force de chose jugée, ce qui, on le sait, est le critère de perfection de la vente en droit des entreprises en difficulté (6). Il faudra encore que l'effet translatif se soit produit, ce qui présuppose que l'acte de cession ait été signé.

En revanche, une fois la cession devenue définitive, la libération des lieux s'impose. Il a été jugé, à cet égard, que la clause du cahier des charges mentionnant la présence du débiteur dans les lieux ne peut exonérer le liquidateur de son obligation de délivrance, ce dont il résulte qu'il doit prendre les mesures nécessaires à la libération des lieux (7).

Signalons enfin une autre solution posée par l'arrêt commenté, de manière inédite à notre connaissance. Elle concerne le problème du détournement du courrier.

L'article L. 622-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L7010AIH), qui était anciennement l'article 119-3 du décret du 27 décembre 1985 (décret n° 85-1388 N° Lexbase : L5218A4Z), et qui est passé en partie législative à l'occasion de l'ordonnance de codification du 18 septembre 2000, prévoit que, pendant la procédure de liquidation judiciaire, le liquidateur est le destinataire du courrier adressé au débiteur. Il y a ainsi un détournement obligatoire du courrier. Précisons que la loi de sauvegarde des entreprises revient sur la solution du caractère obligatoire du détournement du courrier en liquidation judiciaire. L'article L. 641-15, alinéa 1er, du Code prévoit désormais une faculté de détournement du courrier. Le juge-commissaire peut en ce sens décider que le liquidateur ou l'administrateur, s'il en a été désigné un, soit le destinataire du courrier (C. com., art. L. 641-15, al. 1er N° Lexbase : L8858INE).

Ce principe de détournement obligatoire du courrier, qui existait sous l'empire de la loi de 1985, devait être coordonné avec les règles du dessaisissement. De même que les doits propres du débiteur échappent au dessaisissement, le courrier personnel doit être remis au débiteur. Les textes obligent même à une restitution immédiate. L'intérêt de l'arrêt rapporté est de préciser que la charge de la preuve de la restitution du courrier personnel incombe au liquidateur. Il lui appartient donc de s'en réserver la preuve, ce qu'il fera, en pratique, en faisant signer un récépissé au débiteur comportant un listing des courriers restitués.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

  • Régularité de la déclaration de créance effectuée par le collaborateur de l'avocat du créancier (Cass. com., 25 octobre 2011, n° 10-24.658, F-P+B N° Lexbase : A0527HZK)

Afin de rendre opposable à la procédure collective leur droit de créance, le créancier antérieur ainsi que le créancier postérieur non éligible au traitement préférentiel doivent déclarer leurs créances auprès du mandataire judiciaire ou du liquidateur. Par cette déclaration, le créancier manifeste ainsi son intention d'obtenir, dans le cadre de la procédure collective, paiement de ce qui lui est dû en participant aux répartitions ou en bénéficiant des dividendes du plan. Cet acte procédural qui se substitue à l'action en paiement "classique", interdite du fait de l'ouverture d'une procédure collective, a été considéré par la Cour de cassation comme équivalent à une demande en justice (8). Il découle de cette analyse que la déclaration de créance, dès lors qu'elle n'est pas effectuée par le créancier lui-même, doit l'être par quelqu'un qui a reçu le mandat ou la mission à cette fin pour respecter les prévisions de l'article 416 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6517H7I) qui dispose que "quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu'il en a reçu le mandat ou la mission". L'article L. 622-24 du Code de commerce (N° Lexbase : L3455ICX) énonce, pour sa part, dans son alinéa 2, que "la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix".

Lorsque la déclaration est effectuée par un préposé du créancier, celui-ci doit être titulaire d'une délégation de pouvoir qui n'aura pas à être spéciale (c'est-à-dire pour une affaire en particulier), la délégation pouvant être générale. Cette délégation, dont il peut être justifié jusqu'au jour où le juge statue à propos de la créance déclarée, n'a pas à avoir date certaine mais doit avoir été octroyée au préposé avant l'expiration du délai de déclaration des créances (9).

En revanche, lorsque la déclaration de créance est effectuée par un mandataire, c'est-à-dire par un tiers par rapport au créancier, celui-ci doit être muni d'un pouvoir spécial -ou mandat ad litem- pour déclarer (10), c'est-à-dire un pouvoir donné affaire par affaire. Ce pouvoir, qui n'a pas à avoir date certaine (11), doit avoir été conféré avant l'expiration du délai de déclaration de créances (12). Alors que, dans un premier temps, la Chambre commerciale avait considéré qu'il devait être produit dans le délai de déclaration de la créance (13), l'Assemblée plénière (14) a récemment opéré un revirement en considérant qu'il pouvait en être justifié jusqu'au jour où le juge statue, alignant ainsi le régime de la justification du mandat spécial sur celui du pouvoir général du préposé.

Au regard des dispositions de l'article 416, alinéa 2, du Code de procédure civile, l'avocat est légalement dispensé de justifier avoir reçu le mandat de représentation en justice. Il peut donc valablement déclarer la créance de son client sans avoir à justifier d'un mandat spécial (15). Cependant, le collaborateur de l'avocat du créancier peut-il valablement déclarer la créance de celui qui n'est pas son client ?

Telle est la question soumise à la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans une espèce où une déclaration de créance avait été effectuée au nom du créancier sur papier à en-tête d'un avocat dont le nom repris au pied de la lettre y avait été précédé des mots "pour ordre" suivi de la signature d'un collaborateur de cet avocat. La régularité de la déclaration de créance avait été contestée, mais en vain, puisque la cour d'appel avait déclaré régulière la déclaration de créance. Le débiteur et le commissaire à l'exécution du plan s'étaient pourvus en cassation et invoquaient notamment, au soutien de leur pourvoi, que l'avocat devait agir personnellement et que si l'avocat lié par un mécanisme de représentation ad litem avec le créancier n'avait pas à justifier d'un pouvoir pour effectuer au nom de ce dernier une déclaration de créance, il ne saurait déléguer à un tiers, fut-il lui-même avocat, le pouvoir d'agir au nom de son client.

Dans un arrêt, appelé à la publication au Bulletin, rendu le 25 octobre 2011, la Chambre commerciale rejette le pourvoi en considérant que "l'avocat collaborateur de celui du créancier peut déclarer les créances, sans être tenu de justifier de son pouvoir ; ayant relevé que M. [X] était l'avocat de M. [P.] et que Mme [Y], elle-même avocate, était sa collaboratrice, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle avait valablement signé la déclaration de créance litigieuse, peu important qu'elle ait agi sur les instructions directes du client ou sur celles de l'avocat de celui-ci".

La Chambre commerciale apporte ainsi une pierre supplémentaire à l'édifice jurisprudentiel consacré à la déclaration de créance effectuée par un avocat. Au cours de ces dernières années plusieurs difficultés ont été soulevées lorsque la déclaration de créance n'est pas signée par l'avocat du créancier et plusieurs questions ont été tranchées. Afin d'en établir une synthèse, différentes hypothèses doivent être distinguées.

La première hypothèse est celle dans laquelle l'avocat du créancier exerce au sein d'une société civile professionnelle ou d'une société d'exercice libéral. Dans cette hypothèse, au regard de la forme sociétaire d'exercice de la profession, n'importe lequel des avocats associés peut effectuer la déclaration de créance (16). Cette solution est parfaitement cohérente avec la position de la Chambre commerciale qui considère que la déclaration de créance qui n'est pas adressée au mandataire judiciaire du débiteur nominalement désigné par le tribunal pour conduire la mission, mais à l'un de ses associés faisant partie de la même société civile professionnelle de mandataires judiciaires, est valablement effectuée (17).

La deuxième hypothèse est celle de l'espèce, c'est-à-dire celle dans laquelle un professionnel libéral confie à son collaborateur le soin de signer la déclaration de créances. La déclaration est parfaitement valable puisque la Chambre commerciale considère dans l'arrêt rapporté que "l'avocat collaborateur de celui du créancier peut déclarer les créances, sans être tenu de justifier de son pouvoir, peu important qu'il ait agi sur les instructions directes du client ou sur celle de l'avocat de celui-ci" (18).

Il est donc possible de conclure la chose suivante : dès lors que l'avocat du client et celui qui a signé la déclaration de créance sont unis par un lien de collaboration ou un lien structurel (exercice au sein d'une SCP ou d'une SELARL), l'avocat du client peut confier à son associé ou à son collaborateur le soin de déclarer la créance du client.

Le troisième cas de figure est celui dans lequel aucun lien d'exercice de l'activité d'avocat n'existe entre l'avocat du client et l'avocat qui procède à la déclaration de créance. Dans cette hypothèse, il ressort d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale (19) que l'accord du client à la substitution d'avocat doit être démontré. Cela signifie donc que l'avocat du client ne peut pas, seul, investir un confrère avec lequel il n'est pas professionnellement lié du pouvoir de déclarer la créance. Ainsi, si un avocat autre que celui du créancier signe la déclaration de créance, la démonstration de l'accord du créancier à la substitution d'avocat devra être rapportée. En pratique, cette solution ne sera guère handicapante pour le créancier car la Chambre commerciale a précisé que l'acceptation de la substitution d'avocat peut être démontrée par les conclusions du créancier (20). Il suffira donc, en cas de contestation de créance, d'établir des conclusions faisant état d'un accord du client à la substitution d'avocat.

La quatrième et dernière hypothèse est celle dans laquelle la déclaration de créance n'a été signée ni par l'avocat du créancier ni par un de ses collaborateurs mais par un préposé non avocat ayant porté sur la déclaration de créance la mention "Pour ordre Me X". La jurisprudence considère que cette déclaration de créance est irrégulière, dès lors que le préposé de l'avocat, généralement une secrétaire, n'est pas lui-même titulaire d'un pouvoir spécial l'autorisant à déclarer la créance (21).

Remarquons ici que, sur ce terrain, une différence importante apparaît entre le pouvoir spécial du tiers déclarant la créance et le pouvoir de représentation en justice de l'avocat. Dans le premier cas, le tiers ayant reçu un pouvoir spécial est autorisé à le déléguer à l'un de ses préposés (22). Dans le second cas, cette possibilité est refusée à l'avocat, dès lors cependant que le salarié n'est pas avocat. Il convient d'en déduire que si l'avocat a en outre reçu de son client un pouvoir spécial, il pourrait déléguer ce pouvoir pour déclarer la créance à l'un quelconque de ses préposés. Quoi qu'il en soit, en dehors de cette hypothèse d'école peu conforme à la déontologie de l'avocat, force est alors de constater qu'il vaudra mieux que la déclaration de créance sur papier à en-tête de l'avocat du créancier soit adressée sans porter la moindre signature, plutôt que de revêtir celle de la secrétaire du cabinet. La Chambre commerciale considère, en effet, que "la preuve de l'identité du déclarant peut être faite, même en l'absence de signature de la déclaration, par tout moyen, jusqu'au jour où le juge statue" (23). Or, en l'absence de signature, le fait que la déclaration soit adressée sur papier à en-tête de l'avocat devrait permettre l'identification de l'auteur de la déclaration...

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon


(1) J. Vallansan, P. Cagnoli, L. Fin-Langer et C. Régnaut-Moutier, Difficultés des entreprises - Commentaire article par article du livre VI du Code de commerce, Litec, 5ème éd., 2009, p. 331 ; adde, Sénéchal, Essai sur la saisie collective du gage commun des créanciers, "Bibl. dr. de l'entreprise", t. 59, Litec, 2002.
(2) Cass. com., 28 juin 2011, n° 10-15.482, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6407HUT), D., 2011, actu 1751, note A. Lienhard ; Gaz. pal., 7 octobre 2011, n° 280, p. 11, note L. Antonini-Cochin ; Act. proc. coll., 2011/13, comm. 203, note L. Fin-Langer ; JCP éd. E, 2011, 1551, note F. Pérochon ; JCP éd. E, chron. 1596, n° 4, obs. Ph. Pétel ; JCP éd. E, 2011, 375, note Ch. Lebel ; JCP éd. E, 412, obs. M. Rousille ; Rev. sociétés, septembre 2011, 526, note Ph. Roussel Galle ; BJE septembre/octobre 2011, comm. 125, p. 242, note L. Camensuli-Feuillard ; nos obs. in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Juillet 2011, Lexbase Hebdo n° 259 du 14 juillet 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N6983BSG).
(3) Cass. com., 8 avril 2008, n° 06-16.343, FS-P+B (N° Lexbase : A8722D78), Bull. civ. IV, n° 80 ; D., 2008, pan. 2458, obs. B. Mallaet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; Act. proc. coll., 2008/10, n° 164, note P. Serlooten.
(4) Cass. com., 8 avril 2008, n° 06-16.343, préc. et les obs. préc..
(5) CE Contentieux, 9 décembre 1991, n° 67235 (N° Lexbase : A9781AQC), Dr. fisc., 1992, n° 13, comm. 667 ; CE 9° et 10° s-s-r., 18 mars 2005, n° 242640 (N° Lexbase : A2754DHH), Dr. fisc., 2005, n° 25, comm. 482.
(6) Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-15.062, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A7136DKI), Bull. civ. IV, n° 191, D., 2005, AJ 2593, obs. A. Lienhard, JCP éd. E, 2006, chron. 1006, p. 74, n° 8, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel, Act. proc. coll., 2005/18, n° 233, note Ph. Roussel Galle ; Gaz. proc. coll., 2006/1, p. 25, obs. J.-P. Sénéchal ; Cass. com., 16 janvier 2007, n° 05-19.573, F-D (N° Lexbase : A6196DTN).
(7) Cass. com., 30 mars 2005, n° 01-11.620, FS-P+B (N° Lexbase : A4435DHQ), Bull. civ. IV, n° 73 ; D., 2005, AJ 1083, obs. A. Lienhard ; D., 2005, AJ 356, note A. Lienhard ; JCP éd. E, 2005, chron. 639, p. 711, n° 11, obs. M. Cabrillac ; RTDCom., 2006. 478, n° 3, obs. A. Martin-Serf.
(8) Cass. com., 14 décembre 1993, n° 93-11.690, publié (N° Lexbase : A4985CH4), Bull. civ. IV, n° 471, RJDA, 1994, n° 1, p. 12, concl. M.-C. Piniot, Bull. Joly, 1994, 196, note Jeantin ; JCP éd. E, 1994, II, 573, note M.-J. Campana et J.-M. Calendini, JCP éd. G, 1994, II, 22200, note J.-P. Rémery, Banque, avril 1994, 93, obs. J.-L. Guillot, Rev. sociétés, 1994, 100, note Y. Chartier, RTDCom., 1994, 367, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 14 février 1995, 2 arrêts, n° 93-12.064, publié (N° Lexbase : A1126ABC) et n° 93-12.398, publié (N° Lexbase : A4010CHY), Bull. civ. IV, n° 43, LPA, 1995, n° 91, p. 13, note P. Alix, Bull. Joly, 1995, 442, note J.-J. Daigre ; Cass. com., 3 juin 2009, n° 08-10.249, F-D (N° Lexbase : A6255EH7), D., 2009, AJ 1691, obs. A. Lienhard ; Cass. com. 26 janvier 2010, n° 09-10.294, F-D (N° Lexbase : A7712EQP) ; Ass. plén., 4 février 2011, n° 09-14.619, P+B+R+I (N° Lexbase : A3498GRY), D., 2011, AJ 514, obs. A. Lienhard, Act. proc. coll., 2011/5, n° 80, note Ph. Roussel Galle, Gaz. Pal., 9 et 10 mars 2011, p. 13, note L. Antonini-Cochin, JCP éd. E, 2011, chron. 1263, n° 7, obs. Ph. Pétel, JCP éd. E, 2011, 1264, note Ph. Roussel Galle, Rev. proc. coll., mars/avril 2011, comm. 23, p. 32, note P. Cagnoli, Rev. proc. coll., mai-juin 2011, comm. 79, p. 42, note F. Legrand et M.-N. Legrand, Rev. sociétés, juin 2011, p. 387, note Ph. Roussel Galle, Procédures, mai 2001, comm. 177, p. 31, note B. Rolland, Rev. sociétés, mai 2011, note P. Crocq, Dr. procédures, mai 2011, J.16, p. 117, note F. Vinckel, BJE, mai/juin 2011, § 66, p. 130, note P.-M. Le Corre, nos obs. in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Février 2011, Lexbase Hebdo n° 239 du 17 février 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N4844BRT).
(9) Sur ces points, v. not. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action 2012/2013, 6ème éd., n° 662.41.
(10) Cass civ. 1, 13 juin 1995, n° 93-18.875, inédit (N° Lexbase : A7437A3T), RJDA 1996, n° 126 ; Cass. com., 19 mars 1996, n° 93-16.875, inédit (N° Lexbase : A7439A3W), RTDCom.,. 1996, 713, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 17 décembre 1996, n° 94-19.489, publié (N° Lexbase : A6183AWW), Bull. civ. IV, n° 313, JCP éd. G, 1997, no 18, p. 216, rapport J.-P. Remery, JCP éd. E, 1997, II, 941, note M. Béhar-Touchais ; Cass. com., 5 janvier 1999, n° 95-16.360, inédit (N° Lexbase : A0049AUD), Act. proc. coll., 1999/4, n° 48 ; Cass. com., 30 mars 1999, n° 96-15.144, publié (N° Lexbase : A0112AUP), Bull. civ. IV, n° 75, LPA, 25 mai 1999, n° 103, p. 7, note P.-M. Le Corre ; Cass. com., 20 juin 2000, n° 97-16.431, inédit (N° Lexbase : A6550CXU) ; Cass. com. 29 octobre 2002, n° 00-22.135, F-D (N° Lexbase : A4049A3D), Act. proc. coll., 2003/1, n° 4 ; Ass. plén., 4 février 2011, n° 09-14.619, P+B+R+I, préc..
(11) Cass. com., 24 septembre 2003, n° 01-03.721, F-D (N° Lexbase : A6237C9U), P.-M. Le Corre, La preuve du mandat spécial pour déclarer les créances, Lexbase Hebdo n° 93 du 6 novembre 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N9279AAW).
(12) Ass. plén., 4 février 2011, n° 09-14.619, P+B+R+I, préc..
(13) Cass. com., 10 mai 2005, n° 04-12.332,F-D (N° Lexbase : A2399DIP) ; Cass. com., 7 mars 2006, 3 arrêts, n° 05-11.633, F-D (N° Lexbase : A5102DNB), n° 05-11.635, F-D (N° Lexbase : A5103DNC) et n° 05-11.636, F-D (N° Lexbase : A5104DND) ; Cass. com. 26 septembre 2006, n° 05-14.752, F-D (N° Lexbase : A3488DRM) ; Cass. com., 17 février 2009, n° 08-13.728, FS-P+B (N° Lexbase : A2725EDB), D., 2009, chron. C. cass. p. 1240, n° 1, note M.-L. Bélaval ; Gaz. proc. coll., 2009/2, p. 31, n° 1, nos obs., JCP éd. E, 2009, 1347, n° 7, obs. Ph. Pétel, Act. proc. coll., 2009/5, n° 77, note C. Régnaut-Moutier, Gaz. Pal., 20/21 mai 2009, p. 11, note S. Piédelèvre, RTDCom., 2009, 450, n° 1, obs. A. Martin-Serf, Rev. proc. coll., 2010/1, §12, p. 29, note F. et M.-N. Legrand ; Cass. com., 30 mars 2010, n° 09-11.869, F-D (N° Lexbase : A4087EUW).
(14) Ass. plén., 4 février 2011, n° 09-14.619, P+B+R+I, préc..
(15) Cass. com., 23 janvier 2001, n° 97-21.311, publié (N° Lexbase : A4294ARH), Bull. civ. IV, n° 21, D., 2001, AJ 858, obs. A. Lienhard, JCP éd. E, 2001, n° 42, p. 1674, note M. Behar-Touchais, Gaz. Pal., 2001, 18-20 mars, pan. 19 ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 30 avril 2004, 4 arrêts, n° 2003/07680 (N° Lexbase : A4084DCA), n° 2003/07683 (N° Lexbase : A4083DC9), n° 2003/07685 (N° Lexbase : A4082DC8) et n° 2003/07686 (N° Lexbase : A4081DC7). Rappr. Cass. com., 30 juin 2004, n° 02-19.135, F-D (N° Lexbase : A8950DCH).
(16) V. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 662.24.
(17) Cass. com. 30 juin 2009, n° 08-13.680, F-D (N° Lexbase : A5815EI9), Gaz. proc. coll., 2009/4, 2e partie, p. 26, nos obs.
(18) Dans le même sens, CA Rennes, 2ème ch., 27 avril 2010, n° 09/02966 (N° Lexbase : A0592EX9), Rev. proc. coll., mai-juin 2011, comm. 80, p. 43, note F. Legrand et M.-N. Legrand.
(19) Cass. com., 15 février 2005, n° 03-16.805,F-D (N° Lexbase : A7390DGS).
(20) Cass. com., 15 février 2005, n° 03-16.805, préc..
(21) Cass. com., 17 février 2009, n° 08-13.728, FS-P+B (N° Lexbase : A2725EDB), D., 2009, chron. C. cass. 1240, n° 1, note M.-L. Bélaval ; Gaz. proc. coll., 2009/2, p. 31, n° 1, nos obs. ; JCP éd. E, 2009, 1347, n° 7, obs. Ph. Pétel ; Act. proc. coll., 2009/5, n° 77, note C. Régnaut-Moutier ; Gaz. Pal., 20/21 mai 2009, p. 11, note S. Piedelièvre ; RTDCom., 2009, 450, n° 1, obs. A. Martin-Serf ; Rev. proc. coll., 2010/1, §12, p. 29, note F. et M.-N. Legrand.
(22) Cass. com., 11 décembre 2007, 4 arrêts, n° 06-20.863, F-D (N° Lexbase : A0785D3H), n° 06-20.864, F-D (N° Lexbase : A0786D3I) , n° 06-20.865, F-D (N° Lexbase : A0787D3K) et n° 06-20.866, F-D (N° Lexbase : A0788D3L).
(23) Cass. com., 21 novembre 2006, n° 05-17.008, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A4873DSB), D., 2006, AJ 2983, obs. A. Lienhard ; RD banc. fin., janvier-février 2007, p. 22, n° 19, note F.-X. Lucas Rev. proc. coll., 2007/1, p. 46, no 4, obs. F. Legrand, Defrénois, 2007/11, p. 887, art. 38605, n° 6, note D. Gibirila, RTDCom., 2007, 446, n° 2, obs. A. Martin-Serf, nos obs. in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté, Lexbase Hebdo n° 241 du 20 décembre 2006 - édition privée (N° Lexbase : N4237A9S) ; Cass. com., 21 novembre 2006, n° 05-19.298, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A4874DSC), Bull. civ. IV, n° 227, D., 2006, AJ 2983, obs. A. Lienhard, Gaz. proc. coll., 2007/2, p. 43, nos obs., RD banc. fin., janvier-février 2007, p. 22, n° 19, note F.-X. Lucas ; Procédures, 2007, n° 1, p. 17, obs. H. Croze, Rev. proc. coll., 2007/1, p. 46, n° 4, obs. F. Legrand, RJ com., 2007 p. 47, note J.-P. Sortais, Defrénois, 2007/11, p. 887, art. 38605, no 6, note D. Gibirila, RTDCom., 2007, 446, n° 2, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 26 janvier 2010, n° 09-10.294, F-D (N° Lexbase : A7712EQP).

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