Lexbase Avocats n°94 du 20 octobre 2011 : Avocats/Institutions représentatives

[Evénement] Rentrée solennelle du barreau de Versailles : pour la défense d'une profession résolument tournée vers l'avenir

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N8261BSR

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

le 20 Octobre 2011

C'est le 14 octobre 2011, dans la salle des Assises du Palais de justice de la ville royale, que s'est tenue la rentrée solennelle du barreau de Versailles, 186ème du nom, cérémonie présidée par Pascal Fournier, son Bâtonnier, et avec, comme invitée d'honneur, Corinne Lepage, députée au Parlement européen, ancienne ministre de l'Environnement, avocate spécialisée dans ce domaine, et candidate récemment déclarée à la présidence de la République. Un barreau résolument dynamique, puisque les avocats inscrits depuis moins de dix ans en représentent les deux cinquièmes de l'effectif total. Après que le Bâtonnier Fournier ait, dans une allocution émouvante, rendu hommage aux figures historiques du Barreau disparues depuis le début de l'année 2011, s'est tenu le traditionnel procès fictif de l'invité sous la houlette de Nathalie Mendès, Samah Ben Attia et Anne Vinçot, secrétaires de la conférence 2011. Une séquence humoristique qui a pris un tour plus grave lorsque Samah Ben Attia a rappelé l'épisode de février 2011 durant lequel les magistrats versaillais se sont mis en grève pour protester contre les propos jugés attentatoires à la profession et à l'indépendance de la justice tenus par le Président de la République à la suite de l'affaire "Laetitia", dans lesquels il avait ouvertement déclaré fautifs les juges qui avaient remis en liberté le présumé coupable.

Samah Ben Attia va même jusqu'à évoquer le risque de menace d'un "linceul obscurantiste". Corinne Lepage, prenant ensuite la parole après avoir été mise sur le grill, s'inquiète elle aussi de l'état du monde de la justice au pays de Montesquieu. Elle évoque, notamment, les difficultés rencontrées par les juges chargés d'instruire les affaires dites "sensibles" dans lesquelles peuvent se retrouver impliquées de hautes personnalités, l'inégalité des armes entre les différents justiciables, ou encore la baisse des moyens alloués aux procédures d'instruction, lesquelles mises bout à bout peuvent s'apparenter à un véritable déni de justice.

Pourtant, poursuit l'ancienne ministre de l'Environnement, jamais le besoin de justice n'a semblé aussi prégnant dans une société durement touchée par une crise à la fois économique et environnementale. Elle évoque successivement la financiarisation de l'économie qui peut mettre rapidement à bas des pays et laisser leur population dans le désarroi, et la corruption d'une certaine partie de la classe politique ; elle rappelle à cette occasion le combat qu'elle avait mené en 1989 contre le maire d'une commune du nord de la France après le vote d'une délégation de service public de l'eau en violation de toute règle de concurrence qui l'avait amené à passer dans l'opposition municipale. Bien évidemment, elle n'oublie pas de faire mention du péril écologique actuel, cocktail détonnant composé de marées noires, de risques nucléaires et de pollution diverses et variées, qui nécessiteraient, selon elle, la création d'un véritable tribunal pénal international de l'environnement. Tous ces dangers nécessitent donc plus que jamais le renforcement du rôle du juge, lui seul pouvant rétablir vérité et justice et se montrer à la hauteur des justes causes.

C'est ensuite au tour du Bâtonnier Fournier de prendre la parole sur un ton grave. Il indique que, si les libertés publiques ont pris un élan décisif avec les quatre décisions rendues par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 15 avril 2011 (Ass. plén., 15 avril 2011, 4 arrêts, n° 10-17.049, P+B+R+I N° Lexbase : A5043HN4 ; n° 10-30.242, P+B+R+I N° Lexbase : A5044HN7 ; n° 10-30.313, P+B+R+I N° Lexbase : A5050HND, et n° 10-30.316, P+B+R+I N° Lexbase : A5045HN8), ce n'est que dans un rapport conflictuel avec le pouvoir exécutif. Selon l'orateur, le grand mérite de la Cour régulatrice est d'avoir décidé que ces arrêts étaient d'application immédiate, pour mieux souligner que c'est en parfaite connaissance de cause que le législateur avait laissé perdurer une situation contraire aux exigences du procès équitable résultant de l'article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), alors que déjà, dans trois arrêts du 19 octobre 2010 (Cass. crim., 19 octobre 2010, 3 arrêts, n° 10-82.306, FP-P+B+I+R N° Lexbase : A0916GCW, n° 10-82.902, FP-P+B+I+R N° Lexbase : A0917GCX et n° 10-85.051, FP-P+B+I+R N° Lexbase : A0918GCY), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a indiqué que les règles posées par l'article 63-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9746IPN) relatives à l'entretien de la personne gardée à vue avec un avocat, ne satisfaisaient pas aux exigences communautaires et que la loi n'a été promulguée que le 14 avril 2011 (loi n° 2011-392, relative à la garde à vue N° Lexbase : L5261IQW).

Et le Bâtonnier de rappeler que le barreau de Versailles a été l'un des précurseurs dans la mise en oeuvre de cette jurisprudence émancipatrice des libertés publiques puisque c'est ce même 15 avril 2011, exactement à 20h14, qu'un premier gardé à vue a pu bénéficier de la présence de son avocat à l'intérieur d'un commissariat yvelinois. Un premier bilan flatteur a donc pu être dressé puisque jusqu'à présent, 80 avocats volontaires ont assisté à 2 120 gardes à vue, ceci, toutefois, au prix d'une disponibilité des avocats de tous les instants, et malgré l'insuffisance des moyens alloués.

C'est après avoir souligné que les avocats du barreau du Versailles ont toujours exercé leur mission de défense des libertés sans compromission et dans un parfait respect de la loi que le Bâtonnier Fournier conclut sur ces mots "Nous faisons un beau métier ; défendons le". La standing ovation qui s'en est suivie était donc bien méritée et le Bâtonnier désigné, Olivier Fontibus, aura a coeur, n'en doutons pas, de reprendre ce prestigieux flambeau dès le mois de janvier 2012.

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